Dollhouse - Quartiers d'habitations

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Tanya et Clarinetta arpentaient les couloirs des dortoirs, à la recherche de la cabine de Brandy. La section réservée aux mammifères, forte de cinq cents chambres, était un véritable labyrinthe. Tanya, qui avait l'habitude de passer dans la cabine du contrebandier, guidait sa pilote.
« C'est la prochaine à gauche, juste après le système de ventilation, » annonça-t-elle.
Clarinetta hocha la tête, peu intéressée par les indications de sa capitaine. Au tournant, une vague de froid frappa les deux femmes. Leur sang se paralysa à l'intérieur de leur système, figé. Cette terrible sensation les fit stopper dans leur marche. Elles ne parvenaient plus à respirer. Tanya s'appuya sur le mur le plus proche. Elle eut la désagréable impression que sa main pénétrait dans le métal.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda la pilote. Sa voix paraissait étrangement lointaine.
Les sensations qui les assaillaient ressemblaient à celles subies lors des by-pass neuronaux, cette impression fondamentale, paradoxale, d'être à l'extérieur de leur propre corps.
— Aucune idée, » murmura Tanya.
Elle initia un mouvement, un simple pas vers l'avant. Son corps mit une seconde à réagir. Elle fit passer sa main devant son visage, son bras avait lui aussi un temps de latence. Elle agitait sa main comme un pantin désarticulé quand, soudainement, elles se retrouvèrent quelques pas en arrière, à leur dernier croisement.
« Tu... Qu'est... C'était quoi ça ? » demanda Clarinetta.
Chacun de leurs nerfs les tiraillait, leur envoyant de brefs mais intenses signaux de douleurs. Elles mirent plusieurs minutes à retrouver leurs moyens.
« Prish'ta... murmura la capitaine, se souvenant des rumeurs qu'elle avait entendues concernant la mort des Alash'tariens.
Clarinetta fit inconsciemment un rapide signe de croix.
— Allez, on continue, il faut que l'on sorte d'ici. »
Sans s'en rendre compte, Tanya avait crié la fin de cette dernière phrase, elle avait eu besoin d'extérioriser ainsi pour les sortir de leur immobilisme. Elles arrivèrent quelques instants plus tard devant la cabine de Brandy. La porte s'ouvrit après quelques manipulations sur le panneau de contrôle. L'intérieur de la petite chambre était dans un état lamentable, ce que Brandy, empreint de troubles obsessionnels compulsifs, n'aurait jamais autorisé. Il était irréprochable sur son ménage. En entrant dans la chambre, Tanya visualisa l'homme, vide de toute vie, baignant dans son sang, après sa rencontre malheureuse avec Cicatrice. Tanya fouilla la cabine de fond en comble. Comme elle l'avait redouté en constatant l'état de la chambre, de précédents visiteurs avaient déjà trouvé tout l'équipement intéressant. Il ne restait que quelques bières tièdes dans une des planques. Elle tendit une des bouteilles à Clarinetta.
« Quitte à crever, autant avoir descendu une dernière binouze avant. » Les bouteilles tintèrent sans réel enthousiasme.


* * * * *


Marion, escortée par l'équipage du Quad, traversait le Dollhouse, en direction de la cabine de pilotage. Elle avait envoyé l'armée de Vaisseaux nettoyer tous les étages supérieurs. Les couloirs qu'ils traversaient étaient recouverts des entrailles des derniers courageux qui avaient ridiculeusement tenté de stopper l'implacable progression des criminels. Ils arrivèrent rapidement devant le poste de commande central. La lourde porte de sécurité, fabriquée dans un alliage renforcé, pouvait soutenir une explosion nucléaire. R^lash et les derniers extraterrestres à la tête de ce navire d'esclavagistes se croyaient en sécurité derrière elle. L'armée de criminels améliorés que Marion avait à présent sous ses ordres s'attaquait à la porte, micromètre après micromètre. Elle avait tout son temps, les renforts demandés par le Kondo-Bandalorien n'arriveraient jamais. Les trois autres navires de sa famille avaient été pris d'assaut par d'autres équipes de Primo Humanis.


* * * * *


« Qu'est-ce qu'il nous reste comme options maintenant ? demanda Clarinetta.
Elle posa sa bouteille de bière sur le bureau du contrebandier. Tanya faisait les cents pas, murmurant des hypothèses qui lui paraissaient toutes plus fantaisistes les unes que les autres. Elle jeta un regard noir à sa subordonnée qui l'interrompait dans sa réflexion. Puis son regard s'illumina.
— J'avais rejeté l'idée d'utiliser les navettes de secours depuis le départ, car elles n'ont pas d'hyperdrive. Mais nous pouvons, grâce à la "lune-noire", prendre l'énergie cinétique suffisante pour pouvoir sauter jusqu'à un autre système ! Clarinetta, incrédule, regardait sa capitaine, bouche bée.
— Sans système de navigation, ce serait un véritable suicide ! » finit-elle par s'exclamer, alors que Tanya était déjà de retour dans ses pensées.
La capitaine balaya tout ce qui se trouvait sur le bureau d'un revers de main, y compris la bouteille de Clarinetta qui se renversa au sol. Elle ramassa une feuille de papier et commença à gribouiller des formules Quand elle était concentrée de la sorte, elle aimait passer une main dans ses mèches. Elle regrettait de plus en plus de s'être rasé les cheveux.
« Comment est-ce que tu sais faire ça ? s'étonna la pilote, voyant la capitaine noircir des lignes et des lignes.
— Ça fait partie des examens d'entrée pour l'université. Les pilotes doivent être capables de naviguer, même en cas de défaillance informatique. Une connaissance des règles de bases de l'astrophysique et de la navigation stellaire...
Le volume de sa voix diminuait, marquant sa concentration. Elle commença à dessiner un schéma des étoiles environnantes.
— En prenant en compte la gravité de Nodus Secondus et d'Edasich... continua-t-elle à voix basse avant de retourner son attention vers Clarinetta. Laisse-moi avancer dans mes calculs, je pense que je peux nous trouver un itinéraire de sortie. » Clarinetta s'allongea sur le lit et commença à siffloter un air d'alt-punk du siècle précédent, à la mélodie très triste.


* * * * *


Après quatre longues heures, la dernière sécurité de la porte finit par céder, sous les coups répétitifs des lames de carbone des Vaisseaux. Lentement, les trois panneaux s'ouvrirent, révélant le poste de commandement central du Dollhouse. Un générateur dédié alimentait cet endroit stratégique. Au centre, une représentation holographique représentait le vaisseau en orbite autour de la géante gazeuse. R^lash et ses derniers officiers se trouvaient autour de celle-ci. Ils étaient armés, mais savaient tous qu'ils ne pourraient contenir le nombre de combattants qu'ils avaient face à eux. Marion se tenait en deuxième ligne. L'humaine souriait, révélant une dentition parfaite.
« Vous ne sortirez pas d'ici vivants, annonça-t-elle très théâtralement. Les plaques mandibulaires du Kondo-Bandalorien étaient jaunâtres, reflétant son état de stress intense. Marion jubilait intérieurement de voir cet extraterrestre répugnant dans cet état, eux qui vantaient leur supériorité sur les espèces mammifères.
— Vous ne pouvez pas faire ça ! Le Grand Conseil Interstellaire ne pardonnera jamais à votre espèce une telle attaque ! Les conséquences seront terribles ! Marion haussa les épaules.
— Qu'est ce qui pourrait nous arriver de plus terrible que ça ? lança-t-elle en désignant d'un geste large l'ensemble des prisonniers contrôlés. Les Hommes sont présents dans chaque vaisseau, dans chaque administration de l'Univers. Vous ne pouvez plus fonctionner sans nous. Nous voulons juste une place digne. Et le premier pas pour l'obtenir, c'est votre mort.
Elle dégaina son pistolet et tira sur le capitaine du Dollhouse. Le Kondo-Bandalorien fut frappé par les cinq rayons d'énergie du M-0 Flare en pleine poitrine.
— Achevez les autres. »
Comme des chiens retenus en cage depuis longtemps, les Vaisseaux poussèrent un cri tribal avant de se ruer sur les extraterrestres. Quelques tirs partirent, mais ils furent vite noyés sous la masse aveuglée par la rage. Le massacre terminé, les criminels se tournèrent vers Marion, dans l'attente de prochaines instructions. La présidente de Primo Humanis navigua dans son exovision et activa une commande. Les colliers de passivité de tous les vaisseaux présents se désactivèrent. Un mouvement de panique démarra. Des injures et des coups fusèrent.
« Ecoutez-moi ! » cria Marion Timont pour masquer le vacarme ambiant.
La puissance dans sa voix imposa le silence à la centaine de criminels qui se trouvaient autour d'elle. Ils se tournèrent tous à nouveau dans sa direction. L'hologramme au centre de la pièce montrait un petit vaisseau qui tournait autour de la "lune-noire" prenant de plus en plus de vitesse. Marion afficha dans son exovision un discours qu'elle avait longuement préparé avec son armée de communicants. Il était librement inspiré des principaux discours anti-esclavagistes des vingtième et vingt-et-unième siècles. Elle savait que la plupart de ces criminels s'enfuiraient à la prochaine station spatiale, sans demander leur reste. C'était le moment parfait pour recruter des fidèles qui seraient prêts à donner leur âme pour elle, après ce sauvetage. Elle avait été entrainée toute sa vie pour des moments comme celui-ci. Elle s'éclaircit la gorge.
« Cette nuit, j'ai fait un rêve... »

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