Après cette folle nuit, et les exercices de l'après-midi, mon corps réclamait une trêve, du repos, du répit. Les quarante-cinq minutes de routes avant d'être au boulot m'avaient permis de me vider un peu la tête des flashs de sexe intense des dernières heures. "Tu ne vas pas arriver la culotte trempée au travail petite cochonne" je me suis dit en rigolant, le regard vers la mer. J'aime tellement ces paysages azurs et l'eau a toujours eu un effet apaisant sur moi.

En arrivant au bloc une fois changée, je regarde mon programme de salle et ne peux m'empêcher de lâcher un "et merde". Je suis avec Ivann, le gastro-entérologue au programme de bâtard comme tout le monde le sait. Adam arrive et voit mon visage dépité. "Ivann?" me demande-t-il, "Ivann" je répond tristement. Mais un petit sourire sur son visage me fait tiquer. "T'as l'air bien....heureux toi dis moi" je lui dis avec un petit air malicieux. Il rougit. J'ai visé juste. "Euh, non rien de fou. J'ai juste bien dormi" me sort-il, peu convainquant. "C'est ça, prend moi pour un lapin de six semaines" je répond. "Pas grave, on en parlera après ma sodomie à sec par Ivann." Je peux dire que je m'entend bien avec tous les médecins, y compris Ivann mais il met toujours un programme d'interventions assez important et il est très rapide ce qui me fait toujours finir sur les rotules. Pour autant, je l'apprécie quand même car il est un peu spécial. Il a un franc parler et un rapport assez libre au corps qui me rappelle mon kiné bavarois quand j'étais adolescente. En même temps, lui aussi a fait ses études de médecin en Allemagne. Ses idées sortent de sa bouche sans que parfois on ait l'impression que la pensée était réellement construite ou comme s'il ne se rendait pas compte que c'était bizarre pour autrui ou choquant.

Je prépare donc ma salle pour la première de mes dix interventions. Bernard arrive après moi. Mon Dieu, c'est la sainte Ava aujourd'hui ou quoi? Comment le sort peut s'acharner à ce point. "Salut Ava. Tu vas bien?" me dit-il les joues légèrement rosées. "Hum oui pour le moment" je dis le plus naturellement possible. "Ah oui, Ivann" me sourit-il, "oui Ivann" je réponds lui rendant son sourire. Je continue à préparer ma salle pour éviter pour le moment les douze mille pensées et flashs qui envahissent mon esprit. "Bon au moins,on arrive à rester pro" je me rassure intérieurement. Tout est prêt y compris le patient quand Ivann arrive. Il me salue avec son accent des pays de l'Est ainsi que Bernard. Les premières interventions s'enchaînent rapidement comme à son habitude. Mais quelque chose, en plus de la tension entre Bernanrd et moi, me turlupine. J'ai l'impression qu'à chaque fois que je suis à côté d'Ivann pour les biopsies, ce vieux lubrique me mate les seins. "C'est sans doute toute cette énergie sexuelle de ces derniers jours qui me fait divaguer" je pense au fond de moi. On fait une pause car les patients ne sont pas encore présents. Bernard sort quelques minutes pour aller voir les IADE (Infirmier Anesthésiste Diplomé d'Etat) des salles à côté. Je me dis "ouf, un petit moment de répit" surtout pour mes pauvres jambes déjà bien sollicitées hier. Mais en récupérant mon coloscope pour l'emmener à la stérilisation, Ivann me dit "Tu sais, d'habitude je ne trouve pas les filles grandes sexy mais toi tu es l'exception". Il a un sourire pervers aux lèvres et ses petits yeux plissés me mettent mal à l'aise. "Ah bon, c'est gentil" je réponds l'air aussi détaché que possible. Merci à mes années de travail en psychiatrie qui m'ont permis de savoir cacher mes émotions quand c'est important. Je sors de la salle en me demandant ce qu'il leur arrive à tous. C'est pas encore le printemps pourtant. Je retourne en salle pour rajouter quelques pince à biopsies et cathéters pour m'occuper et refaire un peu les pleins car Ivann a bien vidé mon stock. "Cela reste entre nous évidemment" me dit Ivann les yeux toujours sur moi, enfin mon corps pour être plus précise. "Oui oui, bien sûr. C'est vrai qu'on me le dit parfois donc qui sait..." j'essaie de dire calmement car là, je suis VRAIMENT très mal à l'aise. Au boulot c'est assez rare en plus. "Si si, c'est une certitude" déclare-t-il sans retirer son regard. Heureusement, Bernard revient en salle avec le patient et le programme continue jusqu'à 18h. Je range ma salle tant que Bernard est avec moi car je l'avoue, je n'ai pas envie d'être seule encore une fois avec Ivann. Dieu sait ce qu'il va me dire et pas sûr que mon self control arrive à gérer un autre assaut de sa part. Je salue Ivann et sors de la salle mais je sens que son regard me suit en dégustant mes formes sans retenue. Mais à quoi pense-t-il...