Le chien et le renard

9 minutes de lecture

Le costume était posé sur le lit. L’homme d’une trentaine d’année bien tassée l’observait froidement. Sur les draps rouges, la fourrure grise, synthétique, lui sembla des plus sordides. Le masque était grossier également. Pourtant dans ses reins l’envie monta. Il baissa la tête, chassa de son esprit le regard dégoûté que ses collègues poseraient sur lui s’ils savaient, ferma les yeux et glissa ses doigts sur la fourrure. Elle était toute douce. Max était toujours tout doux. Max était également heureux. Max ne pensait jamais à ses collègues parce que Max n’avait pas de collègue. Max n’avait jamais honte. Et lui, il aimait être Max.

Il enfila doucement la combinaison en essayant de ne penser à rien. Il essuya nerveusement les larmes qui perlaient à ses yeux et glissa ses pieds dans les chaussons en forme de pattes. Les petites griffes noires en plastique ne firent pas le moindre bruit sur la moquette de la petite chambre d’hôtel. Il enfila ensuite la tête, qu’il attacha aussi correctement que possible pour qu’elle ne glisse pas et suive ses mouvements. Les gants qui réduiraient totalement sa mobilité ne furent pas plus compliqué à enfiler, même s’il fallut frotter ses poignets aux draps pour que les scratchs tiennent bien. Il était dedans. C’était fait et pourtant, il n’était pas encore Max. Il était toujours le même homme, un peu bedonnant, un peu triste et désœuvré, travaillant dans la même boite depuis dix ans pour un salaire de misère sans aucune considération. Les larmes remontèrent à ses yeux mais il tenta de les chasser plus activement car il était à présent incapable de les essuyer. A l’intérieur du masque intégral, l’air devient chaud et moite, désagréable.

Aujourd’hui au travail, le gardien de l’immeuble lui avait demandé son badge et il n’avait pas fonctionné. Alors il était resté coincé dehors pendant presque une heure, sans arriver à joindre son responsable, tout ça parce que Garry avait oublié à quoi il pouvait bien ressembler. Et lorsqu’il était enfin arrivé à son poste, c’était pour découvrir qu’on avait oublié de lui assigner un nouvel ordre de mission… L’entreprise était grande et tout le monde devait sans doute être aussi anonyme que lui. Enfin pas José qui faisait du sport et plaisait à toutes les femmes de son étage. Ni Maria, la geek de service qui s’était fait reprendre trois fois déjà par la direction à cause de ses tee-shirts. Ni même Laura, la jolie standardiste lesbienne qui avait réussi à devenir amie avec tout le monde en un rien de temps. Tony non plus d’ailleurs, monsieur café avec ses trois machines et ses séances de dégustations ne pouvaient pas passer inaperçu. C’était au milieu de l’après-midi qu’il avait fini par se rendre compte qu’il connaissait tous les gens de son étage, mais que personne ne le connaissait. Lui, monsieur pas de famille, pas d’amis, pas de passion… Ou en tout cas, rien d’avouable.

Il caressa le corps pelucheux de Max. Il adorait devenir Max. Fermant les yeux doucement il tenta de se plonger dans le bon état d’esprit. Il se concentra sur ses sensations et se laissa tomber à quatre pattes sur le sol. Il remua l’arrière-train et sourit en sentant sa longue queue suivre mollement le mouvement. Max était gracieux pour un chien. Il roula au sol, simplement heureux d’être là, puis, il eut envie de le retrouver, alors il s’approcha de la porte communicante et la gratta doucement en poussant quelques couinements plaintifs pour l’appeler.

Silver n’était pas toujours joyeux, parfois, il était brutal, parfois, il n’avait qu’une envie c’était de le mordre, de le soumettre, de l’écraser au sol. Néanmoins, Max l’adorait alors quand la porte s’ouvrit il n’hésita pas. Il sautilla sur son ami et glissa son nez pelucheux sur lui savourant la texture de sa fourrure blanche. Silver grogna un peu, mais plus pour la forme que par réel agacement. Max avait appris à faire la différence à force de séances. Ils n’échangeaient jamais le moindre mot. Silver le renifla longuement, et le caressa doucement tout le long du dos. Max roula sur le côté, dévoilant son flanc et remua les pattes pour toucher son ami. Max pouvait parler. Il n’était pas très bavard, mais il pouvait parler. Seulement, Silver n’aimait pas ça, alors peu à peu, il avait arrêté.

Le grand furry se pencha sur lui et enfouit son museau contre son ventre, le poussant et le reniflant tour à tour puis il le gratifia de plusieurs longues caresses. Qui aurait pu croire que ce renard finisse par l’apprécier autant ? Max remua doucement, se retournant sur le dos et dévoilant son ventre tout blanc, aux poils bien plus courts que ceux de son ami. Durant de très longues minutes, ils se câlinèrent uniquement, frottant leurs museaux en douceur. Silver avait de très grands yeux, très expressifs, bleus, magnifiques. Les siens étaient verts, très beaux aussi, mais Silver… Silver c’était autre chose.

Le museau blanc descendit et cogna contre son sexe à demi-bandé, le faisant gémir, mais il poursuivit sa course pour venir se loger sous sa longue queue duveteuse. Là, il huma longuement son anus, comme pour s’assurer qu’il lui avait été fidèle. Et c’était le cas, alors Max se dandina pour se cambrer et le lui montrer. Silver finit par avoir l’air satisfait, son sexe était d’ailleurs rouge et dur contre sa fourrure. Il était souvent rapide.

Silver se leva, l’observa un instant depuis là-haut, puis il se pencha, saisit son partenaire à bras le corps pour le soulever et le jeter sur le lit aux couvertures rouges. Max roula, en lâchant un rire joyeux et Silver l’écrasa sur le matelas en le recouvrant de son propre corps. Pendant un long moment, il se frotta à lui, s’attelant simplement à faire gonfler davantage son sexe et leurs envies respectives. Max cherchait à trouver une meilleure position, mais Silver ne le lui permit pas avant d’être totalement prêt.

D’une patte discrète, Silver saisit le flacon de lubrifiant large que son compagnon avait préparé au préalable. Il en mit une bonne couche sur son propre sexe, délaissant Max. Il ne le préparait jamais davantage et pas une fois Max n’avait demandé ou fait autrement.

Le chien avait replié ses coudes, tendu ses fesses vers le haut, cambré ses reins. Sa queue retombait joliment sur son dos. Silver saisit l’un de ses bras pour le tordre en arrière et le bloquer sur son dos. Il fit de même avec le second, tirant jusqu’à ce que Max grogne un peu. Puis il attendit, avec plus de patience qu’il n’avait l’air d’en avoir, le signe que son partenaire était prêt. Il finit par venir sous la forme d’un jappement frustré et d’un lent mouvement de hanches, qui semblait chercher son sexe. Il allait le trouver se dit le renard en souriant légèrement.

La pointe de son gland frôla la rondelle contractée, il vérifia son angle et poussa ses reins en avant. Au début de la poussée, son corps résista, se resserrant davantage tout en épousant sa forme malgré tout. Puis, soudain, sans prévenir, l’anus s’ouvrit, l’accueillant et il rua en lui, s’enfonçant jusqu’à ce que son bas ventre vienne frapper sa fourrure fine. Il attendit un quart de seconde, puis Max jappa et il adopta un rythme rapide et sec. Allant et venant avec violence tout en couvrant le dos de son partenaire de son poids, il prit son plaisir. Sous lui, Max couinait, gémissait et se déhanchait. Il aimait cette sensation rude en lui. Silver jouit le premier, se répandant largement entre ses reins. Il resta planté en lui jusqu’à ce que son sexe se fasse si petit qu’il sortit tout seul, puis il resta encore un moment, haletant, sur son dos

Max attendit en souriant simplement de savoir son ami comblé. Puis peu à peu la masse se fit un peu trop lourde pour lui et il remua gentiment, s’attirant un grognement sec qui l’immobilisa, penaud. Silver aimait qu’on le laisse tranquille quand il récupérait. Il fallut presque cinq minutes de plus pour qu’il consente à se retourner, observant le plafond, enfin calmé. Max ne remua pas. Il savait pertinemment ce que voulait Silver et c’était facile, il fallait simplement attendre.

Le renard finit par se remettre en mouvement autour de lui puis tranquillement il appuya contre ses hanches pour le faire rouler sur le côté. Max obéit sagement, en se retenant de gémir d’anticipation. Son compagnon le plaqua de manière à avoir pleinement accès à son sexe. Il chassa ses pattes en grognant puis se pencha vers sa verge et frotta le bout de son museau dessus, tendrement. Max couina sachant pertinemment ce qui l’attendait. Sa verge se glissa lentement dans la cavité profonde pour aller rencontrer la langue douce de Silver. Comme tout le reste, ce n’était pas délicat, Silver n’avait pas ça en lui. Mais c’était jouissif. Littéralement. Il ne lui fallut qu’une petite minute de ce traitement pour venir dans sa bouche. Le renard avala sa semence et continua un instant, lui tirant quelques gémissements choqués. Ses bruits adorables firent rire Silver qui remonta à son visage pour frotter leurs museaux l’un sur l’autre dans une caresse tendre.

Après la jouissance, Max aimait se blottir dans ses bras pendant qu’il caressait tendrement alors Silver lui ouvrit les bras. Le corps chaud de son partenaire pesait lourd contre son torse, mais Silver resta couché en le tenant simplement. Lorsque Max leva timidement les pattes vers lui pour le serrer à son tour, il ne grogna pas, le laissant faire. Il resta là, à étreindre son ami jusqu’à ce qu’il s’endorme puis avec une dernière caresse tendre, Silver quitta doucement la chambre. Il allait passer la porte lorsqu’un couinement plaintif le retint. Max pleurnichait depuis le lit, l’appelant sans un mot. Silver s’arrêta et l’observa, embêté. Max baissa la tête et se frotta les oreilles avec l’une de ses pattes en chouinant, pleinement réveillé.

Il était adorable. Moins joyeux que d’habitude peut-être, mais toujours aussi mignon. Il grogna et se détourna, regagnant sa chambre. Il saisit un post-it qu’il avait préparé avant et le chiffonna. Il en écrivit un autre tranquillement et revint pour le lui donner. Max l’observa et jappa joyeusement, remuant assez les hanches pour que sa queue vienne frappait ses flancs.

Sur le post-it il y avait écrit : « Demain soir, chez moi. S. »

Max adorait aller chez lui. Il se roula dans le lit, jouant simplement avec le papier en riant. Il finit par s’endormir comme ça, un sourire aux lèvres.

Le lendemain, il se réveilla. Il avait chaud et il était moite. Il peina à retirer son premier gant et l’air frais lui fit du bien. Sa première main libre, il l’utilisa pour finir de se dénuder, doucement, en faisant attention à ne pas abimer son costume. Silver avait dû partir au milieu de la nuit, c’était ce qu’il faisait le plus souvent. Lui il dormait là jusqu’au petit matin, puis il remettait son costume dans sa grande valise, la déposait chez lui, se lavait et repartait travailler, le cœur un peu plus léger.

Avec Silver, il pouvait être un gentil furry canin, joyeux et amical. Il aimait vraiment ça. Il fit de son mieux pour suivre sa routine tout en conservant des restes de la personnalité de Max. Malheureusement, une fois chez lui, il dut faire face à cet autre costume. Un costume trois-pièces, anonymisant, qu’il enfila et qui l’amena à redevenir : personne.

Arrivé devant son travail, il passa devant Garry, qui ne fit pas attention à lui. Son badge bippa, le rassurant et il grimpa jusqu’à son étage. A l’entrée, il y avait Laura en pleine discussion avec Natasha à propos d’un dossier compliqué et de personnes qui viendraient sans doute à l’accueil réclamer des informations. Il contourna le chariot d’Hector qui faisait le ménage dans tout l’étage en chantonnant. Il poursuivit, croisant Maria qui portait un tee-shirt où se trouvait une petite mention discrète clamant « je suis Dieu » qui le fit sourire. Son collègue de bureau n’était pas encore arrivé et il avait oublié sa tasse à café, à moitié pleine, signe que la dégustation de la veille n’avait pas été très concluante. Un nouvel importateur s’il avait bien compris. Lorsque les discussions autour de lui, lui montrèrent à quel point sa présence était inintéressante, à quel point il était inadapté, il se contenta de glisser sa main dans sa poche pour frôler l’angle du petit carré de papier jaune.

Ce n’était pas grave, ça irait, parce que ce soir, il serait dans les bras poilus de son ami et il serait heureux. Ce soir, il serait Max. Max avec Silver. Max et Silver, heureux ensemble. Il fit de son mieux pour ne se rattacher qu’à cette idée, souriant un peu plus en imaginant les grognements de Silver s’il déprimait encore. Oui, ce soir, il serait heureux à nouveau.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Hendysen ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0