L'amour à trois

2 minutes de lecture

Il n’y a personne dans le parc de jeu aujourd’hui. A part nous trois.

Alice, notre petite fille de quatre ans joue, insouciante, innocente. Elle n’a aucune idée de ce qu’il se passe au-dessus de nos têtes. Elle ne sait rien, parce que nous avons décidés ensemble de ne rien lui dire.

Assis par terre, nous nous tenons la main tandis qu’elle descend du toboggan en riant.

Nous ne sommes plus ensemble, son père et moi et pourtant nous le sommes, à présent, pendant ce dernier instant.

Ma gorge se noue, et je retiens un sanglot, cillant à plusieurs reprises pour retenir des larmes que je refuse de laisser couler devant elle.

Je regarde l’heure sur mon téléphone. Plus que quelques minutes, si j’en crois les informations que tous les médias relayent depuis plusieurs semaines.

Le ciel s’est assombrit depuis quelques temps, caché par cet énorme rocher, prêt à nous exterminer, tous.

Je lève la tête et baisse vite le regard vers cette enfant – mon enfant.

Elle est ma chair, mon sang, ma raison de vivre. Et je ne peux rien faire pour la sauver.

Je serais allée au bout du monde pour elle, je me sacrifierai un milliard de fois, aussi douloureux soit ce sacrifice. Pour elle je ferais tout, mais aujourd’hui, je ne le peux pas. Lui non plus.

C’est pour cela que nous avons décidé de passer cette journée ensemble, pour la dernière fois. En famille.

Une famille déchirée par une incompatibilité, par mon envie de mieux, de vie heureuse. Pourtant, lui aussi je l’aime et je n’ai jamais cessé de le faire.

D’un geste, je blottis mon corps contre le sien et il passe sa main autour de moi. Dans un geste tendre et désespéré.

Depuis peu, la colère causée par le sentiment d’impuissance a laissé la place à la résignation et une tristesse pure.

Un vent chaud se lève et je sais qu’il ne nous reste plus que quelques instants.

- Alice !

- Oui Maman ?

- Viens mon chat, s’il te plaît.

Elle court vers nous, un grand sourire sur le visage et je la prends sur mes genoux. Le vent se fait plus fort, brûlant.

- Avec Papa, on veut te faire un gros câlin, d’accord? il va falloir rester avec nous, le vent va souffler très fort, on te protègera tous les deux, d’accord ?

- D’accord, après je pourrais retourner jouer ?

- Bien sûr, mon cœur. Je t’aime à la folie.

- Je t’aime à égalité, Maman. Toi aussi Papa.

Les larmes coulent sur mes joues sans que je ne puisse plus rien y faire et je sens son père resserrer ses bras plus forts autour de nous.

Je l’aime plus que tout et en cet instant, je regrette pour la première fois de lui avoir donné naissance. Je me hais de lui imposer cette épreuve, la dernière qu’elle puisse vivre, à quatre ans à peine.

J’embrasse son père, qui lui aussi a les joues baignées de larmes et dans un dernier geste, nous posons nos lèvres sur chacune des joues de l’être le plus important du monde, celui qui disparaît en un battement de cil.

Boum.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Ninanto ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0