Amélie 3

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Sans grande surprise, elle visitait la partie la plus secrète de la librairie. Forcément. Elle attirait le regard, cette pièce interdite, dont l'entrée était masquée par des rideaux noirs de velours sur lesquels était écrit "Public averti seulement". Vous les poussiez et alors la chambre s'ouvrait à vous.

Sans doute que ce qui vous sauterait en premier à la vue était l'énorme croix de Saint-André fixée au mur, en face de l'entrée, proche de la fenêtre donnant sur la mer. En bois massif, peinte en noire, la croix laissait choir à ses quatre extrémités des menottes dont même l'esprit le plus naïf comprendrait l'utilité. Sans doute vous demanderiez-vous si elle avait déjà servi, même si la réponse était évidente. Il se peut également que vous fantasmiez que le caissier, celui que vous aviez rencontré à l'entrée, moi !, monte les marches à ce moment-là et vous surprenne à admirer cet étrange mobilier BDSM. Peut-être même que vous auriez, à cet instant, envie qu'il l'utilise. Avec vous...

Toutefois, bien que massif, ce n'est pas le seul élément de décoration qui attire le regard. L'entière déclinaisons de tableaux de toutes sortes illustrant des positions incongrues du kamasutra : Indra, Cheval à bascule, Bateau ivre, grand X et j'en passe et probablement de meilleures. Certaines dessinées finement, d'autres photographiées sans vulgarité mais avec un érotisme flagrant.

Vous apprécierez sans doute également les leds rouges, cachées derrières les bouquins, qui en éclairent les étagères en les mettant en valeur. Et dans cette ambiance envoûtante, vous auriez sans doute envie de vous mettre nue, sur les tissus et les poufs en velours. Sentir la caresse du tissu sur votre peau. Vous y languir, en attendant l'arrivée de l'amant. Toucher les objets phalliques, les étranges sculptures orientales, respirer l'odeur des étoffes, y déceler peut-être une odeur d'homme ou de femme qui vous fera mouiller ou vous donnera une érection, c'est selon.

Ensuite, vos yeux couleront sur les tranches de ces livres interdits, de toutes tailles, de toutes qualités : du livre de poche le plus bateau à l'édition ouvragée la plus somptueuse, vous y aurez de la lecture pour des mois. Et s'il vous venait à l'idée d'ouvrir un de ces bouquins et de vous y plonger, n'espérez pas échapper à l'envie irresistible de vous y branler.

C'est arrivé. C'est arrivé plus d'une fois. Mes caméras de surveillance discrètes, pourtant indiquées à l'entrée, ne me servent pas à rien.

Et lorsqu'une cliente, un livre en main, glisse l'autre entre son ventre et son jeans, je me laisse aussi aller à me caresser à travers mon pantalon. J'adore l'idée qu'à quelques pièces de moi, dans ma propre librairie, une coquine se laisse aller à ses pulsions en lisant mes livres. J'adore voir, sur l'image pixellisée du moniteur des caméras, le léger va-et-viens de leurs bras amputée d'une main perdue dans les tissus entrouverts d'un jogging lâche ou d'un jeans déboutonné. J'imagine leur doigts caresser leur clitoris, perdues dans le récit érotique que leur narre le livre.

D'autres sont plus discrètes, plus pudiques sûrement. Elles s'installent simplement sur le pouf et je vois alors juste la faible contraction de leurs cuisses, l'une contre l'autre, qui suffit parfois à les faire jouir. Et lorsqu'elles se tordent sur elle même, dans cette pièce interdite, il m'arrive de mouiller moi-même mon boxer à en avoir honte, et de rougir lorsque, quelques minutes plus tard, cette même cliente passe payer le livre qu'elle souhaite emporter chez elle.

Et lorsqu'elle me tend sa monnaie, mes doigts frôlent les siens, qu'elle avait il y a peu bien enfouis dans sa chatte. Peut-être sont-ils encore poisseux de mouille. Je lui souris. Je rougis. Peut-être qu'elle aussi. Sans doute comprennent-elles, en voyant l'écran de surveillance. Et elles s'en vont.

Une histoire de plus.

Amélie. Avec Amélie, c'était différent. Je l'observais, depuis quelques minutes. Elle n'avait pas tout de suite osé pénétrer la pièce interdite, le Coin-cul. Elle se tâtait. Mais lorsqu'elle le fit, je vis au premier coup d'oeil qu'elle avait repéré l'oeil cyclopéen de la caméra, juchée dans un coin supérieur de la pièce. Je le vis clairement. Et j'en fus déçu, car je me dis qu'elle n'allait rien oser faire. Que j'étais grillé.

J'étais bien naïf.

Elle avait parfaitement vu la caméra, c'était certain. Mais lorsqu'elle s'installa pour lire son livre, elle s'assit pile en face. Sur un pouf bas. Elle s'y mit à l'aise. Rejetai un coup d'oeil en direction de l'objectif, en direction de moi. Puis, discrètement, écartai ses cuisses. Sa robe fleurie, suivant le mouvement de ses jambes, remonta lentement, lentement, lentement, jusqu'à dévoiler sa toison pubienne.

Dans mes rêveries j'avais presque tout imaginé juste. Sauf ça.

Je tournai le sigle "ouvert" et le passai à "fermé". Et décidai de monter ces quelques escaliers.

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