«  Tu le connaissais bien ? »

Rikki perçut dans la voix de Bernard un léger ton paternaliste qui la surprit un peu. Elle savait maintenant pourquoi il lui avait demandé de passer le voir à son bureau.

Elle pencha la tête.

« Je l'avais rencontré à plusieurs reprises au moment du chantier du nouveau bâtiment des sciences biologiques. »

Elle observa une pause, comme pour ordonner ses pensées.

«  Il était sympa, et surtout il me donnait beaucoup d'infos. Trop parfois. Il parlait sans arrêt, et me dictait presque ce que je devais écrire. Du coup, je devais vérifier doublement ses infos. »

Bernard ne put s'empêcher de sourire en se faisant la remarque que nombre de journalistes s'affranchissaient de cette obligation. Les débutants impatients s'en sentaient souvent exemptés, sans doute par le fait que les journaliste établis, les célébrités locales du métier, s'en sortaient très bien sans s'y plier.

Elle haussa les épaules.

« C'était étrange de le voir allongé là. D'habitude, ce sont des inconnus. C'est plus facile. »

Il hocha la tête.

« C'est toujours différent quand on connait les gens. »

Il s'avança légèrement au-dessus du bureau.

« Ça te dérange de faire un papier sur lui ? Ne te sens pas obligée. Si tu veux, je peux demander à quelqu'un d'autre. »

Rikki ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit immédiatement.

«  Vraiment, je ne t'en voudrais pas si tu ne veux pas. Mais comme tu le connaissais, tu pourrais faire un article plus personnel. »

Elle secoua la tête et fronça les sourcils.

« Non, non, bien sûr. Je peux faire ça. Aucun problème »

Elle se retint de le remercier, sans vraiment savoir pourquoi. Elle avait besoin de l'empathie de cet homme aux cheveux rares qui devait approcher la soixantaine et régnait sur une horde de journalistes, mais s'était comporté comme un collégien lorsqu'un jour il avait reçu devant elle un appel de sa compagne, rougissant et usant d'une voix susurrante.