2.
Voyant le scientifique hésiter, Imo se rappelle tranquillement à lui en l’entraînant vers l’ascenseur.
- Allez, vous l’avez dit vous-même, on n’a pas toute la nuit.
Sanchez sursaute et manque d’envoyer bouler son compagnon d’un tir impulsif.
- Nom de… Ne refaites jamais ça, sombre imbécile.
- Ou quoi ? C’est pas comme si je risquais quelque chose…
- Vous non, moi non plus d’ailleurs. Ce n’est pas pour autant que j’ai envie de rameuter toute la sécurité ici.
- Pas faux, je suppose. En ce cas, prenons cet ascenseur monseigneur.
Sans laisser le temps au scientifique de répondre, Imo presse le bouton d’appel, poireaute quelques minutes silencieusement, se contentant de sourires entendus, dont seul lui en connait la portée, jusqu’à ce qu’enfin, les portes s’ouvrent. Les deux hommes pénètrent à l’intérieur, non sans un léger regard en arrière côté homme de science.
Bah ! C’est pas comme si la branche électromagnétique composait foncièrement une place de choix dans son paysage d’intérêts…
Sur l’une des parois en imitation bois encadrant les larges portes coulissantes, la commande d’étage ne nécessite aucun badge ou tout autre dispositif de sécurité. Une chance. Imo presse le bouton le plus bas, sobrement intitulé : G. A combien de mètres, voire de kilomètres s’étend cet endroit. Même Sanchez ne saurait le dire. Toujours est-il qu’à l’instant où les portes se ferment, le scientifique entraperçoit quatre silhouettes émergées du couloir qu’il hésitait à emprunter. Peut-être que la décision d’Imo n’est pas si mauvais que ça au final, quoiqu’il se garde bien d’en faire part à l’intéressé, occupé à siffloter une mélodie discordante.
L’ascenseur commence à descendre à une lenteur sidérante, haletant quasiment pour supporter sa cargaison mal embouchée. Bientôt, un silence d’abord inconfortable, puis banal s’installe. De fait, Sanchez oublie rapidement la présence de l’autre occupant pour se concentrer sur des pensées algorithmiques qui ne concernent que lui. Aux abords de la lettre C, la descente ralentit pour finalement s’immobiliser complètement.
- On va avoir de la compagnie, ne peut s’empêcher de prononcer Imo, faisant à nouveau sursauter Sanchez.
Le scientifique n’a pas l’occasion de lui prodiguer une pique de son cru, que les portes s’ouvrent déjà. Un jeune homme, nageant dans une blouse aussi large que lâche, s’engouffre à l’intérieur. Sanchez l’observe, haussant les sourcils. Mine de biche inquiète, lunettes je-sais-tout double-foyer, mains tremblantes tirant nerveusement sur les plis disgracieux de sa casaque davantage jaune pisse que blanche… Au mieux, un stagiaire en quête d’un apport caféiné pour son tuteur, lassé de l’avoir dans les pattes.
Sanchez connait ça. Une des raisons pour lesquelles il a tiré un trait sur l’université vient de là. Trop de mouches à merde, pas foutues de faire une règle de trois, mais jouant les Sweeney Todd lors des travaux anatomiques. Raison également pour laquelle, il marque sa consternation d’un souffle bruyant à la vue du nouvel occupant.
Ce dernier lui lance un regard en coin, avant de détourner la tête ou plutôt l’incliner pour fixer ses pompes de sécurité d’un blanc délavé et presser la lettre F. Un nouveau silence s’installe, bien plus gênant que le premier, mais que Sanchez n’a pas la moindre attention de briser (5), au contraire d’Imo, ne serait-ce que pour faire tressaillir le jeune homme (14).
Conscient subitement de la “menace” que pourrait représenter la décision de l’immortel ou la réaction du stagiaire, Sanchez en vient presque à envisager d’entamer un semblant de discussion (22).
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