Épilogue
Trois renardeaux creusaient le terreau de leur terrier. Leurs museaux frétillants humaient l’air du matin ; ils partaient en expédition à la naissance du printemps. L’aîné leur avait conté cette clairière aux merveilles, où les fleurs embaumaient de couleurs les reflets du soleil. Leurs petites pattes tassaient la terre fraîche et humide de rosée et leurs mirettes s’ébahirent devant l’éclaircie.
Les jonquilles et jacinthes jonchaient la prairie d’un tapis de blanc et de bleu. Les touffes roussettes caracolaient de pitreries et cabriolaient en taquinant la verdure. Au centre du monticule, baignée dans un rayon singulier de l’astre, une fleur unique trônait. Son faciès entremêlé, sans commune mesure avec ses voisines, intriguait la cadette des renardeaux.
Elle grimpa le talus et flaira le calice pas tout à fait éclos.
— Bas les pattes, petit chenapan ! Ne va pas toucher à cette fleur !
Maman goupil pointa son museau dans la sommière ; là où les rayons du jour faisaient chatoyer les doux reflets ambrés de son pelage. Elle s’interposa tranquillement entre son rejeton et la reine des printanières.
Vois-tu cette corolle fermée ?
Ce pistil qui peine à s’éveiller ?
Immortelle, été comme hiver
Infrangible, par tempête ou par givre
Elle se tenait là hier
Immuable volonté de survivre
La plante ne fleurit jamais
Mais ne flétrit jamais non plus
Ma mère puis sa mère avant elle voyaient
L’éternelle trôner fière sur son talus.
— Par quel prodige ?
Les trois renardeaux avaient posé leurs postérieurs dans un cercle, à une distance respectueuse de l’objet du conte. Leurs oreilles se tournaient grandes ouvertes aux histoires de leur mère.
On raconte que le temps a failli mourir
Quand vivait une espèce animale arrogante
Celle-ci se croyait dispensée de finir
Une existence de destruction flamboyante
Ils nièrent la mort
En suspendant le temps
Condamnant au-dehors
Les autres innocents
Les femmes désapprouvèrent, partirent
Submergés dans leur péché, ils subirent
Les mâles avaient damné la vie elle-même
Pour leur orgueil, ils souffriraient leur anathème
De leurs chants lyriques, les passereaux
Invoquèrent deux valeureux héros
Avalant les espaces infinis,
Ils trouvèrent à réparer la vie
Se sacrifièrent pour que printemps renaisse
Là où fut célébrée la messe
Cette fleur d’ébène et de clair
Embauma de son essence cette clairière
Dans les sépales enlacés
Survit leur amour consommé
Qui préserve le temps
Et bénit nos printemps
Fascinée, la plus jeune fit vœu de veiller sur la fleur emmêlée. Son histoire traversa les hivers et maintes générations de goupils.
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