Faire ses preuves
La bile, acide, remontait dans sa gorge. Ce n’était que le stress. A dix-huit ans, c’était la première fois qu’on lui permettait de passer les portes du grand palais. Un gardien androïde immense, se déplaçant à quatre pattes avec la grâce d’un félin, le conduisait jusqu’à la salle préparatoire. Un petit bracelet d’argent avait déjà été passé à son poignet, indiquant clairement la limite de ses droits.
C’est ainsi qu’il se retrouva devant de grandes rangées d’étagères sur lesquelles étaient posés des masques. Tellement de masques. Le gardien referma la porte derrière lui et le verrouillage magnétique s’enclencha. Ce n’était pas pour l’empêcher de fuir, il pouvait demander à partir à tout instant après tout. C’était pour s’assurer qu’il ne parte pas avec l’un de ces bijoux de technologies.
Il avait énormément pensé à cet instant, il avança en observant les masques un par un. Une fois enfilé, il serait anonyme, mais son dossier personnel en porterait une trace. Pour la majorité des personnes ce n’était qu’un historique désagréable que l’on finissait par supprimer ou faire supprimer. Pour lui, cela pourrait être une porte ouverte vers son futur.
Il s’arrêta devant un masque et se détourna, pour en chercher un autre. Il avait choisi depuis plusieurs mois déjà ce qu’il voulait. Bien des personnes venaient pour l’anonymat mais il était prêt à donner son visage et son identité dès qu’il aurait trouvé la bonne personne.
Le masque choisi était un modèle archaïque très simple. Un masque vénitien fait uniquement de fil d’argents. Les options permettaient de modifier à volonté la couleur de ses yeux et la forme de son visage et même celle de son corps dans une certaine limite. Dès que les contacts étaient physiques, les grandes illusions s’estompaient, mais de loin, il pourrait se faire passer pour une femme sans le moindre problème. Se cacher ainsi le rassura légèrement, mais l’acide continuait de lui bruler l’œsophage sans qu’il ne puisse rien y faire.
Depuis plusieurs mois, il tentait de gagner son entrée dans un club très réputé et c’était peut-être ici, à travers certains jeux, qu’il gagnerait sa place … ou qu’il la perdrait définitivement. Il se dénuda entièrement et s’observa dans un miroir. Il avait sélectionné le moins de modification possible. Son corps ne portait pas la moindre marque, pas de cicatrices d’enfances -tout avait été soigné avec minutie-, pas de tatouage, pas de piercing, rien. Il était une toile blanche sur laquelle des dizaines de personnes allaient pouvoir jouer.
- Assistant ?
- Oui monsieur.
La voix discrète sortait du masque par une simple vibration, le rendant inaudible pour tout autre que lui.
- J’aimerais qu’un relevé complet de mes performances soit ajouté à mon dossier et transmis directement au club S de la ville.
- Vous renoncez à vos droits d’anonymat complet monsieur ?
- Oui, j’offre un droit de consultation permanent au club.
- Bien monsieur, c’est fait.
Il frotta sa poitrine, il avait mal à présent, son corps n’était vraiment pas coopérant. Il s’approcha de la porte, enfila le très léger peignoir de soie fine qu’il garda ouvert et actionna l’ouverture. Le grand palais était un lieu de luxure et de fantasmes en tout genre. Les gens venaient ici pour s’amuser ou pour faire des choses qu’ils n’oseraient pas faire ailleurs. Les masques assuraient toujours un minimum d’anonymat. Certes depuis là où il était, il pouvait potentiellement deviner l’identité de quelques personnes, mais les masques étaient ainsi faits que cela aurait tout aussi bien pu être des usurpateurs. Se déguiser en personne connue était un grand classique après tout.
Il avança entre les corps alanguis, observant les zones de différents fantasmes. Là, dans un immense bassin, des personnes nageaient au milieu des tentacules d’un androïde qui de temps à autre se faisait aussi curieux que vicieux. Il observa un instant un tentacule se glisser entre les jambes d’une jeune femme pour s’insinuer en elle et l’entendit glapir en souriant. Non, ce n’était pas le bon lieu, pas aujourd’hui, surtout pas aujourd’hui, ce serait une erreur.
La salle principale contenait plusieurs grands dômes que l’on pouvait gravir à travers des escaliers et en bas, plusieurs fosses. C’étaient des milliers de personnes qui se trouvaient là. A l’étage, une gare s’était installée pour leur permettre de venir plus facilement et en observant l’entrée, il put voir en quelques minutes des dizaines de personnes en sortir. Certains hésitaient, comme lui, d’autres savaient exactement où aller.
Il erra entre les corps, observa des actes en tout genre sans s’arrêter. Son premier choix pourrait être décisif. Il ne savait pas exactement pourquoi il voulait entrer dans ce club ultra sélectif si ce n’est qu’il avait rencontré une fois son dirigeant, deux ans auparavant. Ça avait été un véritable coup de foudre, malheureusement à sens unique. Grin n’avait jamais accepté de le revoir. Tout ce qu’il avait obtenu, à force de demandes, c’était une petite carte au nom du club avec les conditions d’admissions. Une invitation s’était-il dit, mais dès son premier essai, la désillusion avait été forte. Rien dans son dossier ne leur convenait et son absence d’expérience sexuelle était encore trop présente. C’était ici qu’il allait faire ses preuves.
Dans un recoin, il observa une scène étrange et sut qu’il avait trouvé. Une personne se faisait gifler pendant qu’une autre lui criait :
- Tu aimes ça alors hein ? Petite merde ! Ça te plait d’être là à te trémousser !
Et l’autre corps, soumis, se dandina joyeusement en dévoilant une érection qui n’avait rien d’une illusion. En observant, il remarqua qu’un autre duo se former en suivant une sorte de procédure tacite en se plaçant de part et d’autre de la zone de jeu. Il marcha, lentement, le long de l’espace et attendit un instant avant de voir un dominant s’approcher et rentrer dans l’espace. Il avança à son tour, le cœur battant la chamade. Ce serait sa toute première scène.
L’autre homme leva le menton, l’observant de la tête au pied. Et lui, se permit d’en faire de même. Son grand corps était beau. Le masque cachait la majorité de son visage, mais ses yeux foudroyants l’observaient de ses pupilles rendues violettes par la technologie de camouflages.
- Baisse les yeux, pet !
Il obéit immédiatement, le cœur battant la chamade. C’était exactement pour ça qu’il était venu.
- A genoux.
Il se laissa tomber et fut surpris par la tape douce qu’il l’amena à corriger sa position. Durant plusieurs minutes, le dominant le manipula jusqu’à obtenir la position qu’il voulait exactement.
- Hum… Je suppose que tu ne peux pas faire mieux ?
Il déglutit, inquiet et tenta de s’améliorer sans y arriver. A côté de lui, les autres soumis se faisaient humilier. La gifle reçue l’ébranla complètement et l’air terrible de son dominant le fit frémir. Il se pencha contre lui et lui souffla à l’oreille, presque tendrement :
- Moi. Il n’y a que moi qui compte. Tu dois me faire plaisir alors concentre-toi.
Il fit de son mieux mais ses mains tremblaient sans discontinuer, triste et inquiet à l’idée de lui avoir déplut. Il se sentait tellement maladroit. Lorsque son partenaire se fit humiliant, visant étonnamment juste, il eut d’autant plus de mal à encaisser.
- Tu n’as vraiment aucune compétence pour ça.
Il le gifla un peu plus fort et dégusta son regard perdu avant de pousser un soupir et de cracher, juste pour le voir tressaillir :
- Je perds mon temps avec toi !
Et aussi simplement que ça, il partit. Le jeune homme resta immobile un instant, sans comprendre avant de se lever, les jambes tremblantes et les larmes aux yeux. Surpris que cela puisse se passer aussi mal… alors qu’il espérait tellement lui plaire. L’acidité s’était rappelée à lui, assez fort pour l’amener à frotter son torse.
L’agitation tout autour de lui, le bruit des gifles toute proche, rien de tout cela ne lui semblait approprié mais il devait gérer ses angoisses. Ce n’était pas si compliqué, il fallait simplement se concentrer. Que voulait-il ? Plaire à Grin. Et pour ça, il devait être accepté au club… et donc faire ses preuves. Humiliation. Gifle. Ce n’était vraiment pas suffisant. Il releva le menton, combattit l’envie de refermer le peignoir sur son corps et s’éloigna en cherchant la scène suivante.
Il passa entre les corps nus, observant les fantasmes des uns et des autres en cherchant quelque chose pour pourrait plaire au club. Il voulait se créer un profil sur mesure, montrer de quoi il était capable mais également ce qui l’attirait : soumission, obéissance et don de soi. Il passa devant une zone sans vraiment la comprendre avant de s’arrêter, saisit par un doute et de s’installer sur un gradin pour la voir. Il observa les corps nus se masturber, s’embrasser et aller plus loin, beaucoup plus loin, le tout guidés par des espèces de maître du jeu qui s’amusaient à créer des scènes plus ou moins complexes. Parfait.
Il se présenta à l’entrée et attendit patiemment sans donner le moindre ordre ou formuler la moindre demande que l’un des joueurs accepte de l’intégrer à son scénario et ce fut très rapidement le cas.
- Installe-toi devant le poteau.
Il obéit, observant la pierre froide contre laquelle on l’avait placé. Sans attendre, le joueur ordonna à un autre de venir le préparer. Il souffla tranquillement, il n’avait fait l’amour que deux fois auparavant et il espérait que les choses seraient délicates. Les doigts qui le pénétrèrent étaient bien fin et en jetant un coup d’œil vers l’arrière, il nota que c’était un jeune homme de son âge au visage fin et à la taille fluette.
- Regarde devant toi ! Tu ne dois pas bouger. Tu te cambres et tu attends, offerts, juste pour moi. Tu as compris ?
- Oui…
Les doigts remuaient en lui, l’excitant mais le stress était trop fort pour permettre la moindre érection digne de ce nom. Il ne se retourna plus, fermant les yeux, les mains sagement posées sur la pierre. Il tressaillit plusieurs fois en entendant les directives du joueur et se contracta un peu en distinguant le « baise-le » chuchoté à l’oreille de l’autre. Son partenaire de jeu glissa effectivement son pénis fin et délicat en lui avant de s’activer. Sa taille rendit la pénétration très douce et tout à fait convenable, chassant une partie de son stress, et petit à petit, une excitation sincère grimpa en lui. Il osa poser ses mains sur les doigts fins qui avaient attrapé ses hanches, cela ne fut pas corrigé mais bientôt, le rythme accéléra. Un troisième personnage les avait rejoints. Le joueur avait dit :
- Tu es leur maîtresse. Le rythme t’appartient, utilise juste ça.
Et une femme avait enfoncé, sans pitié, un plug anal dans le fondement du jeune homme qui le pénétrait et l’utilisait à présent comme une vulgaire poignée pour gérer ses mouvements. Très vite, il accéléra encore en gémissant et en couinant prit entre deux lots de sensations trop intenses.
- Stop, exigea le joueur. Maintenant, relies-les avec ça, à quatre pattes.
Un mouvement sec vers l’arrière dégagea le plug et obligea l’autre jeune homme à sortir de lui en un couinement qui les fit tous frémir d’envie. Et presque aussitôt, tout le monde se mit en route, obéissant au maître du jeu.
Quittant doucement son poteau, il prit le temps de les détailler. La femme avait une superbe crinière de cheveux frisés, roux et violets. Son partenaire était un petit blondinet tout chétif qui se tenait déjà à quatre pattes, lui rappelant les ordres qu’il tenta de suivre de son mieux. La femme les guida pour qu’ils se mettent dans des directions opposées et qu’ils reculent jusqu’à ce que leurs fesses soient parfaitement alignées. L’objet proposé était un très long godmiché. Une extrémité fut entrée dans l’autre jeune, puis, alors qu’il écoutait tous ses bruits en frissonnant d’appréhension, ce fut son tour. Elle n’était pas vraiment délicate, mais elle fit le nécessaire pour ne pas le blesser inutilement. Par contre, dès qu’il fut inséré, elle leur ordonna de reculer, approfondissant la pénétration. Le moindre mouvement de l’un deux se répercutait sur l’autre.
Le joueur s’amusa un long moment à les torturer de plaisir, mais il ne leur permit pas de jouir, allant jusqu’à ordonner à la femme de les maintenir fermement, appliquant des pressions désagréables sur leurs corps pour que leurs sexes débandent. L’orgasme montait, grimpait, tentait de s’imposer et repartait, chassé, les laissant pantelants et épuisés.
- Et votre scène est finie ! Vous repartez.
- Je ne peux pas les laisser jouir ? demanda-t-elle avec une petite moue adorable.
- Non, toute la beauté est là. Mais viens ma belle, tu as été parfaite et j’ai encore des idées pour toi.
Il les abandonna, sans même prendre la peine de faire retirer le jouet qu’ils durent extraire d’eux-mêmes en s’avançant et en poussant sur leurs corps. Il était si long et rentrait si profondément. Lorsqu’ils réussirent, le petit soumis resta un moment au sol, haletant, avant d’arriver à se redresser. Le temps que ça lui prit suffit à son partenaire pour disparaître. Tant pis. Il ne comptait pas réellement lui parler après tout. Il quitta la zone de jeu en tentant de reprendre ses esprits, frustré au possible.
Humiliation. Gifle. S’offrir à un inconnu. Sexe anal. Sexe anal avec un jouet. Déni d’orgasme.
Il ne savait pas si avoir été pris par un jeune homme comme lui pourrait être considéré comme un point important. Il savait qu’au club, il y avait des profils très différents de dominateurs et parmi eux, sans doute quelques statures fluettes mais Grin… Grin était vraiment très grand. Peut-être devait-il montrer qu’il pouvait encaisser un sexe sans doute beaucoup plus imposant que ce qu’il venait de prendre ?
Marcher après une telle pénétration était difficile, alors il s’accorda une petite pause tout en cherchant du regard une scène adaptée. Il se sentait toujours un peu perdu, mais l’acidité avait quitté sa gorge avec cette impression étrange de bien faire.
Ainsi installé il observa non pas une, mais trois personnes différentes grimés sous les traits d’un acteur à la mode. Il avait également eu l’impression de voir, par deux fois, monsieur le maire. Un choix des plus étranges à ses yeux. Dire que parmi ces personnes qui le touchaient, qui s’amusaient avec lui, il pouvait y avoir des amis, des connaissances mais également des gens qu’il appréciait moins. Il repoussa l’idée, l’anonymat avait vraiment ses bons côtés.
Son anus palpitait encore un peu lorsqu’il se releva, marchant vers un autre lieu à la recherche de la scène idéale. Il passa à côté de pratiques classiques. Ici et là, les gens faisaient simplement l’amour à quatre pattes ou en cuillères, lové les uns contre les autres. Mais il croisa également des pratiques plus étranges. Oh avant de venir ici, il s’était bien documenté. Il avait appris des tas de choses, mais vraisemblablement, il n’avait pas fait le tour de la question se disait-il en observant un homme portant des œillères et une selle, ployé à moitié sous le poids de sa cavalière qui n’hésitait pas à jouer de la cravache, laissant de jolies marques sur ses cuisses.
Il s’arrêta finalement devant deux scènes, face à face et en baissant la tête, il rejoignit la première. Il s’installa dans la structure étrange qui venait le recouvrir au niveau de la taille, ne laissant apparaitre que l’arrière de son corps. Plié en deux, le torse reposant sur une simple table, il eut bien vite mal aux jambes, mais le panneau d’invitation au-dessus de lui était clair et quelqu’un finit par se laisser tenter.
Le panneau avait un fond rouge et son écriture blanche était grasse et épaisse. Il y avait écrit, avec un certain humour : « rondelle à détendre ». L’anonyme qui s’était approché eu la délicatesse de glisser son doigt en lui, pour vérifier qu’il n’était pas trop crispé avant d’y enfoncer son sexe. Le jeune cria sous la poussée se sentant envahi et écartelé. Le jouet lui avait semblé épais et peut-être s’était-il partiellement refermé, mais ça lui sembla pire. Vraiment pire. Vraiment bon aussi, décida-t-il lorsque l’homme frotta sur un point très particulier en lui, le stimulant jusqu’à la jouissance. Le jeune haleta, choqué, convulsant à moitié sous la force de la vague qui venait de le traverser, mais l’autre n’avait pas terminé et alors qu’il se raidissait peu à peu, il continuait de le besogner tranquillement. La joue posée contre la table, il savoura l’idée d’être simplement utilisé avec un petit sourire tranquille.
Lorsqu’il se retira emmenant avec lui une petite partie du sperme qu’il avait glissé profondément dans ses chairs, le jeune crut pouvoir sortir de la structure, mais presque aussitôt une main se posa sur ses reins. Elle était ferme et décidée, mais elle n’appliqua aucune force suffisante pour le retenir, lui offrant un choix. Il hésita puis se réenfonça car après tout, il était à leur disposition. C’était le but de tout ça, être à la disposition du club et donc, de Grin. Autant commencer à s’entraîner.
Son corps ayant jouit, l’excitation qui l’aidait tant était partie et il se sentait assez froid à l’idée de reprendre un coït. Il observa ses propres sensations, le tiraillement sur sa peau la plus intime, la poussée profonde et la sensation qu’elle créait dans son ventre, la brutalité des va-et-vient qui le laissait pantelant, les chocs répétaient contre ses fesses et la manière dont son dos y répondait. Il analysa tout et fit de son mieux pour se montrer plaisant. L’homme finit par jouir à son tour, ajoutant une dose supplémentaire de sperme.
En quittant la scène, il eut tout le loisir d’observer ce dernier partenaire et son membre imposant. Il lui avait pourtant sembler plus petit que le précédent donc ça devait être suffisant pour remplir son critère. Il avait montré que le sexe anal ne lui faisait pas peur et que la taille de ses partenaires n’était pas un problème.
Il était épuisé. Quoiqu’il face, ce serait le dernier jeu de la journée. Juste en face, il y avait une autre scène qui avait attiré son regard. La pratique était dure et les participants sans doute entraînés. Il avait entendu dire que Grin adorait ça, alors quoi de mieux que de lui montrer à quel point il était intéressé et potentiellement intéressant ? Grin n’aimait pas avoir la primeur à sa connaissance. Il faisait la majorité de ses scènes avec des soumis très expérimentés. Entrer dans le club était réellement le premier pas, puis il devrait se perfectionner jusqu’à atteindre le niveau souhaité. Il devrait être capable de faire ça et bien pire encore.
Il avança, ses jambes tremblaient un peu, encore douloureuse de la position précédente et fatigué par les différentes activités. Ce n’était pas grave, il n’aurait pas besoin de rester debout. Pire, il allait même être couché sur un fauteuil large et confortable. Il s’approcha de l’un de ceux qui étaient vides et s’installa sous les regards interrogatifs des autres personnes qui l’observèrent avec minutie comme s’ils tentaient de deviner son identité.
Un homme très grand, avec deux lignes de tatouages assez haut sur le bras, l’observa un long moment avant de se détourner vers un autre fauteuil et il dut attendre presqu’une dizaine de minute avant que l’un d’entre eux ne s’approche. Il avait un tatouage lui aussi, dans le même genre, et un autre représentant une pièce de puzzle sur l’autre avant-bras.
- Qu’est-ce que tu fais là, gamin ?
- Je viens m’offrir. Avoua-t-il, surprit par la question intrusive.
- Tu comprends ce que l’on fait ici ?
- Oui.
- Qu’est-ce qu’on fait ?
- Vous mettez vos mains … et parfois plus… dans nos corps.
- Rectum. Je vais mettre ma main et mon poignet dans ton cul.
Il frémit à nouveau devant la description vulgaire. Le fauteuil était ainsi fait que ses jambes étaient largement écartées. Il s’offrait déjà et cet homme n’avait pas l’air d’avoir envie de respecter son cadeau. D’ailleurs il haussa une épaule en voyant qu’il ne fuyait pas, et alla chercher un pot de lubrifiant.
Le jeune était toujours là quand il revint et sans attendre, il tira une chaise à lui pour se retrouver exactement dans la bonne position. Il attrapa un bord de son anus du bout du doigt et sans rien dire, commença à le travailler.
Couché sur la table, le jeune ne voyait rien en dehors du plafond. Le grand palais était recouvert d’un dôme magnifique, très haut et en dessous de nombreuses poutrelles de métal assuraient sa rigidité. Il tenta de rester concentré sur les sensations de son corps, mais très vite, il se perdit dans une idée toute simple : il appartenait à cet homme inconnu. Et ce dernier s’amusait à tirer sur ses sphincters pour s’assurer qu’ils restent bien ouverts et accueillants.
Il avançait très lentement et était très délicat contrairement à ce que ses mots avaient pu laisser entendre. Petit à petit, le jeune se détendit. Un doigt le pénétra, quasiment rien vu ce qu’il avait déjà encaissé durant les dernières heures, puis deux, puis trois et la pénétration devint très conséquente avec le quatrième doigt mais il ne le remarqua pas vraiment. En soufflant doucement pour se détendre et s’offrir entièrement, il s’était perdu entre les sensations de son corps, le vide au-dessus de lui et cette impression d’être totalement ouvert. Offert.
Les caresses en lui étaient profondes et le plaisir tellement important. C’était tellement différent de la douleur qu’il avait attendu et craint… Il eut une première jouissance qui le surprit et le fit produire quelques bruits. Son sexe tressauta vaguement mais n’expulsa aucun sperme. Les caresses continuèrent et il eut bientôt l’impression de ne plus être réellement là, le plaisir et les sensations d’appartenir à cet homme l’avait conduit bien trop haut.
Lorsque les doigts ressortirent de lui, il ne comprit pas immédiatement, puis une petite claque s’abattit sur sa hanche et l’autre lui dit :
- C’est fini, j’irais pas plus loin avec toi gamin. Tu manques d’entraînement. Allez ! Ouste !
Et il ne comprit pas exactement. L’homme l’aida à se relever et le fit s’asseoir sur l’un des marches de l’estrade en lui conseillant de ne pas essayer de rentrer immédiatement chez lui. Il ne comprit pas tout à fait. Il flottait encore mais à présent, il était seul. Très vite, il eut froid. Où était son peignoir ? Il l’avait perdu quelque part en chemin. Il ne portait plus que le masque et le bracelet. Il observa autour de lui, abasourdi. Il ne savait plus ce qu’il était censé faire et il avait froid. Son corps tremblait doucement. Choqué.
Il tenta de se relever, vacilla et retomba en couinant. Il avait mal, à l’intérieur. Pourquoi avait-il mal ? Est-ce qu’il avait fait quelque chose de mal ? L’homme l’avait chassé. Il ne comprenait pas vraiment. Pourquoi l’avait-il chassé ?
Les anonymes passaient à côté de lui sans un regard et il se sentait tellement perdu. Les larmes s’accumulèrent à ses cils et glissèrent sur le masque de métal. Il se sentait horriblement bouleversé sans même savoir pourquoi. L’acide revient en force dans sa gorge, lui donnant envie de vomir. Et puis, une main large se posa sur son dos et l’attira dans une douce étreinte. Il tremblait et le contact n’aidait pas vraiment ou en tout cas, il n’aida pas jusqu’à ce qu’une voix douce ne lui murmure quelques mots :
- C’était une scène très jolie, ton petit cul tout tendre était ravissant et tu t’es très bien comporté. Tu peux être fier de toi.
Il frémit et se blottit un peu plus contre l’homme, soudain rassuré. Il respira son odeur et se calma lentement dans ses bras. Cela prit un très long moment et durant tout ce temps, les gens autour d’eux continuèrent d’aller et venir, rejoignant ou quittant des scènes joyeusement sans faire attention à eux. Il était pratiquement revenu lorsqu’il entendit l’autre affirmer :
- Tu sais, c’est exactement pour ça qu’un petit soumis comme toi a besoin d’un vrai dominant.
- Pourquoi ? murmura-t-il en fermant à moitié les yeux.
- Pour vous empêcher d’aller trop loin… A vouloir bien faire, vous vous brulez les ailes. Et puis… pour vous accompagner dans la redescente également, quand vous partez un peu trop loin pour pouvoir revenir tout seul en bon état.
Il frémit contre lui, il avait envie de pleurer à présent car c’était tout ce qu’il voulait. Il resta un long moment dans ses bras, jouant du bout des doigts avec son tatouage. Deux lignes sur son bras. L’homme ne lui permit pas de se redresser et le garda fermement plaqué sur lui jusqu’à ce qu’il soit parfaitement sûr de son état et là encore, il le ramena jusqu’à la cabine, le couvant avec une tendresse surprenante.
Au dernier moment, alors que la porte se refermait il annonça simplement :
- Je te revois au club S pour un essai si tu veux ? Demain, 18h, précise.
Et la porte se ferma alors que son corps faisait une vive embardée.
***
Il s’était joliment habillé, enfilant un pantalon qui le mettait en valeur et un pull qui lui conférait un air doux. Il s’était reposé toute la journée, littéralement épuisé et surprit par le peu de douleur qu’il ressentait. Peu importe jusqu’où était allé le fisting, visiblement, son corps avait été assez respecté pour que seule une douleur de surface ne reste, légère.
Ses amis étaient nombreux à lui avoir demandé des nouvelles. Sa volonté de rentrer dans le club était connue et comprise, c’était le meilleur endroit pour un soumis pour s’améliorer et son choix de vie était clair depuis plusieurs années déjà.
Couché sur le flanc, sous ses couvertures, il avait dressé sa liste machinalement mais elle n’avait plus grande importance car après tout il avait été invité directement. C’était comme gagner un énorme jackpot, avoir une chance terrible… Même si c’était le moins intéressant des dominants qui lui ouvrait la porte, ça ne changerait rien. Une fois entré et installé, il pourrait progresser et peut-être, lui plaire un jour.
L’acide était de nouveau dans sa gorge lorsqu’il arriva devant la porte du complexe du club. C’était certes moins impressionnant que le grand palais, mais plusieurs étages étaient dédiés à la soumission et aux plaisirs. Ce n’était pas rien du tout. C’était le plus grand club de la région et de loin, mais surtout, le plus réputé. Un soumis lui ouvrit et l’observa un instant.
- C’est pour quoi ?
- Hier, au grand palais, on m’a demandé de venir… à 18h.
- Oh, c’est toi. Tu es en retard.
La réponse le surprit, il avait cinq minutes d’avances et avait jugé qu’en prendre plus serait exactement comme ne pas respecter l’horaire. Le soumis le fit entrer et le guida à travers les couloirs. L’endroit ressemblait à une entreprise i-tech, rien n’indiquait ce qu’il se passait dans les bureaux qu’il croisait et pas le moindre bruit n’en sortait. Ils marchèrent un long moment, évitant les ascenseurs pour prendre les escaliers. Ils grimpèrent jusqu’au dernier étage et marchèrent encore un moment, dans le noir presque absolu, sans faire le moindre geste pour déclencher les lumières, pour finalement rejoindre le centre du complexe. Le soumis ouvrit une porte et lui fit signe d’entrer.
Ses yeux mirent un instant à s’adapter à la luminosité forte de la pièce puis, il les vit.
Plusieurs soumis, nus, étaient agenouillés à différents endroits de la pièce, certains semblaient servir de mobilier. Au centre, sur plusieurs canapés, des hommes discutaient avec passion autour d’une table basse remplie de dossier.
Il remarqua immédiatement Grin. L’homme immense parlait avec animation et force de conviction passant de temps à autre sa main dans ses cheveux noirs, à peine trop long. Sa chemise était retroussée sur ses bras et sans le vouloir, il remarqua immédiatement le tatouage. Deux lignes. Comme l’inconnu qui l’avait rassuré et aidé à redescendre. Juste à côté de lui, un autre dominant possédant des cheveux d’un bleu étonnant s’agitait et au-dessus de son poignet se tenait une pièce de puzzle.
Une partie de son cerveau annonça simplement l’évidence : c’était eux. Et une autre partie, plus raisonnable, lui rappela que les masques pouvaient tout cacher de l’identité, transformer le corps et qu’ils étaient assez connus pour être imité par n’importe qui. Puis Grin les remarqua et se tut, à côté de lui, l’autre homme, son second, Nazer, eut un drôle de sourire en coin et parla tout haut pour énoncer :
- Et bah, voilà ton soumis ! Cerian ! Ne te fais pas attendre, gamin. T’es en retard !
Il baissa les yeux et avança lentement sans savoir ce qui était attendu de lui. Lorsqu’il fut assez proche, il remarqua un dossier à son nom sur la table, sur une petite pile et l’idée même d’être représenté là le perturba.
- Et bien allez gamin. A poil.
Cerian hésita un instant, leva vaguement le regard sur Grin qui le fixait sans dire un mot et il obéit, se dénudant doucement et posant ses vêtements sagement à l’arrière d’un fauteuil où on ne les verrait pas. Il attendit, totalement nu devant leurs regards. Ils étaient cinq, les cinq chefs du club. Sans un mot, Grin écarta les cuisses et ouvrit un bras et aussi simplement que ça, le garçon se glissa tout contre lui, agenouillé au sol. La discussion reprit sans jamais porter sur lui, alors que dans ses cheveux, la main de Grin passait tendrement.
Cerian n’avait pas la moindre idée de comment il avait pu faire une telle chose, mais il avait visiblement réussi à arriver juste là où il rêvait d’être. Quand la réunion s’acheva, les autres partirent et son dominant le hissa sur ses genoux avant de lui demander :
- Tu t’es bien reposé aujourd’hui ?
- Oui…
- Parfait… J’ai vraiment eu très envie de te tester hier. Alors, je crois que je vais le faire.
- Faire quoi ? osa-t-il demander après un instant de silence.
- Je vais te tester comme soumis personnel, cette année. Je crois que je n’ai pas aimé te partager.
Le soumis ferma les yeux, aux anges et se détendit totalement. Grin se prit à sourire. Ce gosse avait craqué sur lui il y a bien longtemps déjà, à un âge où Grin refusait tout contact. En faites, s’il n’avait pas connu son père, il ne l’aurait même jamais croisé. Il avait seize ans alors. Depuis, il attendait, espérant que son envie disparaisse et qu’il l’oublie tout simplement.
Il était au grand palais, en train de jouer avec leurs soumis en extérieur, lorsqu’il avait reçu, à travers son masque une notification. Un droit de consultation venait d’être ouvert. En clignant des yeux, il fit apparaître le dossier, une technologie excessivement chère mais très pratique pour un dirigeant tel que lui. Il s’agissait du dossier comportant le relevé complet des performances d’un jeune et puis il avait vu son nom et il avait compris. Durant tout le temps que ça avait duré, il avait consulté le dossier pour observer les choix du garçon et puis, il l’avait vu apparaître. Il l’avait vu s’offrir, se faire remplir de spermes à en avoir les jambes tremblantes. Tout ça pour lui. Juste pour lui. Comment refuser un tel cadeau ? Il ne pouvait pas.
- Bien, commençons alors. Conclut-il en souriant, amenant le jeune homme à pencher sa tête vers l’arrière pour l’embrasser profondément, lui tirant un gémissement de pure extase.
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