Tu chantes ?

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...

Il fait nuit. Les étoiles brillent dans le ciel. Les feux brûlent dans les cheminées. La rivière somnole en fredonnant dans son lit. Et le vent, il souffle dans les herbes et dans le tas de cheveux noir d'une fille couchée dans l'herbe, les bras sous la tête, les yeux fermés.

Tranquille ...


— Je m'ennuie... se plaint ladite fille.

Silence...

La fille grogna. La question était mal posée, mais en même temps, si elle s'ennuyait, ça signifiait qu'elle ne savait pas quoi faire. Or elle ne sais pas comment elle pourrait demander à son "amie", mais aussi baby sitter - truc - machin chouette et on en passe, un divertissement d'une autre façon !

Un divertissement...

Un sourire espiègle apparut sur les lèvres de la fille, sans aucune réaction visible de anthroïde. Visible ou autre. Et anthropoïde. Gynoïde même, à l'apparence bien trop parfaite d'une jeune fille.

— Tu pourrais chanter ?

— Je pourrais, répond le faux-humain d'une voix inhumainement monocorde.

Une ange passa.

— J'attends, réclama la fille.

La gynoïde afficha l'incompréhension. La fille soupira.

— Tu as bien dit que tu peux chanter ? demanda-t-elle agacée.

— En effet.

Le ton calme de son interlocutrice ajouta une goutte d'eau au verre de calme de la jeune fille qui commençait à risquer de déborder.

— Alors qu'est-ce que tu attends ? Pourquoi tu ne chantes pas ?

— Vous ne me l'avez pas demandé.

Respire. Oui. Inspire. C'est bien. Maintenant expire. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Voilà, tout doux.

La fille soupira en se tournant vers sa compagne. Peut-elle vraiment s'habituer un jour ne serait-ce qu'à son ton calme quand elle parle, se demande-t-elle en observant le visage parfait, de son interlocutrice qui était revenu à souriant. Elle vennait de l'avoir, mais elle commençait à douter.

— Vouliez-vous que je chante ?

— J'allais dire que t'es bête mais finalement, on va voir, murmura la fille.

— Comment ?

Incompréhension d'un côté, de l'autre léger gêne.

— Non... Non... Laisse tomber. Enfin non ! Surtout ne laisse rien tomber ! C'est une expression hein, s'empressa de préciser la fille.

Sourire indulgent.

— Je sais.

La fille laissa échapper un petit rire nerveux. Puis elle songea d'un ton légèrement joueur, voire narquois, aurait bien pu aller à cette réponse.

— Bon, tu pourrais... Tu peux chanter ?

Il serait temps, songea-t-elle en même temps.

— Que voulez vous que je vous mette ?

La fille fronça légèrement les sourcils, puis se mit à réfléchir. Réponse sérieuse ou bien...

— Au clair de la lune, s'exclama-t-elle sur le point de rire.

La comptine commençait à passer : d'abord la musique, puis vient la chanson. A côté, la fille fredonnait en même temps.

Soudain, la fille se leva en regardant la gynoïde. Sa bouche était ouverte, mais immobile. Quelque chose n'allait effectivement pas.

— Tu ne chantes pas, remarqua-t-elle un peu mauvaise.

— Oui.

Même si ce n'était pas le cas, cette réponse sonnait comme une évidence, et une évidence qui disait presque que la remarque de la fille était inutile, ce qui ne lui plu pas.

— Je voulais que tu chantes, pas que tu me mettes une musique ! Ca, je peux le faire toute seule.

— Je ne comprends pas votre demande. Pouvez-vous répéter ?

Soupir de frustration.

— Je t'ai demandé si tu pourrais chanter.

— Oui.

— Et tu a répondu que oui.

— Oui.

— Mais là tu ne chantes pas.

— Non.

IA. Intelligeance artificielle. Alors qu'est-ce qui n'allait ? Intelligeance ou artificielle ?

— Et je te demandais de chanter.

— Je ne peux répondre à votre demande.

Enfin plus d'un mot.

— Mais tu avais dit que tu pouvais chanter.

— "pourrais", ni "pouvais", ni "peux". Pour cela, cette action requiert un logiciel adapté.

— Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ?

— Vous ne me l'aviez pas demandé.

Soupir.

—Tu peux très bien parler non, pourquoi pas chanter ?

— Un logiciel est requis.

Nouveau soupir.

—Bon, si tu ne peux pas, moi je vais le faire. Foutu machine, marmonna-t-elle à voix basse.

"Elle" l'énervait, mais la jeune fille ne tenait néanmoins pas à la vexer.

La fille respira un peu avant de fredonner la comptine. L'effet était immédiat : calme et sérénité. Et un soupçon de gêne. Pour ressentir ça à cause d'une chanson si puérile. En même temps, elle ne pouvait s'empêcher de sourire pour ça aussi. Cet ambiance enfantine ridicule qui mettait bien. Ou pas si mal.

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