L'inconnu
L’inconnu dégageait une prestance écrasante, il était revêtu des plus beaux atours que ses yeux n’avaient jamais vus, plus sophistiqués et plus nobles que les armures de cérémonies dont ses officiers s’affublaient. La douce voix reprit :
“Je t’ai observé pendant que tu faisais tes armes dans ce marécage répugnant et je t’ai trouvé splendide quand tu as dansé avec ces Noxiens. C’est dans les horreurs les plus noires que les talents comme les tiens fleurissent. Tu te mouvais comme un prince des ténèbres et nourrissaient les démons du sang des mortels, il lui tendit la main tenant la carte, deviens le bras armé de la Lune de sang, mon ombre, mon bras droit.”
Govos cilla. Il se remémora l’extase qui le parcourait quand il avait mis à mort les esclavagistes, il s’était emmuré dans l’illusion de la vengeance pour justifier son acte, mais en réalité, il avait pris son pied à peindre la toile du carnage avec l’encre de leurs veines. Il pensa à cette femme, aucune compassion ne se manifestait, seulement de l’excitation, il désirait ressentir sa peau se scinder sous la caresse de son épée, pénétrer sa chair, en faire sa propriété et la façonner selon sa volonté avant d’ingurgiter le venin extatique qui giclerait hors de son corps.
“C’est ta nature profonde, accepte ce présent et devient le démon que tu as toujours désiré devenir.”
L’inconnu lui ouvrit la main et y plaça la carte qui se changea en bâton d’encens incandescent. Govos huma les vapeurs du jasmin qui s’infiltrait dans ses narines.
“Que dois-je en faire ? s'enquit-il
Dévore-le et ainsi scelle le pacte.
Un pacte ? Avec qui ? S’interrogea Govos.
Celui entre toi, la lune de sang et l’être démoniaque dont tu puiseras les capacités. Les mortels les plus faibles succombent au pacte et sont condamnés à l’errance, la volonté soumise au démon sanguinaire qui l’habite. Il marqua une pause et lui frappa l’épaule. Tout se passera bien pour toi, je ne me manifeste pas pour des sous-fifres", lui assura le magicien.
Le soldat hésita, son regard examinait l’encens qui lui réchauffait la paume et exhalait une fumée blanche et reposante. Il aspira son fumet puis plongea le bâton de flammes dans sa gorge. Il sentit les parois de sa gorge se rétracter et hurler. Govos suffoquait, l’air refusait d’emplir ses poumons, il ne pouvait qu’expulser, tel un dragon, d’épais nuages de cendres.
Il se jeta à genou aux pieds de l’inconnu, le suppliant du regard de le délivrer de son supplice. Le démon luttait. L’homme lui sourit et enfonça le bâton encore plus profondément, dans les viscères qui se dérobaient encore.
“Retrouve moi après le sacrifice.” lui ordonna l’inconnu avant de disparaître.
Après son départ, une voix résonna dans les tréfonds de son corps. Une voix féminine et envoûtante.
“Zed, mes enfants ont faim, je veux ton village.”
Zed ? Étrangement, il se reconnut et comprit la demande.
La Lune de sang fulgura le ciel de son aura écarlate, éclipsant sa némésis.
Govos observa ses mains, elles étaient devenues vaporeuses, noires et sentaient l’arôme enivrant de sa chair calcinée et du jasmin. Il avait dominé le démon et avait acquis ses pouvoirs surnaturels. Zed, de son nouveau nom, se voila dans les ombres mortifères et retourna au village, l’eau à la bouche.
Le ciel ne se résumait plus qu’à une danse captivante de fumées dévorantes, engloutissant chaque lueur d’espoir ainsi que le simulacre de la vraie déité.
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