2.
Au loin, les grondements du tonnerre cognaient déjà fort, tandis que les rafales cinglaient le marais, le gris du ciel écrasant les vastes étendues de prairies. Myriam affichait le ton maussade des mauvais jours, regardant l’horizon et la barre de nuages qui avançait. Elle se disait qu'il ferait bientôt nuit en plein jour, regrettant de ne pas avoir emporté un parapluie pour se protéger de l'averse.
Le regard d’Erick pétillait le soir où, au cours du repas, il avait partagé sa trouvaille avec Myriam. Mais, ce matin, un doute s’immisçait en lui. Il commençait à ressentir une certaine appréhension quant à la visite de la maison. Lorsqu’il lui avait proposé de s’installer dans ce petit village du bassin d’Arcachon, de quitter la ferveur de l’agglomération bordelaise, Myriam s’était montrée plus qu’enthousiaste. Néanmoins, il lui avait caché que la Créole visitée deux semaines plus tôt se trouvait isolée du bourg.
« Ma chérie, nous sommes arrivés, cette maison est à couper le souffle ! »
Myriam haussa les épaules.
« Arrivés où ? »
Tandis qu’elle le fixait d’un air hébété, Erick rougit.
« C’est vraiment désert ici, on campe au milieu de nulle part. Tu m'as emmené jusqu'ici pour ce coin de campagne ? En regardant les photos de l'agence, je m’attendais à tomber sur un pavillon dans un quartier chic », reprit-elle d’une voix cassante.
Erick éprouva un serrement dans la gorge.
« Monsieur Tach et sa fille nous observent, calme-toi, ma chérie. »
Myriam soupira.
« J’te jure, le parc autour de la maison est d’une beauté incroyable. Nous serons tranquilles ici, tu vois ? ajouta-t-il, alors qu’il s’efforçait de se donner un air confiant.
— Ouais, paumé me semble le mot juste ! Je me sens toute courbatue, trempée jusqu’aux os. Mes fringues dégoulinent et mes rechanges sont… au fin fond du sac… le paysage, j’m’en fiche. »
Myriam, agacée, ne l’écoutait que d’une oreille distraite. Elle se plaça en face de lui, croisa les bras, l’imitant lorsqu’il désirait clore une discussion.
« Tu sais ce que j’apprécie, Terreu, c’est quand tu me décris une maison à vendre sans fard. Tu ne m’as jamais précisé qu’elle se trouvait au milieu des champs, sans aucun commerce à proximité. Moi, j’ai besoin d’un peu d’animation, tu piges ? Le genre d’endroit avec des enseignes lumineuses qui clignotent et tapent à l’œil. J’veux pas galérer à chercher un docteur si Ayden choppe un rhume ou une école pour l’inscrire. »
Myriam se tut quelques instants, une grimace sur le visage.
Monsieur Tach s’approcha d’eux.
« Ça va être le déluge d’ici peu ! », lança-t-il, s’étonnant de leurs numéros de cirque et commençant à s’agacer.
Jusqu'à présent, il avait observé leur dispute sans qu'ils daignent lui prêter attention, mais il commençait à douter de leur réelle intention de visiter la propriété. Conscient que tout changeait vite ces dernières années, il contenait l’envie de les envoyer divinement paître. Les environs s’étaient peu à peu vidés, les métairies d’Alfred se délitant pierre par pierre, ses champs demeurant en friche, la piste émaillée de nids-de-poule. Même Charly, qui promettait le meilleur cru du pays dans son bar du Rallye — du vin espagnol coupé avec de l’eau — avait mis la clef sous la porte. Monsieur Tach savait qu’il allait lui aussi disparaître sans bruit, à moins d’accueillir une famille avec un jeune enfant. C’était là sa dernière chance de sauver la Créole.
Myriam, furieuse, donnait des coups de talons sur l’herbe.
« Erick, tu vas rester planté là ? Viens, allons visiter cette baraque ! », s’exclama-t-elle.
Monsieur Tach alluma sa pipe, souffla une bouffée de fumée dans les airs.
« Nous devons nous dépêcher pour rejoindre la maison. Chargez vos sacs dans ma fourgonnette à l’arrière, je vais les bâcher, proposa-t-il à Myriam tout en montrant sa camionnette garée sous le panneau publicitaire.
— Pourquoi ne pas utiliser votre van pour nous y rendre ? demanda-t-elle en jetant un coup d’œil à Ayden qui se lambinait assis sur le plus gros sac, le menton entre les mains, ne s’intéressant qu’à Flin qui se roulait en boule à ses pieds.
— Mon pneu arrière est à plat, répondit monsieur Tach, en vérifiant les attaches de la bâche.
— Ah zut, c’est bien notre veine ! C’est que… abandonner nos bagages sans surveillance, reprit-elle en se mordant les lèvres.
— Ne vous inquiétez pas, les rares fripouilles du coin se contentent de siphonner les réservoirs d’essence des tracteurs à la nuit tombée. Le jour, ils ne rôdent pas ici. »
Elle approuva et monsieur Tach les convia à remonter la piste en direction de la Créole. Florence posa son bras sur celui de son père, lui serra le poignet tout en lui chuchotant qu’elle trouvait cette femme antipathique au possible. Ils délaissèrent le pont en bois où sa camionnette tambourinait à chaque passage. Le vent leur sifflait aux oreilles. Le vieil homme se tourna plusieurs fois en direction d’Ayden, l’observant sauter par-dessus les talus, pareil à un lièvre, plus préoccupé de jouer avec le labrador qu’à la foudre qui se déchaînait au loin. Myriam interrogea monsieur Tach sur le nombre de voisins aux alentours.
« Y’a Alfred qui habite la ferme d'à côté.
— Qui d’autre ?
— Ma fille, Florence, elle vit avec moi. Ah ! Et mon chien, qui passe son temps à se rouler dans la poussière, à chasser les lapins et qui se pointe pour me lécher les doigts à l’heure de la gamelle, je ne croise pas grand monde d’autre. »
Florence imagina Myriam sous les traits d’une gargouille grimaçante.
« Si quelqu’un cherche la tranquillité, c’est parfait pour un enterrement de première classe », ajouta-t-elle, le ton toujours plus mordant, en jetant un regard si noir à Erick qu’il plongea les yeux vers ses chaussures.
Arrivée près de la mare, Myriam pointa du doigt la croix sous le cyprès chauve, jaillissant des herbes, tel un éperon.
« Qui repose là ? interrogea-t-elle.
— Personne, lâcha monsieur Tach, les yeux dans le vague.
Le vent lacérait sa voix et Myriam fronça les sourcils. Le ciel s’était épaissi et une volée de sternes tournoyaient au-dessus de leurs têtes, gueulant en déployant leurs ailes face aux rafales.
« C’est plutôt étrange, n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce qui est étrange ? reprit-il en souriant, un sourire très bref, mais accroché. Les gens du village vous diront que la croix éloigne le diable. »
Un éclair claqua quelque part dans le marais, illuminant les traits de monsieur Tach qui bourrait sa pipe.
« Oh là là, tout le monde raconte ce genre d’histoires, grinça-t-elle avec l’envie d’avoir le dernier mot. C’est sûr qu’elle a dû être érigée là pour protéger les récoltes. »
Pour la première fois, de manière étrange, il répondit d’une voix plus grave.
« Vous n’êtes pas d’ici, dit-il. La croix possède bien plus de pouvoirs. Dans le marais, quand un villageois s’égare, il se chuchote que le démon s’est réveillé. Autrefois, les habitants du hameau se rassemblaient aux abords de la mare où se dresse la croix. De là, ils surveillaient les berges de la rivière derrière la bâtisse avec l’espoir de la voir réapparaître. »
Myriam cligna des yeux en signe d’approbation, mais préféra garder le silence. Florence ressentit un sentiment de malaise dans sa réaction.
« Mon grand-père prétendait que la croix était un sanctuaire inviolable, repoussant le diable à distance. Quand j’étais petite, mon père me racontait qu’un démon se cachait dans les buissons et que la croix le chassait lorsque le vent soufflait violemment. Mais bon, n’ayez crainte, c’est juste un conte de croquemitaine comme il en existe tant ailleurs, reprit Florence avec un sourire en coin. Papa, pourquoi tu ne leur proposes pas de visiter l'intérieur de la Créole ?
— Absolument », affirma-t-il, en redressant le buste.
Le vent se renforçait et cognait contre les planches de l’édifice. Au premier étage, un volet mal attaché claqua, tandis qu’au loin, un grondement se fit entendre.
« Filons sous le porche, fichu temps ! », s’exclama le vieil homme en sentant une grosse goutte s’écraser sur son béret.
Myriam lâcha un soupir, songeant que même le diable n’oserait pas s’aventurer dans les parages.
Soudain, elle s’arrêta de marcher, parcourue d’une étrange sensation. Elle respira à pleins poumons les senteurs humides de la forêt, alertée par un frémissement de feuilles venant de la lisière. Elle ressentit une présence se faufilant entre les buissons. Se tournant en direction d’Ayden, elle le vit immobile au ras des fourrés. Ses yeux noisette sondaient la végétation dense, paraissant indifférents à tout le reste.
« Ayden ! Ne t’éloigne pas, reviens ! L’orage approche ! », s’écria-t-elle.
Malgré ses appels répétés, il ne bougea pas d’un cil.
« Bon Dieu, Ayden ! Reviens ! », s’égosilla-t-elle, en apercevant Florence rejoindre son fils. D’un geste infiniment doux, elle saisit le poignet d’Ayden qui sursauta comme s’il émergeait d’un mauvais rêve. Puis, elle tapota le sol, ramassa la balle et la lança en direction de la bâtisse. Flin galopa derrière, suivi d’Ayden poussant des cris de joie.
Jusque-là, Myriam avait ignoré la grange à charrettes et le four à pain. Cependant, une expression béate s’empara d’elle en découvrant la Créole qui se dressait devant elle. Retrouvant sa bonne humeur, un léger sourire se dessina enfin sur son visage.
« Je ne m’attendais pas à une si belle maison ! », s’écria Myriam.
Avec l’esprit plus caraïbe qu’aquitain, la bâtisse ressemblait aux splendides demeures des plantations de Caroline du Sud. Des lambrequins finement ouvragés, boulonnés aux bordures de la toiture, et un porche majestueux à colonnades blanches, embellissaient la façade. En bas de l’escalier, des bosquets de lauriers cernaient un espace paysagé, s’étalant jusqu’à l’orée des bois. Pins, ajoncs et bruyères donnaient l’impression d’avaler le jardin.
« Quelle merveille ! Je la trouve encore plus jolie que sur les photos de l’annonce », déclara Myriam.
Erick souffla, se sentant soudain plus léger, comme si un énorme fardeau venait de lui être ôté des épaules.
« Excuse-moi, mon chéri, j’ai été injuste envers toi, lança-t-elle, le visage émerveillé, avant d’appeler de nouveau Ayden qui jouait désormais sous la terrasse. Ayden, arrête de courir partout comme un sauvage ! »
Une fois sous la véranda, monsieur Tach se douta qu’il n’aurait pas besoin de leur bourrer le crâne pour les convaincre d’acheter la Créole. Une pièce longue et large se dévoila sous leurs yeux. Myriam ne put contenir sa joie, se promettant de téléphoner à sa mère en fin de journée pour lui raconter combien la maison était splendide.
« Waouh ! La terrasse est immense !
— De cet endroit, on peut admirer la chênaie et la mare avec son cyprès chauve », souligna Erick.
Une pente douce descendait gracieusement du perron jusqu’au bord du massif forestier, soulignant le charme de l’édifice entouré de son airial[1]. Myriam apprécia, par-dessus tout, les meubles balinais. Un banc « pirogue » d’une longueur folle, sculpté dans du teck avec un dossier en cordes tressées, s’alignait au mur. Une table grandiose aux veines blanchies, taillée dans la largeur d’un tronc, trônait au centre. Une chaise à bascule tout droit sortie du vieux Sud-Américain ajoutait une atmosphère d’antan. Myriam s’imagina se promener le long des rives du Mississippi par une matinée ensoleillée, où seuls manquaient les champs de coton, de canne à sucre et un bateau à aubes remontant le fleuve. Monsieur Tach les invita à s’asseoir et Myriam ne tarda pas à s’approprier le rocking-chair. L’atmosphère plaisante qui régnait offrit au vieil homme le moment opportun de se confier sur le bon vieux temps, évoquant son enfance.
« J’ai passé toute ma vie en bordure du marais, tout ce que je possède en ce bas monde se résume à ces terres, à ma ferme et à la Créole. Un sentier part à l’arrière de la maison et s’enfonce dans le marais. Il longe les cours d’eau, souvent propice à la cueillette de champignons en saison », fit monsieur Tach en souriant.
Erick retrouva un air serein, se réjouissant de voir Myriam afficher son si beau sourire. Elle buvait les paroles du vieil homme.
« Erick, méfiez-vous de mon père, il ne va pas tarder à vous baratiner, qu’à la nuit tombée, il aime s’installer sur le ponton au-dessus de la mare pour siroter une bière ou deux. Je suis certaine qu’il va vous encourager à l’y rejoindre », s’amusa Florence, alors qu’elle pianotait du bout des doigts le front d’Erick.
Gêné par ce geste, il recula la tête, tandis que monsieur Tach éclatait de rire.
« Y’a que ma fille pour me connaître aussi bien. Et après quelques gorgées, je vous raconterai quelques anecdotes croustillantes sur le bassin d’Arcachon.
— J’ai hâte, lâcha Erick en jetant un coup d’œil vers la mare.
— Si vous entrez dans son jeu, mon père va littéralement vous bombarder de belles paroles, rigola Florence, qui, assise à côté de Myriam, paraissait plus grande, avec sa silhouette mince et élancée.
— Chéri, s’exclama Myriam, ce soir même, j’envoie des photos à ma mère !
— Attends, elle n’est pas encore à nous », plaisanta Erick, amusé par son empressement.
— Monsieur Tach, parlez-moi de cette maison », demanda-t-elle.
La Créole datait du temps où personne n’osait pousser jusqu’ici, les villageois préférant moissonner les pâturages du plateau entourant le bourg. Ils redoutaient les flots tumultueux proches des vasières, même si la majeure partie de la rivière demeurait calme. Le grand-père de monsieur Tach avait été le premier à s’établir près du marais, bordé par la Leyre. Sa grand-mère, originaire de Caroline du Sud, avait dessiné les plans de cette maison, autrefois si vivante.
« C’est donc dans ce sublime pavillon que vous avez grandi, mais pourquoi vouloir vous en séparer ? », conclut-elle, tandis qu’il marquait une pause avec une gêne dans la gorge, comme s’il cherchait ses mots.
— Je deviens vieux, et puis une maison aussi grande, sans personne pour y vivre, autant la vendre. Je me sentirais tellement heureux si une famille venait s’y installer.
— Vous avez trouvé la tribu parfaite, d’ici à quelques jours, cette maison aura repris un air de jeunesse », le coupa Myriam, soudain intriguée que sa fille n’y vive pas, tout en l’observant effleurer la joue de son père. Ses doigts glissaient sur son visage, semblant décoder les marques de tristesse.
Florence le sentit retenir son souffle, à la suite de quoi il adopta une intonation de voix plus sourde.
« La mare, le cyprès chauve et la croix sont les seules parties que je ne vends pas.
— Cependant, m’autorisez-vous à y emmener Ayden pour des parties de pêche ? », s'enquit Erick, en observant Florence qui secouait la tête d’un non, ses cheveux noirs retombant en boucles sur le front.
Les yeux verts du vieil homme se troublèrent. Bizarrement, quelque chose semblait les tracasser à tous les deux.
« Vous devriez accompagner votre femme à l’intérieur pour lui montrer le séjour, dit monsieur Tach, le visage fermé.
— Bien, j’en déduis que non, répondit Erick, sentant le corps du vieil homme se contracter.
— Erick, je pense pas que ce soit une bonne idée, reprit Florence. Mon père se recueille chaque mercredi au pied de la croix pour déposer un bouquet de fleurs.
— J’ai déjà écrit un bouquin qui commençait comme ça. »
Le soleil réapparaissait, chassant les nuages, tandis qu’Ayden galopait derrière Flin à travers l’airial. Il s’en donnait à cœur joie. Myriam échangea un regard avec Erick, qui la poussa du coude, ce qui l’irrita.
« Erick, cesse d’importuner monsieur Tach et accompagne-moi à l’intérieur. »
Il hocha la tête sans rien dire et se leva.
« Oubliez ça, Myriam ! poursuivit monsieur Tach, en jetant une œillade complice à Erick. J’ai quelque chose qui pourrait l’inspirer pour son prochain roman. Je n’avais que dix ans à l’époque. La journée avait débuté de manière ordinaire. De retour d’une partie de pêche aux écrevisses dans les chenaux, j’avais posé des pièges à ragondins dans la rivière. Je me tenais sur une infime langue de sable, l’eau jusqu’aux cuisses. Rien ne semblait anormal, je veux dire par là que je me laissais bercer par le chant des oiseaux. Je profitais de ce moment pour rechausser mes pompes. C’est à cet instant que je l’ai aperçu. »
Un violent frisson noua la gorge de Myriam. Elle se pencha en avant, curieuse d’entendre la suite.
« Tout à coup, une odeur musquée avait empli l’air, et au moment où je remontais la berge à quatre pattes, une bête presque irréelle a surgi devant moi !
— Comment pouvez-vous rapporter des trucs pareils ? Vous voulez vraiment vendre cette maison ? s’exclama-t-elle en se jetant en arrière, presque à tomber du fauteuil.
Il ferma un œil, ouvrit le second de façon exagérée, marquant un silence avant de reprendre.
« Il s’agissait d’une jambe dotée d’un œil au-dessus du genou », affirma-t-il d’un ton monocorde pour ménager son effet.
Affichant une expression mêlant frousse et colère sur le visage, Myriam inspira nerveusement l’air frais qui lui brûla les poumons. Florence se pencha vers elle et lui saisit la main.
« Mon père se moque de vous, il ne peut s’empêcher de raconter des idioties. C’était l’histoire qu’il me chuchotait lorsque j’étais petite. Il craignait que je m’aventure seule dans le marais. »
Convaincu qu’Ayden jouait avec Flin dans la clairière, monsieur Tach se trompait. Le gamin se cachait dans son dos, les mains enfoncées dans ses poches, le museau humide du chien collé aux cuisses. Il contemplait la bordure du bois, non sans pincer les lèvres. Il aurait suffi d’un effleurement sur sa tête pour qu’il hurle, les yeux ronds comme des billes.
« Maman, j'ai trop la frousse ! Tu crois que les monstres vont débarquer pour nous manger ? » hurla-t-il en se jetant dans ses bras.
Myriam le serra fort contre elle.
« Pas de panique, mon trésor, viens t’asseoir sur mes genoux ».
Ayden obéit.
De la terrasse, seul s’entendait le murmure du ruisseau coulant au travers de la clairière avant qu’il entame une boucle et ne disparaisse dans le bois. L'herbe des pâturages ondulait sous l'effet de la brise en direction de la ferme, baignée par les derniers rayons du soleil, tandis que le hangar à charrettes semblait prêt à être emporté à tout moment.
Myriam se leva, Ayden agrippé à ses jambes, et ils pénétrèrent dans le hall pour découvrir l'immense salle à manger. Une vague de chaleur envahit Myriam alors qu'elle contemplait avec des yeux brillants le parquet en chêne et le plafond orné de poutres blanches. Elle retourna rapidement s'asseoir sous la véranda, convaincue que nulle autre demeure ne pouvait rivaliser avec la Créole, avec ses grandes pièces propices à la danse et sa lumière douce qui vous enveloppait.
« Erick, tu avais absolument raison, cette demeure est juste incroyable ! C’est la plus belle maison que j’ai vue », lâcha-t-elle avec des mots précipités.
Néanmoins, un détail paraissait encore la préoccuper.
« Oh, tu sembles moins emballée tout à coup, remarqua Erick. Qu’est-ce qui te tracasse, ma chérie ?
— C’est juste que… le truc, c’est qu’elle est éloignée du bourg, des écoles et des commerces.
— Mon amour, ce lieu est un véritable nid douillet. Nous ne serons jamais qu’à dix minutes du village. Crois-moi, cette maison est unique, de grand standing, et son parc est une pure merveille. C'est pas tous les jours qu'on tombe sur une affaire comme ça.
— Si cela vous intéresse, Myriam, vous pouvez emménager quand bon vous semble », suggéra Florence en se levant aussitôt.
Elle la remercia en souriant. La visite s’était déroulée si agréablement qu’elle en conclut que son père était un brave type et que son histoire à dormir debout l’avait finalement amusée. Cependant, cette proposition allait bouleverser le cours de leur existence, bien au-delà de ce que les Terreu pouvaient imaginer.
[1][1]Un airial landais est un terrain couvert de pelouse, planté de chênes ou de pins parasols, regroupant une habitation et des dépendances.
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