Chat-pitre 15
Le miracle était en marche.
À une cinquantaine de mètres de la maison, le couple entendit un concert de miaulements. En s'approchant, ils virent un impressionnant chat-troupement de matous postés devant chez eux. Les quadrupèdes étaient nombreux. De toutes races et de toutes tailles, ils étaient chats-gglutinés devant le muret et bloquaient le portillon. Les époux étaient abasourdis de voir autant de chats-troupés sur une petite portion de trottoir.
Impossible de tous les compter tellement il y en avait. Mais à la louche, le couple en recensa quarante... voire même cinquante. À la réflexion peut-être plus... beaucoup plus. Dans tous les cas, quelque soit leur nombre, cette réunion de matous était très impressionnante... presque effrayante. Les maîtres de Chaussette-rayée n'osaient plus avancer. Ils étaient comme paralysés. À distance de ce rassemblement félin, ils observaient cette masse miaulante dont la multiplication de griffes imposait la méfiance.
Il y avait là des chats errants sans colliers, des persans et des gouttières, des chats-rmantes et des chats-lets, des chats-tardés, des chats-tractifs et d'autres moins, des chats-tirés, des chats-tiffés, des chats-toniques, des chats-terrés, des chats-fligés, des chats-thlétiques, des chats-mots leurs chats-melles et leurs chats-tons collés aux pattes, des chats-typiques, des chats-malow, des chats-ssis et des chats-sseurs, des chats-lands, des chats-cunpoursoi, des chats-mois, des pas-chats, des chats-rnés, des chats-lambiqués et même un minet-ral...
Un œil sur le conglomérat félin, le maître des lieux appela ses chats d'une voix fébrile :
— Chausson-blanc... ? Miss-socquette... ?
Crispée, son épouse en fit de même.
— Chausson-blanc... ? Miss-socquette... ?
Grimpés sur le haut du muret, leurs minous pointèrent le bout de leur museau.
— Chausson-blanc... ? Miss-socquette... ? Qu'est-ce que ça signifie ? Êtes-vous à l'origine de ce rassemblement de chats ?
— Miaoui ! répondirent les matous.
— Ah... bien... dit le maître un peu désarçonné. Mais qu'allons-nous faire de tous ces animaux ?
En équilibre sur le parapet, Chausson-blanc et Miss-socquette feulèrent. L'un à droite et l'autre à gauche. Immédiatement, telles les eaux de l'Egypte sous l'ordre de Moïse, les félins s'écartèrent en libérant l'accès aux propriétaires. Guère rassurés, les époux s'avancèrent vers l'entrée. Ils pénétrèrent dans le jardin, mais à peine avaient-ils refermé le portail que la masse se rassembla de nouveau sur le trottoir.
— Ah ! Oh ! Mais ?
Le couple de pasteurs entendit des petits cris de surprises et des interjections d'effroi. Les bruits venant de la rue, ils tournèrent la tête et virent une de leurs très chères voisines. Une parmi les plus virulentes à réclamer l'enfermement de Chaussette-rayée et à l'origine de la pétition. À la vue de ce chat-troupement, la dame tremblait. Affolée, elle marmonnait puis accélérait son pas pour rejoindre sa maison au plus vite. Deux feulements de Chausson-blanc suffirent à faire bouger la masse féline qui marcha sur ses talons vernis. Terrorisée, la dame trottinait avec des yeux dans le dos. Et bien qu'elle soit sans-cœur et persifleuse, les époux s’inquiétèrent pour elle et prièrent que rien ne lui arrive. Heureusement, les chats la suivaient sans se montrer menaçants. La scène était digne d'un film d'Hitchcock. La voisine était dans un tel état de panique qu'elle ne parvenait pas à rentrer sa clef dans la serrure. Soudain, sa porte s'ouvrit. Enfermée puis claquemurée chez elle, le couple de pasteurs entraperçut sa figure décomposée à travers le rideau de sa fenêtre.
Les chats-troupés restèrent un petit moment devant son pavillon, puis se dispersèrent comme une volée de moineaux. Dans l'instant, le quartier retrouva son calme ordinaire. Leur mission terminée, Chausson-blanc et Miss-socquette bondirent du muret en retombant gracieusement sur leurs pattes, et escortèrent leurs maîtres qui commençaient à saisir l'utilité de ce chat-meutement.
Annotations