Mylènement vôtre
Très chère Mylène,
Je vous écris du commun des anonymes, des mortels, des sans-noms, des honnetes gens banals dont les vies moroses se retrouvent parfois illuminés de votre éclat. Quand vos mots ont rencontré ma bouche, ils ont déposé un baiser si exquis que je mis bien longtemps à m'en remettre. L'exactitude de leur portée et des sens qu'ils ont emportés avec eux, ont donné vie à une part de mon âme éteinte depuis longtemps, à cause des drames de la vie.
Je vous ai connu sur des notes joyeuses, sans jamais en connaître l'interprête. Je dandinais du haut de mes quelques dizaines d'années sur une chanson qui parlait d'une femme souhaitant devenir un garçon, et qui voulait se bâtir un empire. Quelques années après, sans savoir qu'il s'agissait encore de vous, des paroles résonnaient dans ma tête : "mes petites fesses ne cessent de t'inspirer". Quel culot ! Je pense que c'est à partir de ce jour que je me suis épris de manière déraisonné pour les rondeurs de callypige de ces damoiselles et damoiseaux. Contrairement à beaucoup d'autres, je savais pertinemment que la douceur tant espérée qu'évoquait le titre se rapportait à celle de l'épiderme du séant. Cette espièglerie me séduisait, mais à l'époque où l'usage d'Internet ne m'était pas encore permis, je n'arriverai toujours pas à poser une image sur ces chansons.
Puis vint la révélation. Un soir, écoutant la radio à une heure bien trop tardive pour être raisonnable, j'entendis ce chant qui restera l'un de mes préférés : "deux orphelins, que le temps défigure, je voudrais mon hiver, m'endormir loin de tes chimères, je sais bien que tu mens, je sais bien que j'ai froid dedans". Cet exil que vous chantiez, je le ressentai si fort, cette solitude qui vous angoissait, je la vivai si profondément. Ainsi soient-ils, nos destins si tourmentés et solitaires. Je recevai en cadeau un premier album qui avait l'avantage d'être une compilation. Je l'ai dévoré. Puis, possédant enfin un ordinateur, je me suis mis à tout regarder de vous, à tout lire, à tout écouter. En quelques semaines, j'étais devenu un admirateur, un fan comme on dit, mais sans jamais bien heureusement finir fanatisé.
L'émotion qui m'a pris quand j'ai acheté votre premier album fut si mémorable que j'en souris en l'écrivant. Et je n'ose décrire la première rencontre, en concert, où surmontée d'un bras mécanique vous traversiez la foule, et que nos regards se sont croisés. Je vous avez salué de la main, vous m'aviez répondu de même. Mon coeur avait bien failli s'arrêter. Vous avez sauvé ma vie, vous m'avez arraché à la mélancolie infernale et destructrice, vous m'avez redonné une raison de m'accrocher à ce navire qui nous guide vers des horizons inconnus. Sans vous, le monde des mortels ne me serait qu'un lointain souvenir enveloppé de larmes.
Alors, cette dédicace, je vous la dois. Merci d'être là, merci d'avoir eu l'audace d'exister, de parler à nos âmes, de les choquer, de les bouleverser, de les émerveiller. Votre voix est un délice angélique, votre beauté suscite mon admiration et votre immortalité me sidère. Je vous aime d'un amour bienveillant et religieusement laïc. Que vous puissiez être heureuse comme vous me l'avez permis de l'être.
Merci à vous, très chère Mylène,
Mylènement vôtre.
Annotations