23.
Ils n’ont pas eu à attendre longtemps. Une poignée de secondes plus tard, douze tout au plus, les portes s’ouvrent sur un petit hall crayeux, parfumé à un mélange douteux d’éther, de javel, de chlore et d’isoeugénol. Personne en vue et heureusement. Le spectacle d’un scientifique au regard incendiaire, une main dissimulée dans les méandres de sa blouse tachetée, devant un autre chercheur étendu, lui, sur le sol, la nuque un peu trop flexible, aurait rameuté tout un bataillon d’Extents.
À la place, Imo sort et fait le tour des différents accès. Laboratoire, salle de test cryogénique, laboratoire, salle de stockage et enfin, toilettes. Des toilettes femmes d’ailleurs, mais peu importe. Il retourne à l’ascenseur, hisse le corps mollasson sur une épaule et va le porter à l’intérieur, pour le déposer comme un vieux sac à patates, la tête dans la cuvette d’un cabinet. Sur un coup de pot, on pourrait vaguement penser qu’il s’est brisé la nuque de lui-même en glissant… Non qu’il soit pour autant mort !
Par souci des détails, Imo arrose le sol de quelques gerbes d’eau, puis se relève pour admirer son travail de sagouin. Il n’y a pas d’autres mots. Un esprit pragmatique qui viendrait se soulager ici, remarquerait immédiatement le pot aux roses. Généralement cependant, le pragmatisme a tôt fait de se faire la malle à la vue d’un hypothétique macchabée. Il est probable que le ou la dénicheuse incontinente, ira même jusqu’à déranger le décor pour porter secours. Peut-être même ira-t-elle jusqu’à se découpler les dents en glissant sur le sol.
Au final, c’est peut-être du bon boulot. Qu’est-ce qu’Imo en sait après tout ? Il est expert en investigation pas en dissimulation, non qu’il ait déjà eu à procéder à ce genre de magouille, mais l’histoire est bien trop longue pour s’étaler ici. Il a à faire.
Avant de regagner l’ascenseur, il jette un dernier coup d’oeil embrasé en direction d’Emeryx. Il s’en sortira. Paralysé, mais il s’en sortira. Par contre, il devra faire une croix sur sa carrière et aussi sur cette foutue ville. Ainsi privé de ses ambitions, il…
Imo secoue la tête.
La vérité n’est pas toujours bonne à prendre. La voir au quotidien, pèse par moment sur la conscience, non que la sienne soit très lourd, malgré son siècle bien tapé.
Sur le chemin, il est tenté d’avaler une solution d’hydroxyde de sodium ultra oxygénée pour remettre les pendules à l’heure de Sanchez et arrêter de le surprendre passé chaque blanc de cinq secondes, mais il se ravise. Sa fragile présence risque d’être de plus en plus utile à mesure qu’il s’enfonce dans les méandres de la terre. En outre, où serait le fun, sinon ?
- Fait, annonce-t-il une fois retourné s’adosser dans la cabine. On continue notre descente maintenant ? (6)
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