Trop belle pour être honnête
À la recherche des chapitres perdus.
Partie 5
Trop belle pour être honnête.
Un soleil de printemps recouvrait de ses rayons pâles le centre-ville de Mont-de-Marsan. Le zénith approchait, entraînant à sa suite une faune avide de lumière. La vie s’affairait. Un flot ininterrompu de passant déboulait de l’étroitesse des ruelles, inondant les terrasses des bars. Le blanc limé et la bière coulaient, obligeant les garçons de café à redoubler d’effort afin de satisfaire leurs clients. Fred était l’un d’eux. Il s’abreuvait goulûment pour contrer la chaleur naissante. Sa Bretagne et son air vivifiant lui manquait. Ses Kouing amann aussi. Jamais il ne l’aurait cru, lui qui ne glorifiait que la mique. Il devait pourtant se rendre à l’évidence, les années durant lesquelles on l’appelait le Scarificateur de Vallon-Pont-d’Arc étaient loin derrière lui. Un coup de blues s’abattit sur ses épaules. Que faisait-il là au milieu d’une foule bigarrée dont il ne comprenait pas l’accent, ni la ponctuation ? Ici, les « con » servait de virgule, parfois de point. Souvent sept ou huit se suivaient, rendant la phrase incompréhensible. Oui, il se posait cette question, elle en amenait une autre : Pourquoi avait-il suivi Julien Neuville dans cette aventure ?
Depuis le début, tout foirait. Ils avaient d’abord enlevé une folle avec une cagoule en peau de marmotte sur la tête, puis avaient failli passer vivant dans une marmite d’eau bouillante. Seules ses jambes lui étaient venues en aide pour s’échapper. Celles de Juju aussi. C’est couvert de transpiration qu’ils avaient rejoins le Ford Transit servant de camping car. À sa vue, tous deux avaient poussé un ouf de soulagement, suivit d’un cri d’effroi. Le type prénommé Marsh se tenait assis sur le marche-pied de l’engin. Comment avait-il fait pour arriver avant eux ? À ses côtés, un coyote, les crocs dehors, bavait. Le gars s’était levé puis avait rigolé.
– Je connais un raccourci, avait-il fini par dire. Vous avez besoin d’un coup de main ? Ça tombe bien, j’ai un tracteur pour sortir votre transit des ornières.
La manœuvre n’avait pas pris plus de cinq minutes. Durant ce laps de temps, K les avait rejoins. Elle portait un panier rempli de boites de conserves, quand Fred lui avait demandé ce qu’elles contenaient, k n’avait su répondre. Depuis, il faisait le pied de grue attablé à cette terrasse. Il porta son bock de cidre à la bouche lorsqu’il remarqua une décapotable rose roulant lentement, mais surtout la brunette qui conduisait. C’est d’abord l’opulence de la poitrine dardant sous un chemisier entrouvert qui attira son regard, vint ensuite la gracilité du port altier, le rouge recouvrant des lèvres pulpeuses, puis enfin le fard vert déposé sur les paupières. C’est une gonzesse comme elle qu’il me faudrait, pensa-t-il. Cette nana a tout ce qu’il faut là où il faut. Pris dans ses rêves, il n’arriva pas à lire l’inscription sur la voiture, et en oublia presque de la signaler à ses acolytes. Ensembles, ils avaient décidé d’un code, il se dépêcha d’imiter le cri de la chouette.
– Crôôôôaaa… Crôôôôôaaaa !
Juju, à l’affût derrière une jardinière en forme de tonneau à vin, entendit le cri, mais ne reconnut pas celui d’un hibou. Fausse alerte, se dit-il avant de se replonger dans son livre aux chapitres disparus. Un crissement de pneu lui fit lever la tête et écarquiller les yeux. Une Pink Cadillac décapotable des fifties se garait devant la librairie. Dessus, une multitude de cœurs blancs entourait une inscription :
« www. Chéri, je n’ai plus rien à me mettre.bit Vente en ligne de godes en tous genres ». Prit d’un coup de chaud, il enleva son imperméable à la Columbo et son chapeau à la Mike Hammer, ustensiles indispensables pour mener une enquête selon Juju le nettoyeur. Il suivit du regard la femme qui descendit de la Cadillac et se dirigeait vers l’entrée de la boutique. Une perle de sueur coula de son front à la vision de la silhouette parfaite. Des escarpins noirs vernis, relevait le galbe des mollets qu’une jupe courte et serrée laissait voir, on devinait ensuite les rondeurs accueillantes d’une paire de fesses, puis la ligature d’un string au commencement de la cambrure des reins. La mâchoire de Julien se décrocha lorsqu’elle se pencha afin de récupérer un mouchoir tombé malencontreusement de son sac à main. Non, elle ne portait pas de string… Tout chamboulé, il oublia d’adresser le signe distinctif à celle qui planquait à l’intérieur de la librairie : K.
K avait vu approcher par la vitrine la donzelle badigeonnée et accoutrée comme à la fanfare. En la voyant, elle sut kue cette femme avait kuelkue chose à se reprocher. Trop makuillée, pas assez habillée. À l’évidence, en attirant les regards sur sa plastikue, elle détournait les porteurs d’yeux de sa véritable personnalité. Elle pensa à Fred et Julien. Comment avaient-ils réagi eux ? Sans doute avaient-ils la langue qui cognait contre les pavés. K, rompue à ce genre de personne du fait de son ancien job de fée, ne se laissa pas prendre au petit jeu de celle qui venait de franchir la porte. Son instinct lui signifiait de se méfier, elle s’approcha du comptoir près duquel la femme discutait avec la patronne.
– Donne ce pour quoi je suis là
Dépêche-toi, des yeux nous épient
Ouvre ton coffre, le livre de Julien
La seule œuvre digne des rois
Attend son heure, ouvrage impie
J’Attrape rêve de l’avoir en bien.
– C’est que j’ai une mauvaise nouvelle
Hier dans la nuit une hérétique, une pucelle
C’est introduit, le coffre a pillé
Plus de manuscrit, il s’est envolé
Disparu, ma faute, je ne mérite
Que l’huile bouillante d’une baraque à frites.
– Quoi, que dis-tu ?
– Que notre affaire est fichue.
– Malheureuse sais-tu ce que tu risques ?
– La perte de mon disque d’Elvis ?
– Non, pire, ta vie ne tient qu’à un fil
Foi d’Attrape rêve, tourne-toi que je t’enfile.
Par le couteau suisse mal aiguisé de Mc Giver !
Ces femmes parlaient en vers…
La surprise se lisait sur le visage de K, un temps lui fut nécessaire à la compréhension des paroles. Lorsk’elle les absorba, elle comprit que son intuition était la bonne. Cette Attrape rêve, sous ses faux airs de taupe modèle, n’était qu’une voleuse de chapitre. C’est elle qui avait aussi imposé à Juju, l’obligation d’écrire un poème par jour, elle en était persuadée. Aussi sec, elle sortit de la boutique, attrapa Julien et Fred au vol et les traîna jusqu’au camping car. Là, elle leur explikua ce qu’elle venait d’entendre lorsque la Pink Cadillac déboula devant le Ford Transit. Sans réfléchir, Julien sauta au volant et démarra. Une poursuite s’engagea. Où les mènerait-elle ?
Références :
Laklandestine/ Marshounet :
https://www.atelierdesauteurs.com/text/1015441735/meme-les-fees-tombent-amoureuse
Premier épisode défi Melegim74/ Fred Larsen :
https://www.atelierdesauteurs.com/text/551661548/mauvais-reve
Deuxième épisode défi Melegim74/ Julien Neuville :
https://www.atelierdesauteurs.com/text/1062618428/tu-seras-le-second
Troisième épisode défi Melegim74/ Laklandestine :
https://www.atelierdesauteurs.com/text/276676494/k/chapter/606668
Quatrième épisode défi Melegim74/ Patricia Novi et Marsh Walk :
https://www.atelierdesauteurs.com/text/745306122/par-un-petit-matin-spongieux/chapter/635871/edit
Patricia Novi et Marsh walk, saga "One dollar, Baby" tome 1:
https://www.atelierdesauteurs.com/text/1200269527/one-dollar--baby--tome-1-termine--de-marsh-walk-et-patricia-novi
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