Amélie
Bon, je vous en ai déjà trop parlé n'est-ce pas. Et je vous en aurais probablement plus parlé si ce connard d'Alban n'était pas venu me casser les couilles tandis que nos regards se croisaient ce matin-là, tandis que j'allais ouvrir la librairie et qu'elle dégustait son café. Mais la vie est parfois ainsi faite et les trivialités quotidiennes vous arrachent si facilement à ce bref instant suspendu que c'en est presque navrant.
Alban, donc. Un rustre qui parle trop fort avec tant d'accent qu'il en vient parfois compliqué à comprendre, mais un rustre qui a le coeur sur la main. Un bon type. Toujours là s'il y a une couille. Il traine souvent à la librairie et, selon ses propres aveux, il a profité du coin-cul pour trouver des ouvrages qui ont redonné une seconde jeunesse aux ébats sexuels qu'il a avec sa femme. Maria. Portuguaise de nationalité, mais ayant tellement mariné dans les bouillabaisses et la soupe du Pistou qu'elle en serait finalement presque plus marseillaise que la fille bâtarde de Titoff et Jean Roucas.
Il m'en a pas réellement donné les détails, mais vu les ouvrages qu'il m'a achetés, je suppose que quelques accessoires - cordes, croix de Saint-André, bâillon - ont été nécessaire à la mise en oeuvre de leur renouveau sexuel. Et ne croyez pas que c'est les 50 nuances de Grey que je lui ai filé. Oh ça non. Il y a mieux : les guides pratiques de BDSM, déjà, mais aussi dans le domaine littéraire, Sade, Appolinnaire, Miller, Réage...
Et je l'imagine bien, la bonne Maria et ses seins larges comme des obus, attachée à la tête de lit à se faire péter le cul en hurlant sous les coups de reins d'Alban qui faisaient trembler tout leur immeuble. Ou alors était-ce l'inverse ! Alban, bâillonné et en laisse, qui se faisait traîner à poil à travers le salon jusqu'à se faire plaquer au sol par sa femme.
Mais aujourd'hui ce n'était pas un récit érotique ou un guide sexuel qu'il passait chercher, mais juste un tout con livre d'école pour son fils. Il me le paya et disparut fissa, me laissant seul à mettre en place les étalages de bouquins. Autrement dit, ce salaud m'a gâché cette rencontre, cet échange de regards, cette attirance foudroyante pour... pour un putain de bouquin de littérature française que son gosse ne lira probablement pas.
Je rageais, tout en installant tout ce qu'il y avait à préparer, lorsqu'une voix féminine me tira de mes pensées. Une voix grave mais envoûtante, charnelle, rien à voir avec ces voix de meufs qui ont trop clopé et qui ont une signature Marlboro, non. Juste une sensualité faite timbre. Je levai les yeux. C'était elle !
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