Ma Frangine
J’ai grandi sous son aile et j’ai toujours trouvé auprès d’elle consolations et encouragements pour calmer mes révoltes douloureuses. Il me semble que j’ai dû ouvrir les yeux sur son sourire avant de rencontrer le sein de ma mère tant sa présence est indissociable de mon épanouissement. Bien qu’elle se soit toujours montrée discrète, sans jamais m’imposer ses vues, j’ai toujours eu la sensation que son regard me suivait, protecteur et bienveillant, prêt à m’accueillir dès que les doutes se formeraient. Bien sûr, je ne peux nier avoir pris de nombreuses claques tant je faisais de bêtises qui méritaient un bon rappel à l’ordre, mais ces coups appliqués à bon escient n’étaient que justice et m’ont permis d’apprendre à garder le cap. Je sens, encore maintenant, alors qu’elle a pris un peu de distance dans sa mission de professeur, la chaleur de sa sympathie et de sa générosité altruiste. Elle continue d’accompagner les évènements de mon existence, d’ouvrir les bras lorsque le besoin de réconfort se fait sentir et de me délivrer moult conseils avisés afin de répondre à mes interrogations parfois saugrenues. D’aussi loin que je puisse me souvenir, elle a toujours été là pour moi et son rôle de guide ou d’éclaireur n’a jamais été pris en défaut. Mes parents, excédés de n’arriver à me faire plier, avaient pourtant beaucoup misé sur son ascendant. « Elle finira bien par te dresser », m’avaient-ils promis. Cela ne s’est jamais fait. Peut-être à cause du respect que je lui montrais sans affectation, peut-être était-ce dû plus simplement à sa nature ouverte. Je reconnais bien volontiers tout lui devoir ou presque. C’est elle qui m’a montré le chemin jusqu’à ce jour sans m’imposer de rênes, et j’espère qu’elle sait pouvoir compter sur ma reconnaissance.
Dans mon français faiblard, je n’ai pas trouvé de mot pour la nommer. Certains la traitent de salope ou de pute mais, pour moi, elle reste celle qui m’accompagne comme une amie car je n’ai jamais ressenti de tromperie en la côtoyant. Elle est plus qu’une amie. Comme une sœur-amie, serait plus juste. Le mot commun usité est Vie, avec une majuscule, mais ce mot est trop galvaudé pour lui convenir. Je lui ai donc préféré le nom de Frangine. Avec une majuscule.
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