Chapitre 48 - - Le Concile (1/2)

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 Quelques couloirs plus loin, Claire avisa une porte arborant le symbole galactique des besoins physiologiques Humains. Elle se réfugia à l’intérieur, notant avec soulagement que les toilettes étaient vides. Elle s’y enferma.

 Elle avait besoin de réfléchir.

 Cet entretien qui n’en était pas un, dont elle ne saisissait pas le but, et l’altercation (fortuite, ou préméditée ?) qui l’avait suivie, l’avaient laissée complètement désorientée. La tension du combat était retombée, et si elle était fière d’avoir réussi à tenir tête à deux combattantes aguerries, elle avait la curieuse impression de s’être fait avoir.

 Les questions se bousculaient dans sa tête alors qu’elle défroissait son uniforme et tentait tant bien que mal de se recoiffer. Elle pensait avoir laissé derrière elle ses hésitations et ses doutes, confiante en elle et en son poeïr, et elle découvrait qu’il n’en était rien, qu’il suffisait des remarques dédaigneuses d’un vieillard agressif, de l’attitude impassible de son employeur, des moqueries hautaines de deux guerrières, pour faire éclater cette bulle de confiance si durement gagnée.

 Quelle déception elle avait dû provoquer chez son mentor ! Après tout, il n’avait fait que dire la vérité, elle était une jayn. Pas spécialement jolie, en plus.

 Elle s’examina dans le miroir. Elle n’avait jamais prétendu être un canon de beauté, mais les piques sur son physique étaient peut-être celles qui l’avaient le plus atteinte, aujourd’hui.

 Elle sentit les larmes monter à nouveau, et les essuya d’un geste rageur.

Ah non ! Je me suis déjà suffisamment ridiculisée comme ça !

 C’était comme si toute la maîtrise, le contrôle si durement acquis, avaient disparu en un instant, sous le regard froid du Directeur, la laissant hésitante et bredouillante. Ensuite, elle avait cédé à une provocation basique, et s’était battue avec le service de sécurité du palais présidentiel !

Magnifique. Je me suis surpassée !

 Il y avait autre chose, encore plus incompréhensible. Elle qui pensait que sa maîtrise du poeïr se faisait de plus en plus fine, de plus en plus précise, avait pourtant bien cru sentir chez le Directeur une haine tenace, et virulente, dirigée droit sur elle.

J’ai dû me tromper ! Je l’ai jamais vu, ce type ! Pourquoi il s’embêterait à me détester, moi, une jayn de rien du tout, justement ? C’est le gars le plus puissant du Quadrant, tu parles qu’il a du temps à perdre avec ça !

 Le plus probable, c’est qu’elle avait juste été vexée que son professeur utilise pour la désigner ce satané terme de jayn. Tout le reste, elle l’avait imaginé.

 Sauf son indifférence. Qui n’en était pas vraiment, elle l’aurait juré.

Mais il a sans doute ses raisons de se comporter comme ça devant son patron. Je me cherche juste des excuses … !

 Elle s’était ridiculisée dans le bureau du Directeur en seulement quelques mots. Elle ne savait pas ce que son professeur attendait d’elle ce jour-là, mais elle n’avait pas réussi le test.

 Et la bagarre ensuite, était-ce également un test ? Aurait-elle dû passer son chemin ? La provocation avait-elle été faite à dessein, ou n’était-ce qu’un hasard ? Dans tous les cas, elle savait qu’elle n’aurait pas dû s’emporter ainsi. Dans son état normal, elle se serait contentée de sourire d’un air supérieur, et de sortir tranquillement de la pièce, sans faire de vagues.

Eh bien, c’est réussi ! J’ai pleuré, et je me suis battue ! Tu parles d’une Assistante !

 Et maintenant ? Devait-elle retourner immédiatement à Bhénak ? Elle savait qu’elle ne devait pas attendre le Seigé, car dans la navette qui les amenait au Mont Miroir, il l’avait prévenue qu’elle devrait rentrer par ses propres moyens.

 Mais il avait également ajouté, l’air de rien, que tous les Dynastes et Grands-Dynastes seraient présents ce jour-là au Concile, à la différence de ce qui se passait lors d’assemblées mineures.

 Claire commençait à bien connaître son employeur. Il ne parlait jamais pour ne rien dire. S’il avait choisi de l’emmener ici précisément aujourd’hui, ce n’était pas un hasard : certes, il y avait la présentation au Directeur – quel qu’ait été son véritable but – mais cela n’était pas la seule raison.

 Elle se trouvait dans l’enceinte du Concile Dynastial, libre comme l’air, alors que commençaient des délibérations importantes. Elle était prête à parier que le Seigé souhaitait qu’elle en profite pour se familiariser avec ces lieux de pouvoir, pour écouter, et observer. Une Séance d’Observation, cette fois, en dehors de Bhénak. Aucun doute que le débriefing habituel suivrait.

Eh bien, autant se mettre au travail. Je ne dois pas me planter une nouvelle fois… !

 Redressant les épaules, elle jeta un regard sur son reflet. Elle tira ses cheveux en arrière, se recoiffant autant qu'il était possible sans peigne. Elle passa de l’eau sur son visage, heureusement vierge de coups, réajusta sa veste d’uniforme et releva son col. Enfin, elle drapa sa cape sur ses épaules et s’examina d’un regard critique.

 Heureusement, il n’y avait pas de dégâts plus profonds : les habits fournis à Bhénak étaient certes stricts et sans fioritures, mais aussi très solides. Jamais, de tous ses entraînements, elle n’avait réussi les abimer, alors qu’elle était souvent revenue avec des ecchymoses en tous genres et même, une fois, avec un coquart. La plupart des fermetures des habits, ici, étant magnétiques, elles s’ouvraient avant de s’arracher. Il suffisait de les refermer, de réactiver le verrou, et l’habit était comme neuf.

Voilà. Je suis prête.

 Elle devait se concentrer. Qu’importe ce qui venait de se passer, elle ne pouvait pas se laisser aller. Elle réfléchirait à tout ça, mais plus tard.

 Quelques couloirs, et elle se retrouva sur la promenade supérieure. Jetant un regard en contrebas, elle s’aperçut que le Grand Hall était presque vide. La séance du Concile avait donc déjà commencé ! Seuls quelques retardataires se pressaient vers les portes monumentales, au fond, qui devaient donner accès au Concile proprement dit.

 Elle fut tentée un instant de descendre les rejoindre, puis elle avisa les gardes qui se tenaient à l’extrémité de la promenade, du côté opposé. Sans doute pouvait-on accéder à la Salle du Concile en passant par les couloirs supérieurs.

Est-ce que j’ai les accréditations nécessaires… ? On va le savoir très vite !

 Elle respira profondément. Recomposant son expression, elle se dirigea ensuite vers les soldats d’un pas rapide, l’air de savoir exactement où elle allait. Elle tendit son poignet en affectant l’air blasé, légèrement ennuyé, qu’elle utilisait quand elle partait explorer un Secteur de Bhénak où elle n’avait que faire. Mais là, l’enjeu n’était pas le même, et son cœur battait à tout rompre.

 Les vigiles effectuèrent le scan, puis s’effacèrent et la laissèrent entrer sans plus de commentaires. Masquant soigneusement son soulagement, elle passa la porte, la tête haute. Le Seigé avait donc bien fait le nécessaire pour lui donner les accès au Concile !

Au moins, j’ai bien deviné ses intentions, cette fois. Espérons que ça rattrapera un peu le reste…

 Elle se trouvait dans un long couloir, courbe, à la lumière tamisée, sur l’intérieur duquel s’ouvraient de nombreuses portes. Les deux premières étaient verrouillées mais la troisième s’ouvrit sans bruit quand elle pressa sa paume contre le montant. Derrière, une petite loge, meublée de plusieurs fauteuils, faisait face à une grande baie vitrée, triangulaire, fortement inclinée. En contrebas, dans un vaste amphithéâtre, se tenait le Concile.

 Encore plus grande que le hall précédent et de forme parfaitement sphérique, la salle pouvait accueillir plusieurs milliers de personnes sur ses fauteuils disposés en gradins dans des centaines d’alvéoles, chacune correspondant à une planète de la République. Située au centre de la pyramide du Mont Miroir, l'assemblée disposait d'un éclairage zénithal : la lumière se déversait depuis le sommet, cascadant en rideaux argentés depuis les immenses baies qui formaient la pointe du bâtiment. Tout autour, à son niveau et en-dessous, Claire distinguait les vitres sans tain de centaines de loges semblables à la sienne, qui renvoyaient la lumière sur les Dynastes situés en contrebas, comme s’ils s’étaient trouvés à l’intérieur même d’un gigantesque cristal.

 Un panneau de contrôle longeait la baie vitrée. Lorsqu’elle eut actionné le bouton adéquat, le brouhaha de la salle emplit la loge. Étudiant l’écran, elle comprit qu’elle pouvait sélectionner une personne précise pour l’écouter, ou lui parler à l’insu de tous. Il était également possible de commander un encas si la séance s’éternisait, ou encore de réserver un transport privé pour rentrer chez soi, entre autres aménités.

 Balayant les alcôves des Dynastes, elle aperçut même le Secrétaire Thranca, qui se tenait derrière un Skamanite à l’aspect imposant, que l’écran identifia comme le Dynaste Vithon, représentant de la planète Skamaïn.

 Elle s’installa dans un fauteuil, et entreprit de comprendre ce qui se disait en bas. Au moins cela l’empêchait-il de penser à autre chose.

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