Chapitre 7 :

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Une barre… Deux barres… Trois barres… Une quatrième qui les raye. Répété, gravé inlassablement sur le mur. Les prisonniers l’utilisaient selon le système, une barre, un jour. Cette prisonnière l’utilisait pour les heures. Une heure, une barre. Elle avait trouvé une lame qui devait sûrement appartenir au détenu précédent. Dans un coin de la cellule. Cela lui permettait de tuer le temps. Rester toute seule, enfermée, allait finir par la rendre folle. La jeune fille se frotta les mains, il faisait assez froid dans les prisons, c’était sûrement parce qu’elles étaient sous terre. Les prisons étaient des petites pièces comme des chambres, mais en plus sombres, moins accueillants, moins confortables et moins meublées (juste un lit ou deux). Elle se releva et coinça une mèche blonde derrière son oreille. Maryline s'obligeait à se ressaisir. Ce n’était pas le moment de sombrer dans une déprime qui risquait de devenir permanente. La plus âgée des surdouées ferma les yeux. Kendra devait sûrement déprimer, pleurer, ou réagir de façon typique pour une fillette de neuf ans. La petite fille avait beau être surdouée, elle était encore plus sensible que ceux qui ne l’étaient pas. Maryline n’avait pas le droit d’avoir des réactions extrêmes elle aussi, encore moins la dépression. Elle devait essayer de rester forte. Ne pas baisser les bras. La jeune fille s’approcha de la porte et lança un coup pied dedans avant de tambouriner telle une folle qui faisait tout pour sortir d’un asile psychiatrique. La blonde voulait juste attirer l’attention sur elle. Et cela marchait. Sans trop d’efforts, quelques minutes après, la porte s’ouvrit sur un homme baraqué, le garde. La jeune fille recula de plusieurs pas, soudainement impressionnée par la silhouette du garde.

Ça suffit ce raffut ! Tu n’en as pas marre ! Tu n’as pas compris ? Aucun geste de rébellion ne sera toléré. Alors je te le répète encore une fois : tiens-toi à carreaux, et coopère.

Vous ne pouvez pas… Vous n’avez pas le droit de me séparer de la petite ! s’écria la blonde. Elle ne peut pas rester toute seule. Je vous en supplie ! Envoyez-moi dans une cellule commune avec elle ! Ne la laissez pas toute seule. Ne soyez pas des monstres ignobles ! Ne vous abaissez pas à un niveau encore plus minable que vous ne l’êtes déjà.

Voyant le regard du surveillant s’assombrir, la jeune fille fit quelques pas en arrière, puis serra les dents quand elle sentit le mur contre son dos. Maryline ne pensait pas l’avoir énervé autant, elle n’avait pas fait grand-chose. C’était… Juste que les gardes s’énervaient et se vexaient rapidement, très rapidement. La blonde ferma les yeux, elle entendit des pas arriver. Ouvrir les yeux, ou non. Elle ne le fit pas. Lorsque les pas s’arrêtèrent, elle sentit le souffle du garde caresser sa joue. Elle croisa les doigts dans son dos. Que quelqu’un vienne la sauver !

Joey ! Qu’est-ce que tu fais ? Le chef te demande dans son bureau depuis plus d’un quart d’heure ! gronda une voix de jeune homme.

Cette voix, la jeune fille l’avait déjà entendu, mais elle n’avait jamais vu la personne à qui elle appartenait. La surdouée rouvrit les yeux, rencontrant le regard foudroyant du garde. Ce dernier grogna et se retourna puis se décala devant le nouveau venu. C’était un jeune homme plutôt grand, aux cheveux bruns et à la peau plutôt mate. Il devait avoir deux ou trois ans de plus que Maryline, pas plus. De sa démarche lourde, le garde sortit, et le jeune s'écarta pour le laisser passer.

Je reviens, ne la laisse pas sortir.

Compris.

Immédiatement après, le jeune homme fit un pas dans la salle et ferma la porte derrière eux à clé. La jeune fille haussa les sourcils puis vint s’asseoir sur son lit. Était-il stupide ou juste bizarre ? Il n’avait pas besoin de s’enfermer avec elle dans une pièce pour pouvoir s’assurer qu’elle ne s’enfuirait pas. Le jeune gardien s’appuya contre le mur en silence. La jeune fille releva la tête et le fusilla du regard. Le garçon montra ses deux mains en l’air pour lui montrer qu’il ne lui voulait pas de mal.

Détends-toi… Je ne suis pas comme cette autre brute, déclara-t-il.

Je le vois bien, dit-elle d’un ton sec. Pourquoi es-tu là ? Tu es au courant que c’est débile de surveiller quelqu’un en essayant de discuter avec lui.

Je ne suis pas surdoué moi.

Maryline leva les yeux au plafond et il soupira.

Bon écoute… Fais pas cette mine fermée. On a quoi, deux ou trois en d’écart. Ce n’est pas parce que je travaille avec l’État que je suis super méchant. On m’a choisi, je n’ai pas choisi.

La jeune fille releva la tête.

Alors pourquoi me parles-tu ?

Ils veulent juste t’embêter, balança-t-il. Il compte te transférer avec la petite, ajouta-t-il. C’est juste qu’ils veulent te voir en colère. Pour mieux te pousser à bout et te forcer à tout avouer.

Il y eut un silence et la blonde releva les yeux vers lui en fronçant les sourcils.

Pourquoi tu me dis cela ?

Parce que je ne suis pas comme eux. Je travaille peut-être avec les conseillers, mais je ne suis pas cruel et dur. Ce sont deux défauts que j’espère ne jamais posséder, déclara le jeune homme.

La jeune fille se leva puis resta un moment accrochée aux prunelles noires du garçon. Il était vraiment… Mystérieux et ténébreux mais gentil. Elle fit quelques pas afin d’être plus proche et lui tendit sa main.

Maryline Kavania.

Le jeune homme regarda un moment la main de la jeune fille avant de la saisir. Cette dernière frissonna au touché de sa main tiède et réchauffante de garçon. Il releva la tête et lui offrit un sourire éclatant.

Je suis Théo Mosjrisk-Leijh.

Maryline s’empêcha de rire ou d’afficher une expression intriguée, surprise ou moqueuse. Ce n’était pas de sa faute. Son nom de famille était assez improbable et hilarant. Puis elle se rembrunit en se rendant compte que c’était un nom de famille séparé en deux. Soit ses parents étaient séparés, soit il faisait partie des riches. Les riches d’Opartisk prenaient les deux noms de famille quand ils se mariaient contrairement aux deux classes sociales plus basses qui prenaient le nom de la femme ou du mari. Théo lâcha sa main puis lui fit un sourire de dragueur avant de s’écarter.

Les deux, lança-t-il. Je sais ce que tu t’es dit, ajouta-t-il en voyant la jeune fille lui lancer un regard interrogatif. Est-ce qu’il est riche ou qu’il a juste ses parents séparés ? C’est les deux.

Cette fois-là, se fut lui qui s’assit sur le lit, et Maryline se posa contre le mur, le, dévisageant.

Mais… Je croyais que c’était interdit aux couples riches de se séparer, remarqua-t-elle à mi-voix.

Théo esquissa un sourire triste avant de relever les yeux sur la surdouée blonde.

Ce n’est pas interdit. C’est (il mima des guillemets avec ses doigts) « fortement déconseillé ». Et c’est stupide d’ailleurs. Du coup cela n’a pas toujours été très facile car c’est très mal vu dans la partie riche alors que dans ta partie, les personnes sont beaucoup plus ouvertes, c’est plus simple. Mais, je n’en veux pas à mes parents. Je crois bien que ce sont eux qui en ont le plus souffert. Si les enfants et les adolescents sont méchants entre eux, les adultes ne sont pas épargnés non plus. S’ils ne s’aimaient plus, cela ne servait à rien de faire croire le contraire. Jouer comme cela finit forcément par être fatiguant à un moment donné. Quand tu es fatigué, ton moral baisse, tu deviens malheureux et tu baisses la garde aussi.

C’est… Un très beau discours. Mais dis-moi… Pourquoi es-tu ici ? Je veux dire, tu es assez jeune. Je te verrais plus en soldat docile qu’en gardien de prison sympa contrairement aux autres.

Il laissa échapper un rire léger avant de relever la tête en souriant.

Que ce soit ma mère ou mon père, ils connaissent des personnes riches qui, possèdent des certains privilèges et pouvoirs aussi. Des personnes, qui peuvent être de la famille des conseillers, ou des amis de la famille des conseillers. Mes parents font partie de ces amis-là. Je ne sais pas trop comment ils ont fait pour être amis avec eux, ou alors ils ont peut-être juste été dans la même école qu’eux, mais ils sont amis avec certains conseillers directement. Et je peux te le dire, ce n’est pas vraiment une chance, c’est même, assez flippant quelquefois. Surtout quand tu reviens de l’école et que tu te retrouves seul avec un conseiller dans le salon pendant que ton père est parti dans une autre pièce le temps de chercher quelque chose. Mon père est parti à la guerre, mais c’est parce qu’il insistait, il aurait très bien pu refuser, cela aurait été accepté. On m’a dit, que bientôt, la classe moyenne et la pauvre seraient mobilisées. Il ne faut pas trop s’étonner, c’est une guerre mondiale qui ne cesse pas, c’est idiot. J’aurais dû être soldat aussi, mais la conseillère Victoria m’a mis dans les gardes de prisons pour soulager ma mère. Sauf que les autres gardes ne sont pas les personnes les plus sympathiques du monde.

Ce n’est pas très cool, concéda Maryline. Tu… Je n’ai jamais vu de surdoués venant de la partie riche de notre pays. Ils les ont intégrés avec les autres ou alors il n’y en a pas ? Bien que cela m’étonnerait quand même.

Eh bien… Pour ton plus grand étonnement, il n'y en a pas. En tout cas, pas de détecter, mais comme la classe riche a plus de tests performants pour détecter les surdoués, cela veut tout simplement dire qu’il y en a que dans les classes plus basses. Et… Cela ne m’étonne pas trop en fait. Déjà vous êtes plus nombreux j’ai l’impression, et en plus, il existe de moins en moins de surdoués dans le monde entier. Camille me l’a dit.

Qui est Camille ? questionna Maryline en fronçant les sourcils.

La conseillère la plus jeune de tout les conseillers. La plupart des conseillers sont vieux ou alors ils ont tous plus de quarante ans. Elle n'en a que vingt-six, c’est pour dire que ce n’est pas banal. Tout cela à cause de son père ou son grand-père… Je ne sais plus, un des deux de toute manière ! Donc tout parce qu’un membre de sa famille était conseiller de son temps à lui. Elle me parle de temps en temps car elle est souvent avec Victoria et ma mère veut que je reste avec elle. Et je n’ai pas vraiment la possibilité de refuser.

Maryline lança un long "d'accord" avant de regarder le jeune homme. Théo n’avait pas l’air d’être comme tous les riches. La plupart des riches Opartiskains étaient snobs, prétentieux, orgueilleux. Les riches n’aimaient pas parler aux classes moyennes et pauvres, ils devaient sûrement se considérer supérieur selon les réflexions de Maryline et de la plupart des autres gens des deux classes inférieures. C’était sans doute pour cela qu’ils étaient séparés grâce au fleuve. Qu’auraient-ils fait sans ce fleuve ? Ce n’était pas pour rien qu’il avait été nommé fleuve des distinctions. Théo devait sûrement le savoir, il avait l’air de connaître beaucoup de choses, et ses parents étaient amis avec les conseillers, pourtant, il semblait tout aussi dégoûté que les autres classes.

Tu as l’air d’être assez différent de ces gens riches. On dirait que ce monde n’est pas fait pour toi alors que tu y es depuis longtemps, commenta la surdouée blonde.

Les lèvres de Théo s’étiraient en un sourire.

Je crois que je le sais depuis toujours. J’ai toujours détesté mon environnement. Il n’y a que des villes, que des routes, que des infrastructures, que des buildings, des immeubles. Il n’y a que des choses créées par l’homme. Tu verras rarement des animaux, domestique ou non. Et toute la nature a été remplacée. Fausse pelouse, plantes en plastique, tout cela pour ne pas salir. Et cette mentalité… Je ne suis pas vraiment comme les autres riches.

Je l’avais remarqué. Cela me plaît… Dis-moi… combien y-a-t-il de conseillers déjà ? J’ai dû apprendre cela mais j’oublie vite tout ce qui est politique.

Tu n’as vraiment pas l’air de t’y connaître en politique (il la regarda sourire pendant qu’il croisa les bras). Je vais arranger cela, mais je te préviens, je ne suis pas le meilleur ni le pire des pédagogues.

Cela tombe bien, car je ne suis ni la meilleure, ni la pire au niveau politique.

Et, avant que Théo se mette à parler, Maryline vint s’asseoir au côté du jeune homme. Contente de deux choses : Théo était un garde pas comme les autres car il était gentil, et bientôt, elle reverrait Kendra.

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