Chapitre 3
« Les gars ! Je crois que j’ai quelque chose. » s’exclama Paul sans relever le nez de l’écran qu’il fixait depuis maintenant plusieurs heures.
Avec Mark et James ils avaient reçu l’ordre de trouver des informations sur June et Madeline les avaient rejoints pour les aider dans leurs recherches. Ces informations permettraient de confirmer leur théorie : elle serait la dernière descendante du cercle. Oscar, le maire, et Ofelia, sa sœur et directrice de l’académie, avait passé dix-sept ans à chercher cette enfant extraordinaire. Ils avaient déjà quelques informations qui les confortaient dans l’idée qu’il s’agissait bel et bien de la jeune femme. Son genre et son âge correspondait aux prédictions de l’Oracle. Il ne manquait plus que l’élément crucial : sa mort. Chaque descendant extérieur au cercle mourrait d’une façon ou d’une autre. Ils pouvaient décéder à des âges divers également. La plus jeune mort enregistrée était celle d’un des descendant de Zeus. Il avait soi-disant guéri miraculeusement d’une leucémie, du jour au lendemain, à l’âge de trois ans. En réalité il avait succombé à la maladie cette nuit-là. C’était de cette manière que les pouvoirs se déclenchaient. Les onze autres descendants qui naissaient au cœur de Talos les possédaient dès la naissance. Les Dieux en avaient décidé ainsi. C’était le sacrifice d’une vie d’avant pour en débuter une nouvelle.
Les trois autres, qui étaient dispersés dans la bibliothèque, rejoignirent Paul devant l’un des deux seuls ordinateurs de la cité. Devant eux s’affichait un article du journal local de la Nouvelle-Orléans. Le gros titre mentionnait « Un grave accident dans le centre-ville ». En dessous apparaissait une photo, montrant plusieurs véhicules de secours. Une dizaine de personne s’affairait autour d’un corps allongé à même l’asphalte. On distinguait seulement une chevelure brune qui ressemblait fortement à celle de June. Le jeune homme fit défiler l’article.
« Ce lundi 12 juin vers 17h30, une jeune femme de dix-sept ans s’est faite renversée sur Bienville Street. Elle s’engage sur le passage piéton quand un poids-lourd, arrivant à vive allure, la percute. Elle fait un vol plané sur un mètre avant de s’affaisser sur la chaussée. Les secours nous ont indiqué qu’elle était en arrêt cardiaque et qu’il fallait la transporter au plus vite. »
Tous les jeunes lisaient en silence en hochant la tête. Paul s’assura que tout le monde ai fini sa lecture avant de déclarer.
« C’est pas tout. Regardez ça ! »
Il cliqua sur un second onglet et un nouvel article apparu, bien plus imposant cette fois-ci.
« Une miraculée au Tulane Medical Center !
C’est en fin de matinée que la jeune femme de dix-sept ans est sortie de l’hôpital. Elle avait été victime d’un accident de la route où un camion l’avait percutée, deux semaines plus tôt. Sa guérison inespérée lui a valu le surnom de « miraculée ». Un médecin a accepté de revenir sur les faits (Pour le bien-être de la concernée nous avons gardé l’anonymat le plus total à son sujet) :
« C’est du jamais vu. Les médecins présents pensaient qu’il était déjà trop tard quand ils sont arrivés sur les lieux de l’accident. Son cœur a mis trente-six minutes avant de redémarrer dans le véhicule de secours mais Mademoiselle X est arrivée à l’hôpital vivante. Elle a plongé dans le coma peu de temps après son arrivée et s’est réveillée trois jours plus tard aux côtés de sa mère. Nous avons craint des lésions cérébrales importantes dues au manque d’oxygénation du cerveau mais il n’en était rien. Elle avait une fracture importante au tibia gauche ainsi que la cheville droite en miettes mais tout a guéri en un temps record. En un peu plus d’une semaine ses blessures étaient résorbées. La rééducation a duré quelques jours. Et exactement treize jours après son entrée, la voilà ressortie, sur ses deux pieds. C’est extraordinaire. A l’heure actuelle, aucun de mes confrères ne sait expliquer une guérison aussi rapide. »
Capacités surnaturelles ou chance inexplicable, personne ne sait comment cette mystérieuse jeune fille a pu en sortir indemne après un accident aussi lourd qui ne laissait aucune chance de survie. Ni la concernée, ni sa famille n’a voulu témoigner pour nos journalistes, mais nous lui souhaitons une excellente continuation et que la chance lui sourit tout au long de sa vie. »
« Eh ben, intervint Madeline à la fin de sa lecture. Si cette fille n’est pas celle qu’on cherche, je ne sais pas qui c’est alors. Personne ne peut sortir aussi vite d’un accident pareil sans intervention divine. Reste plus qu’à savoir si cette June est la fille de l’article… Et pour ça…
— Il faut aller la voir, trancha James en soupirant. Qui vient avec moi ?
— Je pense qu’une présence féminine ne lui fera pas de mal, intervint Madeline. Qui plus est vous êtes tous les trois des rustres. Un peu de douceur sera le bienvenu dans une situation pareille. Allez James, on y va si on veut la croiser quand elle rentre du lycée. »
Le concerné se leva en hochant la tête. Il laissa Madeline passer devant par pure galanterie avant de la suivre.
La route jusqu’à la maison de June avait été plutôt longue. Il avait fallu traverser le bayou, puis se rendre jusqu’au premier transport en commun à pied. De là, les deux jeunes gens avaient dû faire deux changements et finir par cinq minutes de marche. Une fois devant James toqua à la porte mais le silence lui répondit.
« Personne, déclara-t-il. »
Madeline hocha la tête après avoir constaté que la voiture n’était pas dans l’allée. Le blond poussa un soupir et s’assit sur le banc en osier, installé à côté de la porte. Il baissa la tête en regardant ses mains croisées. Il était quelqu’un d’impulsif et de nerveux. Et surtout, il détestait attendre. Il ne porta pas attention à Madeline qui s’était appuyée sur la rambarde face à lui.
« Tu comptes lui dire comment ?
— J’en sais rien. De tous les cours qu’on a eu, je te rappelle qu’aucun ne traitait sur les « Méthodes d’annonce aux descendants extérieurs », soupira-t-il.
— Je sais bien, mais je pensais que tu y avais réfléchi.
— Je l’ai fait. Pleins de phrases sont venus. Mais aucune qui pouvait lui annoncer ça en douceur et de manière compréhensible.
— Bref. Du toi tout craché quoi.
— C’est ça. »
Il rit en relevant la tête pour la regarder lui sourire. Il perdit toute trace de joie et son visage blêmit quand il vit une tête brune arriver au loin. Il se leva brusquement et perdit tous ses moyens. Son amie leva les yeux au ciel en souriant avant de lui donner un coude de coude.
« Laisse-moi faire, lui chuchota-t-elle. Hey, salut June, reprit-elle plus fort en souriant et adressa un signe de main à la jeune femme.
— Je peux savoir qui tu es ? Parce que lui, même si je l’ai déjà vu, je ne le connais pas. Mais toi je ne t’ai jamais vue.
— Je m’appelle Madeline. Je suis une amie de James. Et on est là parce qu’il y a un truc important dont il faut qu’on te parle.
— Ah, le fameux truc dont personne n’a voulu me toucher un seul mot hier ?
— Euh oui, c’est ça. On peut entrer ?
— Laisser entrer des inconnus, qui ont l’air complétement tarés, chez moi ? Non merci, on va rester là.
— D’accord, si tu veux… Avant de t’expliquer on a une question. Et ta réponse joue pleinement sur ce que l’on va te raconter… »
June fronçait les sourcils et Madeline dansait d’un pied sur l’autre sans savoir comment aborder le sujet. James, qui était resté silencieux, les regardait tour à tour et poussa un léger grognement avant de reprendre :
« Il y a un article qui est paru sur une jeune femme. Une miraculée -June grimaça- qui aurait survécu à un accident. Elle aurait été percutée par un poids-lourd. Cette jeune femme c’est toi, n’est-ce pas ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles. Et dans tous les cas, comment pourrais-tu savoir que c’est moi ?
— June, c’est crucial que tu nous dises la vérité. J’ai reconnu ta couleur de cheveux sur les photos de l’accident. Et si c’était bien toi, ça veut dire que ça -il pointa la marque sur son épaule- ce n’est ni une tâche de naissance, ni une cicatrice et encore moins un tatouage. »
Le silence pesa pendant un long moment. Le regard de June allait de James, que ne la lâchait pas des yeux, à Madeline, qui regardait tantôt ses pieds, tantôt les arbres alentours. La brune finit par lâcher son sac à côté du banc et s’assit en abdiquant.
« Oui c’était moi. Qu’est-ce que ça change ?
— Tout. Ce que tu as sur l’épaule c’est une marque. »
June partit d’un éclat de rire alors que les deux la regardaient les yeux écarquillés.
« Voilà, j’ai bien voulu vous faire confiance et en fait vous êtes juste bons à interner. Mais dis-moi, vous êtes combien dans votre délire ? Toi, deux hier et elle aujourd’hui. Ça fait déjà quatre, c’est beaucoup quand même !
— C’est parce que ce n’est pas un délire June. Laisse-nous t’expliquer. Quand on aura fini, si tu ne nous crois pas, on partira et tu ne nous reverras plus. » lui répondit le blond avec sincérité.
Il la regardait avec attention et vit l’hésitation dans ses yeux. Il espérait qu’elle voudrait bien les écouter et surtout les croire. Sans elle c’était foutu. Il y avait eu un seul cercle incomplet où le descendant n’avait jamais été trouvé. Et ç’avait été le chaos le plus total. Les pouvoirs des uns et des autres s’étaient mélangés, la discorde avait régné sur tous les descendants, un avait dû être enfermé pour folie, deux autres avaient assassiné des habitants de Talos. Malgré les offrandes et les prières aux Dieux, rien n’y avait fait. Alors il était plus qu’essentiel que June rejoigne le cercle. Celle-ci finit par reprendre la parole :
« Je vous écoute. Même si je sens que ça va être farfelu.
— Et encore, tu es bien loin de la vérité. Ça l’est tellement que je ne sais même pas par où commencer.
— Par le début, c’est quoi cette « marque », demanda-t-elle en mimant les guillemets.
— Cette marque c’est le signe que tu es la descendante extérieure du cercle. J’ai hésité quand je l’ai vu car ça pouvait être, comme on l’a dit, un tatouage…
— Attends. Descendante de qui ? Et c’est quoi ce cercle.
— Ok… Bon. Nous sommes au total douze descendants. Onze sont nés à Talos même. Et une seule, toi, est née ailleurs. Nous le savons parce que nous ne sommes pas le premier cercle. Il y en a eu beaucoup avant nous. Et ce nombre douze, dans tes cours d’histoire, ça ne te dit rien ? »
Elle réfléchit longuement, passant de la Seconde Guerre Mondiale à la Guerre de Sécession puis à l’histoire de France mais rien ne lui vint. Elle secoua la tête en haussant les épaules et James reprit :
« Les douze dieux de l’Olympe. »
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