Le Ricaneur Grandiloquent

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- Et donc, Docteur Sanchez, cette machine permet de voyager dans le temps ?

- Seulement le futur. Les futurs en fait, ou plutôt des futurs. Des futurs potentiels si vous préférez.

- D'accord, et pourquoi pas dans le passé ?

- Parce que tout le monde bosse dessus, c'est la hype. Mais personne ne veut visiter uniquement le futur. Les gens préfèrent croiser leurs ancêtres et mettre à l'amende Sylvia Browne. Alors que le futur, ça offre bien des possibilités, vous ne croyez pas ?

- Je suppose... Que dites-vous dans ce cas à tous les historiens qui estiment qu'on ne peut avancer dignement ou évoluer sans connaître son passé ?

- Est-ce que... c'est une plaisanterie ou une question piège pour votre feuille de chou ?

- Non, non... Enfin, pour tout vous dire Le Ricaneur Grandiloquent n'est pas trop dans ce genre d'interview très formelle. Surtout moi, c'est à peine si je sais faire une règle de trois, alors le voyage dans le temps quantique, vous pensez bien que ça me passe bien au-dessus de la tête.

- C'est exactement pour cela que je vous ai choisi et non ces requins de Science et Vie, trop chers, optimistes et pingres question nombre de mots. Vous faites parfaitement l'affaire.

- Si vous le dites.

- Et pour répondre à votre question, je pisse dans la bouche des encroûtés qui pensent de la sorte. Le passé, ça va un moment, mais maintenant on aime bien l'altérer à coups de boulonneuses. C'est dire ce qu'on en pense. Alors qu'avec le futur, on peut anticiper, faire de la rétro-ingénierie, éviter des catastrophes et mettre l'ONU le nez dans sa barquette de merde.

- Comme vous y allez...

- Et comment ! Je reviens de différents futurs et je peux vous dire que c'est pas jojo. A présent, vous voulez y jeter un œil ou causer philo pour les 20 dernières minutes qu'il nous reste ?

- Quoi, maintenant ?

- Vous êtes sourd, danois ou simplement con ? Oui, maintenant ! On n'a pas toute la nuit, ni vous un essai à rédiger ! Chang ? Où est-ce que ce crétin est encore passé ?

- Je être présent, manitou.

- Ah parfait ! Monsieur... j'ai oublié votre nom...

- Manitou, David Manitou, mais vous pouvez m'appeler David.

- D'accord. Monsieur Manitou, Chang. Chang, David.

- Aloha, O vwa vwaf sna ?

- Quoi ?

- Faites pas attention à ça. Je l'ai ramené avec moi d'un futur... potentiel. Pour la science bien sûr. Les langues, là-bas, ont sacrément disjoncté. D'ailleurs, il n'en reste qu'une. Celle que vous venez d'entendre.

- Oh merde !

- Comme vous y allez... Suivez-moi, les portails sont par là.

- Boobasnot.

- Il a dit quoi ?

- Aucune idée. Je vous l'ai dit, ne faites pas attention. Niveau langue, c'est zéro, par contre question maths, c'est Einstein au carré. Nous y sommes.

- Nom d'un chien ! C'est quoi ça ?!

- Je vous le répète, des portails. Vous êtes con ou vous le faites exprès ? Je vous laisse choisir. Donc vous avez devant vous trois futurs. Les seuls que j'ai réussi à stabiliser, il faut dire que vu le niveau, c'était pas trop compliqué.

- Comment ça stabiliser ?

- Inutile de vous expliquer, vous ne comprendrez rien. Disons juste que stabiliser un noeud quantique demande une somme d'énergie colossale, que suivant la réalité, la stabilisation est plus ou moins délicate et que je ne suis pas du genre patient. C'est d'ailleurs comme ça que j'ai perdu Kim.

- Qui était Kim ? Votre femme ?

- Non, mon précédent assistant. Le portail n'a pas tenu le choc et il est resté coincé de l'autre côté. Ou il est mort, je ne sais pas.

- Attendez, vous voulez dire que je peux crever en passant à travers vos trucs-là ?

- Crever, non. C'est sans risque, au pire vous perdrez trois tailles de tissus sur votre calcif, mais vous mourrez pas. Par contre, je ne vais pas vous cacher qu'en cas d'instabilité, il y a toujours une possibilité de se retrouver coincé dans le futur.

- Ou mourir.

- J'en sais rien, je ne suis jamais resté bloqué de l'autre côté. Peut-être, peut-être pas. Qu'est-ce que j'en sais ?

- Comment ça, "qu'est-ce que j'en sais ?" ?! Vous êtes un scientifique, oui ou non ?

- Quel éclair de lucidité vous avez là. Toute découverte s'accompagne de risque.

- Benzi chibna looble bazebni gweb...

- Hein ?

- Très juste. Bon, vous y allez ? Ou nos mots vous ont suffi ?

- Vos mots ? Non, mais attendez, après ce que vous venez de me dire, vous croyez quand même pas que je vais risquer ma vie pour m'aventurer dans vos trous de vers ?

- Oui. Et ce ne sont pas des "trous de vers", mais des failles spatio-quantiques catalysées en Spin sur R². Maintenant, choisissez.

- Deesh, deesh, deesh, firbs !

- Je vous jure, si vous vous foutez de ma gueule, on va vous faire un retour bien salé sur votre pomme.

- Appla ? Kooj !

- A votre guise. Chang, on remballe.

- Non, mais attendez, attendez ! J'ai pas dit non... mais j'ai pas dit oui non plus.

- Mais décidez-vous à la fin ! On va pas rester là à se regarder en chat de faïence pour le reste de l'interview. Prenez cette montre, un portail et quand elle sonnera, revenez, le portail s'ouvrira à l'endroit où vous en serez sorti. C'est tout. Je peux vous garantir qu'en dix minutes de temps il ne vous arrivera rien.

- Vous me le jurez ?

- Certainement pas. Pas ici, ni maintenant. Je vous le garantis, c'est tout, d'autant que vous en mourrez d'envie.

- Euh... pff... oui. C'est vrai, maintenant que je vois votre... assistant, je suis vraiment curieux. Je veux voir.

- Qu'est-ce que je disais. C'est le futur potentiel numéro 3. Allez-y.

- Euh... et les autres ?

- Le premier est l'exact opposé et le second... j'ai pas trop compris. C'est plat, chiant et gouverné par une nouvelle brochette d'incapables. Enfin, vous choisissez, je suis pas plus votre mère que votre supérieur.

- Il faut que je mette quelque chose en particulier ?

- Pourquoi ça ? Non, gardez votre jean, votre maillot de dealer, vos écrase-merdes et passez le cap, mon vieux Manitou.

- Manitou ? Trololo... renato ! Renato !

- Il se fout de ma gueule, là ?

- Oui. Vous avez mis le temps. Alors, vous allez où ?

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