Une histoire de vérité et de machination
LE COUCOU INSOUMIS
BELLEVILLE TREMBLE !
Hier soir, un drame terrible est survenu dans le XXe arrondissement. Alors que Paris s’assoupissait, une réserve du géant Mulesec s’est retrouvée la cible d’une attaque terroriste dans le quartier de Belleville. Deux explosions rapprochés ont fait sauter l’entrepôt, entouré d’immeubles résidentiels.
Notre envoyé sur place fait état d’un règlement de comptes entre gangs rivaux. Certains témoins interrogés parlent même d’une violente fusillade et d’une prise d’otage. Monsieur Appell* témoigne ainsi :
“Il faisait noir, on voyait pas grand chose ma femme et moi, mais on n’a pas pu rater les exposions. Ah ça non ! C’est comme si d’un coup il s’était mis à faire jour. Pfouf ! Comme ça ! Et puis il y avait les coups de feu. Bang bang que ça faisait, comme dans les films ! Mais oui c’était terrifiant.”
Les autorités sur place se sont refusées à tout commentaire Alors simple règlement de comptes ou machination de grande ampleur ? Pour l’heure, aucun élément ne peut éclaircir l’origine de ce dramatique événement, mais une chose est sûre : les jours qui viennent seront tout sauf apaisants à Belleville où nous le rappelons, les chiffres de criminalité sont en hausse depuis plusieurs mois. Que fait donc l’Etat ?
Nous nous tiendrons informés de toute évolution dans cette enquête. Pour être sûr de ne rien rater, souscrivez à notre abonnement pneumatique pour seulement cinq couronnes hebdomadaire, annulable sans condition.
*Patronyme changé pour des raisons d’anonymat
Richard Caron
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LE RICANEUR DÉSINVOLTE
ÉDITION SPÉCIALE
LA MARIÉE ACCOUCHE A L’HÔPITAL
Voilà ce qu’on appelle un démarrage explosif ! Hier après-midi, la cérémonie battait son plein. Les nouveaux époux avaient échangé leurs vœux, le repas était excellent, le ponch des plus étourdissants. C’est au moment de la pièce montée qu’eut lieu l’incident.
En effet, Miss Auvray, enceinte depuis plusieurs mois, s’est soudain sentie prise de vertige. Quelques minutes plus tard, elle perdait les eaux sur les pieds de sa belle-soeur. Elle fut conduite immédiatement aux urgences où le chirurgien la reçut sans attendre. Une demi-heure plus tard, elle accoucha prématurément de charmantes jumelles et termina la soirée entourée de sa famille, ses amis, sa nouvelle chambrée et tout le personnel de la clinique.
Tout est bien qui finit bien, sauf pour la robe, sacrifiée durant l’opération.
Christian Manitou
COUP DE SURIN POUR LA PRESSE
Rien ne va plus à Paris ! Hier, 13h, plusieurs navettes ont embouteillé les tubes des rédactions parisiennes. Dans chacune d’elle, une note adressée à tous les soldats de la plume. Les mots étaient clairs, froids et directs : 300 000 couronnes, notre liberté expression et notre coopération ou Notre-Dame part en fumée.
Les auteurs : L’Ordre du Poulpe de Cuivre et les Glaives, retranchés dans une réserve de toute évidence abandonnée par son propriétaire Mulesec ou dédiée à des fins plus que douteuses dans le quartier de Belleville, ainsi que plusieurs témoignages du voisinage l’attestent.
Cette menace aurait pu devenir réalité, si un sauveur n’était pas venu à notre rencontre. Elle défraie la chronique depuis plusieurs mois, nous parlons bien sûr ici de la Chouette de Novembre, qui a tiré un trait sans doute à jamais sur ces deux groupuscules.
Malheureusement, Belleville s’est retrouvée secouée comme jamais. La réserve est partie en fumée et a manqué de propager un incendie monstre dans le tout quartier. Nous ne pouvons que condamner la violence de ces actes, cependant sans elle, Paris se serait réveillé fragilisé, privé de dignité et de nouveau sans un de ses symboles historiques.
Alors, au nom de toute la rédaction du Ricaneur, ainsi que de la presse entière, nous remercions son implication et appelons l’Etat a davantage prêter l’oreille aux affaires internes de sa nation.
Philibert Kessel
LE FIGARO
Édition matinale
PARIS MEURTRI
Ce matin, Paris s’est réveillé meurtri. La veille, une attaque commanditée par l’Ordre du Poulpe de Cuivre et les Glaives, a ciblé notre liberté d’expression, nos soldats de la plume. Plusieurs navettes ont bouché les tuyaux pneumatiques de toutes les rédactions parisiennes. Implacable, on nous demandait 300 000 couronnes, notre liberté et notre silence. Dans le cas contraire, Notre-Dame menaçait d’être détruite et des proches de bien des journalistes d’être exécutés.
Mais nous n’avons pas cédé. Après concertation avec les autres rédactions, nous avons contre-attaqué et délogé avec force d’ingéniosité ainsi qu’une partie des autorités, les terroristes retranchés dans le quartier de Belleville, au sein d’un entrepôt détenu par l’entreprise Mulesec. Malheureusement, dans le chaos des événements, les autorités n’ont pu empêcher la destruction de l’entrepôt.
Par chance et prévoyance de la part de nos gardiens de la paix, le quartier a été évacué avant l’opération dite Cormoran. Aucun blessé n’est à déplorer et Paris peut maintenant dormir sur ses deux oreilles, débarrassé enfin des malfrats tentant de mettre notre belle et puissante nation.
Retrouvez plus de détail sur l’incroyable courage du capitaine Poiriet en page 7.
Markus Zébret
LE COUCOU INSOUMIS
Édition de Midi
GUERRE DE CLANS DANS LA PRESSE
Alors que l’enquête des explosions criminelles à Belleville suit son cours, nous apprenons sidérés que nombre de collègues se sont retrouvés entrainés dans les rouage d’une sombre affaire de chantage. Sans mettre en doute les paroles du prestigieux Figaro, nous tenons à souligner que nous n’avons à aucun moment entendu ou vu être adressé pareille machination.
Mais ce n’est pas tout. 300 000 couronnes ou Notre-Dame partait en flamme et des familles entières prises en otage se voyait périr. Nous saluons le courage du Figaro et de ses confrères qui ont su tous restés droits, intègres et courageux dans cette sombre affaire.
Tous ? Non, Le Ricaneur Désinvolte, grand habitué des faits divers et scandales à la petite semaine, apporte une toute autre version. Nous retrouvons certes les menaces à l’encontre de la presse et la rançon, mais nulle part n’est fait mention de quelconques otages. Pas la moindre, de même pour le succès de l’opération Cormoran, dirigé par le Capitaine Poiriet et sa brigade la nuit dernière.
En revanche, on y vante sans scrupule les attaques de la Chouette de Novembre, ce justicier anonyme sévissant dans les quartiers populaires depuis plusieurs mois. Pire, voilà que les chroniqueurs fantasment des activités prétendument illégales dans l’entrepôt de Mulesec, sur la base de querelles de voisinages.
Tout est bon pour attirer les lecteurs. Ne vous y trompez pas, chers abonnés et nouveaux venus. Pour ne rien rater du développement de cette affaire, nous vous rappelons que vous pouvez souscrire à notre abonnement pneumatique pour seulement cinq couronnes hebdomadaire, annulable sans condition.
Richard Caron Jr
BOULE D’OR FAIT SON GRAND RETOUR
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BOULE D’OR
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LE RICANEUR DESINVOLTE
ÉDITION DE LA MI-JOURNÉE
LE BAL DES INCOMPÉTENTS
À l’attention des lamentables oiseaux de LCI, nous tenons à souligner que vous êtes les seuls dans toute la presse parisienne à être parfaitement étrangers à l’affaire Belleville. Et pour cause, les terroristes s’en sont pris aux journalistes et non aux amateurs que vous êtes depuis votre auto-consécration dans le journalisme français. Vilipendez-nous tant que vous voulez, nous au moins menons de vraies enquêtes, pas répéter sans vérification la moindre rumeur. Nous sommes financés par nos donateurs et ne démarchons pas nos lecteurs à coups d’abonnements, de publicités ou de gros titres racoleurs. Enfin, nous disons les choses telles qu’elles sont, quitte à déranger votre principal actionnaire, Manuel Mulesec, lequel possède 73% des actions de votre feuille de chou.
Egalement nous nous adressons, ici, par lettre ouverte à la rédaction du Figaro et son rédacteur en chef Jérôme Zébret, ainsi que son fils incompétent. En effet, des proches de toutes les rédactions menacées dans cette ténébreuse affaire ont bel et bien été retenus en otage. Nous avons tu cette information par respect pour elles et le traumatisme qu’elles ont dû traverser. Une décision que nous n’avons pas prise seuls, puisque toutes les rédactions parisiennes ont signé une clause de confidentialité, y compris le Figaro. Par transparence et recherche permanente de la vérité, vous trouverez donc en page quatre, l’intégralité de la clause signée par les directeurs de publication, avec leur accord, excepté celui du Figaro qui semble avoir déjà envoyé le sien par la fenêtre.
Par ailleurs, nous maintenons nos propos quant à l’intervention de la Chouette de Novembre, qui a accompli non seulement son devoir d’honnête citoyen, mais en plus fait ce que les autorités, toutes absentes et totalement inconscientes de cet événement, contrairement aux propos de Markus Zébret, auraient dû faire, à savoir : mettre un terme aux agissements de ces groupuscules criminels. De fait, ni l’Etat, ni les forces de police ne sont intervenus durant le drame survenu à Belleville la nuit dernière. Pire, le capitaine Poiriet n’était même pas en service, mais dans le cabaret du Paradis Rouge, où il y occupe un poste de vigile à temps partiel. Nous vous invitons à consulter l’article d’un des chroniqueurs et témoins en page six.
Ces éléments mis à plat, nous présentons également nos excuses à tous les habitants du quartier, menacés par la fusillade et l’incendie, et qui n’ont pu être évacué devant la brutalité des événements. Afin d’éviter toute représaille ou attentat analogue, nous avons adressé une missive à l’intention du Haut-Président, qui n’a pour l’instant pas donné suite.
Comme à notre habitude, nous vous tiendrons au courant de l’avancée tant de l’enquête, que des conséquence de ce tragique événement.
Philibert Kessel
LE FIGARO
Édition du soir
LE RICANEUR JOUE LES HÉRAUTS DU PEUPLE
Nous pensions que nous pouvions compter sur l’unité nationale au vu des événements récents, mais il semble que cela soit impossible. En tout cas pour le Ricaneur Désinvolte à qui il prend d’un seul coup l’envie de nous attaquer, nous, des victimes de cet attentat terroriste et oser diffamer nos propos. Nous n’avons fait que transmettre la vérité. Sans doute ne plaît-elle pas à un petit journal d’extrême-gauche, pour qui la moindre tournure maladroite est synonyme de conspiration.
Non, le capitaine Poiriet ne prenait pas du bon temps au Paradis Rouge. Mais peut-on en dire autant de M. Verne, dessinateur à l’imagination débridé envoyé sur place pour on ne sait quelle raison et qu’une jeune artiste a surpris dans sa loge en compagnie d’un individu scabreux ? Nous ne le saurons sans doute jamais, puisque notre parole est vouée à la diffamation constante.
Non, nous n’avons pas signé de quelconque clause. C’est à la lecture de cette soupe faussement journalistique que nous avons appris son existence. La signature qui apparaît dans Le Ricaneur Désinvolte n’est pas la mienne, ni représentative de la rédaction du Figaro. C’est une fausse. Nous allons porter plainte pour diffamation et manipulation malveillante.
Également nous condamnons leurs propos tenus à l'égard de Manuel Mulesec, honnête homme d’affaires français et propriétaire de l’entrepôt emporté par les flammes. Ce bâtiment servait à stocker le surplus de stock de féculents de son entreprise et non à quelque obscure tractation mafieuse inventée par Le Ricaneur sur la base de témoignages construits de toute pièce. En effet, personne dans le voisinage n’a entendu de parler d’un quelconque incident dans les parages. De plus, une enquête récente d’un de nos reporters en page quatre infirment les “témoignages” entendus.
Enfin, nous nions toute implication de celui qui se fait appeler la Chouette de Novembre dans cet attentat. Nous maintenons notre version et espérons que le peuple français saura différencier la calomnie de la vérité.
Jérôme Zébret
LE RICANEUR DÉSINVOLTE
ÉDITION DE MINUIT
LE FIGARO FAIT SA DERNIERE NOCE
La rédaction et moi-même, Philibert Kessel, revient une dernière fois sur les événements survenus il y a maintenant un peu plus de 24h.
Mardi 17 Novembre, à très exactement 13h, les rédactions parisiennes ont reçu plusieurs navettes de la part de L’Ordre du Poulpe de Cuivre et des Glaives. D’abord, nous était demandé 300 000 couronnes et nos productions journalistiques. En cas de refus, des proches de différents membres des rédactions allaient être froidement assassinés dans la solitude du quartier de Belleville. Ensuite, une autre missive nous a clairement indiqué une menace de plus grande ampleur : c’en était fini de Notre-Dame s’il nous prenait l’idée d’aller quérir l’aide d’autorités compétentes. Aucune charge explosive n’a toutefois été retrouvé sur la mythique cathédrale parisienne. La police n’exclut pas un coup de bluff de la part des deux groupuscules, que l’on sait affaiblis par la guerre Franco-Hongroise.
Nous allions payer, quand la Chouette de Novembre est venue à notre rencontre, ou plutôt à la rencontre de chaque membre de chacune des rédactions. Nous avions tous bien cru que les conduits allaient imploser en raison de la surcharge de capsules reçues. La Chouette connaissait le lieu, le nombre de ravisseurs et avait un plan pour les faire tomber. Nous avons coopéré avec elle et elle seule. Nous tairons les détails de l’opération effectivement baptisée Cormoran, qui a conduit à la destruction de l’entrepôt et du départ d’incendie, causé en partie par la présence de gaz Zöld détenu par Victor Lùtair, criminel à la tête des Glaives et décédé durant cette opération.
Les otages ont pu être ramené chez eux et le voisinage évacué. La police a ensuite, et seulement ensuite, pris la relève. Nous demandons donc, au nom du comité des victimes formé cette après-midi, à l’Etat de verser une indemnité pécuniaire aux personnes touchées par ce dramatique incendie.
Egalement, nous demandons l’ouverture d’une enquête approfondie quant aux différents biens immobiliers de M. Mulesec, troisième personnalité la plus fortunée du pays, notamment actionnaire majoritaire chez Le Coucou Insoumis, Le Figaro et Le Bien Requis, qui ont tous accouru à sa défense, sitôt des soupçons posés quant aux attroupements formés à la nuit tombée dans ses locaux, prétendument réservés au surplus de stocks. Nous avons reçu et recueilli une vingtaine de témoignages glaçants de voisins proches.
Tous ces éléments ont été transmis au Ministère de la Justice, ainsi qu’au Haut-Président, dont nous attendons toujours la réponse.
Enfin, vous trouverez dans la présente édition de Minuit, une copie de toute cette investigation, obtenu à travers un devoir d’enquête journalistique rigoureux, ainsi qu’à certains apports fournis par nul autre que la Chouette de Novembre. Bien que ses méthodes soient hautement contestables, nous la remercions pour son implication, sans qui cette enquête n’aurait sans doute jamais eu lieu au vu des événements récents.
Et finalement, il y a vous. Lecteurs, curieux, lanceurs d’alerte, victimes, témoins, bref français et citoyens du monde qui nous soutiennent et sans qui, nous n’existerions pas. Merci pour votre soutien et que la vérité triomphe de l’adversité.
Philibert Kessel
Illustration par Jean-Louis Verne
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