A bout de souffle
Le jour se lève doucement, paisiblement.
Je t’observe, encore assoupi, tes paupières closes, ton souffle lent. Ma main effleure ton visage, le caresse avec une infinie tendresse. Tu te rapproches de moi, m’enlaces, et je te serre dans mes bras. Ta tête repose contre ma poitrine, au creux de cette chaleur que nous avons tissée ensemble. Nous restons ainsi, figés dans un instant suspendu. Dehors, les oiseaux chantent, la lumière s’infiltre doucement, le monde s’éveille... mais rien de tout cela ne compte. Nous n’avons besoin de rien ni de personne. Le temps peut s’arrêter ou s’enfuir sans nous, notre bulle est impénétrable.
Puis un jour, tout s’effondre.
Dans ton regard, la lumière vacille. Une ombre s’y installe, une tristesse que je ne comprends pas. Peu à peu, tu détournes les yeux. Ton regard n’est plus posé sur moi, mais sur l’horizon, perdu dans un vide que je ne peux combler. Une distance s’installe, invisible mais cruelle. Je sens encore cette flamme en toi, mais elle vacille, fragile.
J’aimerais te retenir, t’envelopper de mon amour, crier que je suis là, que ma flamme est grande et qu’elle pourrait brûler pour nous deux. Mais rien ne t’atteint. Je le vois, je le sens : tu t’enfuis.
Les nuits deviennent glaciales. Dans ce lit où nous nous aimions, je ne vois plus que ta nuque. Tes pupilles, si profondes autrefois, se dérobent à moi.
Puis un soir, ton téléphone vibre. Un message.
Je te vois sourire, à peine, un éclat fugace, mais c’est une lumière que je ne reconnais pas. Et chaque jour, cette lueur dure un peu plus longtemps. Jusqu’à éclairer toutes tes soirées.
Je te regarde, impuissant, t’éloigner.
Un soir, tu rentres tard, le visage rayonnant. Et bientôt, certains soirs, tu ne rentres plus du tout.
Chaque sourire que tu offres à cette ombre me transperce. La douleur est insoutenable.
Peu à peu, mes affaires disparaissent des étagères, comme si cette maison me rejetait, comme si les murs eux-mêmes m’effaçaient. Le monde avance, et moi, je recule. Chaque pas vers toi est une lutte, un effort qui m’épuise.
Et puis, je ne vois plus que ton dos.
Ton regard ne se pose plus sur moi.
Le son devient lointain. La sonnette retentit.
Tu vas ouvrir.
J’essaie une dernière fois de crier, de te dire que je suis là, que tu es la seule personne qui entoure mon cœur. Mais ma voix n’est qu’un souffle. Je m’essouffle. Mes forces s’évanouissent.
J’entends une voix inconnue.
Je vois flou.
Je m’effondre, genoux à terre.
Elle met un pied dans la maison.
Et moi... je ne suis plus.
Mon corps était mort depuis des mois déjà.
Et mon âme vient de disparaître.
La maladie m’a emporté.
Et ton nouvel amour m’a brisé.
Tu auras une belle vie. Des voix d’enfants résonneront autour de toi.
Une plage, une maison baignée de soleil, une existence paisible.
Tu vivras longtemps et mourras entouré.
Mais jamais, même dans la mort, tu ne m’as retrouvé.
Mon âme s’est éteinte il y a bien longtemps.
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