Chapitre 91 - Révélations (1/2)

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 L’esprit de Claire fonctionnait à toute vitesse, essayant de s’adapter aux constants sauts d’humeur du Directeur.

 Que veut-il dire ? Même si ce nouveau Vortex est beaucoup plus grand que l’autre, il ne l’est pas suffisamment pour faire passer assez d’hommes et de matériel pour prendre le contrôle de la Terre, du moins, pas en aussi peu de temps qu’il semble le sous-entendre…

 Même en un mois, même en faisant passer des dizaines de bataillons fortement armés, sans l’assistance d’au moins un vaisseau de guerre en orbite, afin de neutraliser les principales bases aériennes, navales et terrestres de l’autre côté, Kivilis ne pourrait pas écraser les armées terriennes. Ces dernières s’opposeraient forcément à elle, même avec leur technologie inférieure. La victoire ne serait pas possible aussi facilement. Pas sans que Kivilis utilise des moyens qui détérioreraient pour très longtemps la planète. Or ils n’allaient pas prendre le risque d’abîmer ainsi les ressources qu’ils convoitaient.

 D'autant que d’après les documents que Claire avait consultés sur la base des Libertans – documents qui s’avéraient, jusqu’à présent, terriblement exacts – ce nouveau Vortex n’était opérationnel que depuis une ou deux décades, tout au plus.

— Vous avez souffert de Mazesley, n’est-ce pas ? demanda alors, nonchalamment, le Directeur.

 Elle hocha machinalement la tête. Puis comprit soudain. Elle ravala son air, et seul son rigoureux entraînement empêcha ses genoux de la trahir. Mais elle dut s’appuyer d’une main contre la vitre, assommée.

— Comment avez-vous osé… souffla-t-elle.

— C’était si simple, se félicita le Directeur. Grâce aux informations que vous nous avez – si obligeamment - fournies, nous connaissons les grands centres de population, les pays, les modes de transports…

— Mais Mazesley n’est pas contagieux ! protesta-t-elle, effarée, tentant de se rappeler tout ce qu’elle savait sur l’infection qui l’avait terrassée juste après son arrivée.

— Oh si, il l’est, précisa l'odieux vieillard. Seulement, ici, tout le monde est immunisé depuis longtemps…

 Le virus était présent partout. Dans l’eau, dans l’air, dans la moindre des caisses que ces soldats étaient en train de transporter. Dans le Quadrant, tous les enfants Humains l’attrapaient sous sa forme bénigne dans leur première année, une maladie à peine détectable, guère plus grave qu’un rhume, dont la souche avait essaimé sur toutes les planètes au fil des millénaires.

 Mais pas sur la Terre.

 Grâce à leurs informations – des informations qu’elle leur avait si naïvement données, quand elle pensait ne jamais revoir sa planète, quand Leftarm semblait simplement intéressé par la manière dont fonctionnaient les choses sur son monde natal – ils allaient pouvoir créer une épidémie mondiale, mortelle pour tous les adultes !

 Ils auront ensuite le champ libre pour faire ce qu’ils veulent, sans rencontrer la moindre résistance !

 Leftarm le savait-il déjà, à ce moment-là, quand il lui posait toutes ses questions ? Ces séances n’avaient-elles eu lieu que dans un seul but, préparer l’invasion de la Terre et l’éradication pure et simple de ses habitants ?

 Claire était trop choquée pour réfléchir davantage. Elle avait voulu venir ici pour vérifier que la machinerie du Vortex avait effectivement été reconstruite, que les Libertans ne lui avaient pas menti.

 Elle avait insisté pour accompagner Marc et les autres, non parce qu’elle soutenait vraiment leurs idées – même si elle commençait à avoir de sérieux doutes envers le régime - mais parce que c’était le seul moyen de découvrir la vérité.

 Jusqu’au bout, elle avait espéré que tout cela n’était qu’une erreur, une manœuvre du contre-espionnage. Au pire, que même si le Vortex avait réellement été réouvert, c’était uniquement à des fins d’exploration, pour un usage scientifique, ou diplomatique.

 Sa naïveté l’avait empêché de voir ce qui avait été évident depuis le début pour les Libertans : Kivilis ne venait pas en ami sur Terre. Comment aurait-elle pu imaginer tant de cynisme ? Et pourtant, tant de détails auraient dû l’alerter ! L’Histoire Galactique regorgeait de planètes pillées par telle ou telle puissance, pour telle ou telle raison, au cours des millénaires. Pourquoi avait-elle cru que, pour la Terre, ce serait différent ?

 Le Directeur et Leftarm étaient prêts à décimer l’ensemble de la population d’une planète entière – la sienne ! - pour s’approprier ses ressources. C’était d’un banal, et pourtant, elle ne l’avait pas vu venir !

 Le pire était qu’elle leur avait obligeamment facilité la tâche : d’abord en tombant malade, et ensuite, grâce aux renseignements si innocemment fournis !

 Tout est ma faute !

 Elle se sentait trahie, une nouvelle fois, et bien plus profondément qu'elle l'aurait cru possible quand elle avait compris que Leftarm lui avait menti. Elle avait pourtant essayé de conserver un peu de confiance en son employeur, professeur et mentor, mais c'était terminé. Elle avait tellement voulu lui trouver des excuses, malgré ce que lui avaient dit les Libertans...

 Elle s’apercevait maintenant qu’elle n’avait fait que s’illusionner.

 Tout ce qu’elle avait vu, fait et appris depuis son arrivée ici n’était que mensonges. Il s’était servi d’elle, il avait abusé de sa naïveté – avec quelle réussite ! – et il la narguait désormais, sachant qu’elle ne pouvait plus rien faire pour empêcher la terrible catastrophe à venir.

 Non, se reprit-elle, il ne la narguait pas. Celui qui la narguait, c’était le Directeur, ravi de la réaction qu’il suscitait. Leftarm, lui, se tenait immobile, l’air agacé, mais il ne disait rien. Son attention semblait fixée sur la verrière et les petites silhouettes qui s’agitaient en contrebas, mais Claire le sentait tendu, vigilant, et réprobateur.

— Pourquoi ? dit-elle simplement.

— C’est pourtant si… commença le Directeur.

— Ce n’est pas à vous que je parle ! lâcha-t-elle sans regarder le vieillard, fixant Leftarm, qui observait toujours le Vortex. Pourquoi ?

 De surprise et d’indignation, le Directeur en bégaya. Le Seigé eut un sourire à peine perceptible.

— Co…co…comment osez-vous !

 Claire l’ignora.

— Pourquoi me faire voir ça ? reprit-elle.

— P…présentez-moi vos excuses immédiatement ! intima le Directeur, blême de fureur.

— Qu’espériez-vous ? continua froidement Claire en direction du Seigé, ignorant toujours le Directeur. Vous saviez quelle serait ma réaction ! poursuivit-elle, accusatrice, et pourtant vaguement suppliante.

Seigé ! brailla le Directeur, qui s’était redressé de toute sa petite taille, fulminant. J’exige un châtiment immédiat !

 Toujours aucune réponse de la part de Leftarm, debout devant la verrière, l’air songeur, absorbé par le va-et-vient des équipes qui traversaient le Vortex. Pourtant, tous savaient qu’il avait parfaitement entendu. Il ne jugeait juste pas utile de répondre, ni à l’un, ni à l’autre.

 Soudain, son cœur se serra. Elle porta la main à sa poitrine, le souffle subitement court. Un voile rouge passa devant ses yeux, mais elle eut le temps de voir le Directeur qui la fixait d’un air mauvais, les poings crispés. Elle sentit les vagues implacables de poeïr qui émanaient de la petite silhouette décrépite, et comprit enfin. Trop tard.

 Le Directeur est un Wardom, lui aussi !

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