18.
L’épigénéticien presse le bouton d’arrêt d’urgence. L’ascenseur s’immobilise en chuintant. Le jeune homme se tourne ensuite vers Sanchez, les yeux en point d’interrogation, la mine un brin chafouine.
- Qu’est-ce qui se passe en bas ? demande-t-il d’un petit filet de voix en se rapprochant.
- Je ne peux pas vous répondre, répond Sanchez aussi placidement que son mépris des convenance le permet.
- Tout le monde est en effervescence, continue l’assistant, comme si Sanchez n’avait pas prononcé un mot. Le Professeur Joult est dans tous ses états, je ne l’ai jamais vu agir ainsi.
- Même le Professeur Joult ? s’étonne Sanchez, retenant de justesse une moue sarcastique.
L’assistant hoche la tête avec frénésie. Il bat des mains, les frotte, fait presqu’un tour sur lui-même en jetant des regards sur les parois, glissant totalement sur la présence d’Imo adossé bras croisé sur celle du fond. Enfin, il reprend :
- Oui ! On parle même de révolution et de nouvel an 0. Il y a quelque chose de gros qui se prépare, c’est moi qui vous le dis.
- Ouais, c’est vous qui le dites, ouais.
- Mais ça m’énerve ! s’enflamme-t-il ignorant le sarcasme de Sanchez. Il y a que les pontes qui savent ce qui s’trament. Ils arrêtent pas de défiler depuis une bonne demi-heure. Cassana, une collègue à moi, jure avoir entendu dire que la présidente est en chemin, voire déjà au réacteur.
- Effectivement.
Le jeune homme s’interrompt et le regarde. Sanchez a la furieuse impression d’y déceler un début d’arrière regard suspicieux. Sa main enfoncée à l’intérieur de sa blouse, accélère son frotti-frotta contre le canon.
- Donc c’est vrai ? murmure l’assistant après un blanc. Saperlotte… Si la harpie est ici…
- Surveillez votre langage ! tonne soudainement Sanchez sans raison autre que de brutaliser, au moins verbalement, son interlocuteur. Nous parlons de la présidente, pas d’une femme de ménage, alors changez de ton !
L’assistant se recroqueville, protégeant son crâne de ses mains moites en bafouillant des excuses à la manière d’un enfant surpris en pleine chiromanie. Exquis spectacle pour Sanchez, qui pousse un nouveau reniflement dédaigneux. Compte tenu de cette réaction épouvantée, le scientifique s’autorise à penser qu’il ne risque pas grand chose avec ce type.
Il le laisse se redresser afin de se redonner un minimum de contenance, malgré son regard fuyant et son menton tremblant (3), quoique l’envie soudaine de prendre les devants gratouille furieusement le grand intestin du scientifique (25).
Sinon, il peut toujours lui tirer dessus. Il faut dire que plus Sanchez pose les yeux sur ce marmot, plus l’envie de faire parler la poudre, ici un souffle énergétique, chatouille au moins avec autant d’intensité sa main planquée dans sa blouse (10bis).
Annotations