Chapitre 17 - Hésitations
Au réveil, j'ai une sensation bizarre. Quelque chose ou plutôt, plusieurs choses touchent mon visage et mes cheveux. J'ouvre les yeux, je vois floue. Je les referme et recommence. Je vois toujours aussi mal. Par réflexe, je passe ma main sur ma tête et sens comme des morceaux de bois que je m'empresse d'ôter. J'entends des protestations vibratoires au-dessus de ma tête. Orangeade s'envole quand ma main atteint son ventre. Qu'est-ce qu'elle fait là ?
T'ziss est réveillé par mon agitation, il se frotte les yeux et regarde dans ma direction puis explose de rire.
— Quoi ? dis-je énervé.
— Ta copine a fait son nid dans tes cheveux !
— Hein ? Comment...
— Peut-être que mon côté ailé me permet de comprendre, mais aucun doute possible : elle veut faire son nid sur toi. À moins que ce ne soit "il", ce sont le plus souvent les femelles qui préparent le nid mais il peut arriver que ce soit des mâles.
—Tu veux dire que je vais me retrouver avec des oeufs sur la tête un matin au réveil ?
— Aucune idée mais c'est pas impossible.
Il se remet à rire. De mon côté, je suis vexé. Vraiment trop collante cette bête ! Orangeade vient frotter son corps mou contre moi tout en vribrant des notes aigus. Comment résister à cette adorable créature ?
— Oui, je t'aime aussi Orangeade. Mais pas de nid sur ma tête, s'il te plaît.
T'ziss finit par se calmer, Orangeade part faire un tour dehors. Nous nous habillons avant de descendre à la table du petit-déjeuner où un groupe d'hommes et de femmes entourent Vin-cent et Skarosse déjà attablés.
— Ah, bonjour les amis ! La nouvelle du retour de notre Prince s'est répandue plus vite que prévu. La tyrannie du roi actuel en révolte plus d'un qui sont prêts à rallier notre cause pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Si ça continue ainsi dans quelques semaines, peut-être même quelques jours nous pourrons marcher vers la capitale. Le point délicat sera le contournement des Rocheuses. Cela nous fera passer près de la mer avec le risque de croiser le monstre. Mais chaque chose en son temps, venez vous remplir la panse.
Lorsque j'ai fini de goûter à tous les plats présentés par notre hôte et sa femme, j'ai l'impression que mon ventre va exploser. Tout était délicieux et nos bienfaiteurs ont insisté pour goûter chaque plat préparé par l'hôtesse et ses aides-cuisinières.
Pour les remercier, nous passons la journée à aider aux travaux de la ferme : taille des vignes, ramassage des oeufs, soin des animaux... Lisa nous a rejoint et s'occupe des bébés, Chloé arrive plus tard dans la matinée. Malgré sa longue nuit de sommeil, elle ne semble pas du tout reposée. J'aimerais tellement pouvoir la soulager du poids qui pèse sur ses épaules !
Lorsque nous ramassons les œufs des poules faisanes, j'attrape sa main pour lui montrer mon soutien. Elle pose aussitôt son panier et vient m'enlacer. Je reste les bras pendus dans le vide à me demander comment réagir. J'ai une folle envie de la prendre aussi dans mes bras mais j'ai toujours ma Chloé en tête. J'ai l'impression de tromper Chloé avec... Chloé. Cela n'a ni queue ni tête !
— Désolée, dit-elle en reculant, les bras croisés derrière le dos.
— Non, ce n'est pas ça. C'est... C'est compliqué.
Elle fixe le sol.
— Tu as une amoureuse là-bas, chez toi ?
Comment lui expliquer ? Doit-elle savoir qu'une autre version d'elle-même existe, ailleurs ?
Face à mon silence, elle attrape le panier et s'enfuit en courant. J'ai très peur de regretter mes réflexions mesurées qui ont fait fuir ce qui est peut-être la plus belle chance de ma vie.
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