2.

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Le ciel était bas et ça cognait déjà fort sur la ligne d’horizon. Les bourrasques fouettaient les visages d’Erick et de Myriam. Elles balayaient les vastes prairies à perte de vue. Les cheveux trempés, Myriam regrettait de ne pas avoir emporté de parapluie pour se protéger de l’averse qui redoublait de vigueur.

Erick pressentait que cette visite allait virer au cauchemar. Lorsqu’il lui avait proposé de s’installer dans cette petite localité du bassin d’Arcachon, Myriam s’était montrée enthousiaste. Mais, il lui avait caché que la Créole visitée deux semaines plus tôt se trouvait à l’extérieur du village. Bien qu’à l’envie de lui montrer sa trouvaille, ses yeux pétillaient, Erick redoutait une mauvaise réaction de sa part.

Elle va me prendre pour un cinglé.

« Ma chérie, nous sommes arrivés, tu vas adorer cette maison, elle est à couper le souffle !

— Arrivés où ? », répondit-elle, l’air hébété, les yeux au ciel.

— Je suis certain qu’elle va te plaire, insista-t-il.

— Vraiment ? Attends que je la voie d’abord. »

Décidément, je tape à chaque fois dans le mille. Ça ne va pas être de la tarte pour la convaincre.

« Je reconnais que l’endroit est un peu isolé, mais je t’assure que le parc qui entoure la maison est d’une beauté incroyable.

— Paumé est le mot juste ! Je me sens courbatue et je suis entièrement mouillée. Mes vêtements dégoulinent et mes rechanges sont au fond du sac, alors, la beauté du paysage ne m’intéresse pas pour le moment.»

Erick sentit un serrement dans la gorge. Il se borna à regarder les prés, sautant de l’un à l’autre.

Je devrais demander au vieux d’accélérer le mouvement avant qu’elle ne déguerpisse et me plante là avec Ayden et les sacs.

« Bon, apparemment, il n’y a rien de spécial à faire par ici », déclara-t-elle.

Erick baissa la tête.

Qu’est-ce que tu peux être chiante ! Et le vieux qui bourre sa pipe comme si de rien n’était. Allez, mon gars, dépêche-toi qu’on en finisse !

« Ma chérie, crois-moi, j’ai déniché la demeure de nos rêves »

Et cerise sur le gâteau, ce gars semble ignorer le prix du marché immobilier. Mon cher Erick, tu as vraiment déniché la bonne affaire.

« C’est pour ce coin de campagne que tu m’as amené jusqu’ici ? En voyant les photos de l’agence, je m’attendais à trouver un pavillon dans un quartier résidentiel ! dit-elle en pinçant les lèvres.

— Oui, moi aussi lors de ma première visite, j’ai eu la même impression. Mais quand je suis tombé nez à nez avec l’élégance des façades aux grandes baies vitrées et le rideau de verdure qui entoure la bâtisse, j’ai été émerveillé. »

Quel crétin tu es ! Tu n’as pas mentionné les vastes pièces lumineuses.

Myriam n’écoutait que d’une oreille. Elle se plaça devant lui, croisa les bras, l’imitant lorsqu’il désirait clore une discussion.

« Ce qui me plait, Grenereau, c’est quand tu me décris une maison à vendre exactement telle qu’elle est. Tu ne m’as jamais dit qu’elle se situait au milieu des champs. Il n’y a pas un seul commerce à proximité, tu sais, ce genre d’endroit avec une enseigne lumineuse pour attirer le regard. Je ne veux pas passer mon temps à chercher un docteur si Ayden est enrhumé, une école où l’inscrire.

— Admets que si j’avais mentionné l’emplacement, tu ne serais même pas venue.

— C’est exact mon chéri, car j’aime parfois faire du shopping, profiter de mon temps libre pour une journée de courses. »

Myriam se tut quelques instants. Ses mâchoires étaient serrées et elle s’étonna de constater ses poings fermés.

Monsieur Tach se tenait immobile devant eux, songeant qu’il était tombé sur de sacrés numéros. Il ne risquait pas de s’ennuyer, tout au plus finir par s’agacer. Il les observait se disputer sans qu’ils ne prêtent attention à lui. Il les regardait tour à tour et commençait à douter qu’ils visitent la propriété. Et, s’il contenait l’envie de les envoyer divinement paître, c’était parce qu’il était conscient que tout changeait vite ces dernières années. Les environs s’étaient peu à peu vidés. Les deux métairies d’Alfred étaient en ruine, ses champs en friche, et la piste jonchée de nids-de-poule. Même si à l’entrée du village, Charly promettait le meilleur cru du pays dans son bar du Rallye — en réalité du vin espagnol coupé avec de l’eau, — il avait mis la clé sous la porte. Ainsi, monsieur Tach se disait qu’il allait lui aussi disparaître sans bruit, à moins d’accueillir une famille avec un jeune enfant. C’était là sa dernière chance pour sauver la Créole.

Myriam était furieuse et donnait des coups de talons dans l’herbe.

« Comptes-tu prendre racine ici, allons visiter cette maison !

— S’il te plaît, chérie, calme-toi.

— Oh, après tout, retourne-y tout seul ! je préfère attendre là. »

Erick regrettait amèrement le spectacle qu’ils offraient au vieil homme.

Monsieur Tach alluma sa pipe, souffla une bouffée de fumée dans les airs. Puis, il jeta un coup d’œil à sa montre et s’approcha.

« Je suis navré de vous presser, madame Grenereau, mais un orage gronde, ça va être le déluge ! Nous devons nous dépêcher pour rejoindre la Créole. Placez vos valises à l’arrière de ma fourgonnette, je vais les bâcher », dit-il en lançant un regard bienveillant à leur fils.

Ayden se lambinait assis sur le plus gros sac. Le menton dans les mains, il ne s’intéressait qu’à Flin revenu à ses pieds.

Myriam leva les yeux vers la barre de nuages.

« Pourquoi ne pas utiliser votre tout-terrain pour nous y rendre ? demanda-t-elle.

— Mon pneu arrière est crevé.

— C’est bien notre veine. Ce n’est que…laisser nos bagages sans surveillance, dit-elle en se mordant les lèvres.

— Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de voleur par ici. »

Elle approuva et Monsieur Tach vérifia les attaches de la bâche, puis il les invita à remonter la piste en direction de la Créole. Ils délaissèrent la passerelle en poutres où sa camionnette tambourinait lorsqu’il la traversait. Le vent leur sifflait aux oreilles. Le vieux bonhomme se retourna plusieurs fois vers Ayden. Il l’observait sautiller sur les talus, pareil à un lièvre, plus préoccupé à jouer avec le labrador qu’à la foudre qui se déchaînait au loin. Myriam interrogea le vieux avec le ton maussade des mauvais jours, sur le nombre de voisins aux alentours.

« Il y a bien Alfred qui vit à la ferme voisine, et ma fille qui s’occupe de moi. Ah ! Il y a aussi mon chien qui me tient compagnie, mais à part se coucher dans la poussière, courir après les lapins et se pointer pour me lécher les doigts à l’heure de la gamelle, je ne rencontre pas grand monde. »

Myriam grimaça.

« Si quelqu’un recherche la tranquillité, c’est parfait pour un enterrement de première classe », ajouta-t-elle en jetant un regard si noir à Erick qu’il plongea les yeux vers ses chaussures.

Arrivés près de la mare, Myriam s’arrêta net comme si elle s’enracinait sur place. D’un geste de la main, elle montra la croix sous le cyprès chauve. Elle jaillissait des herbes comme un éperon.

« Qui repose ici ? demanda-t-elle.

— Personne. On prétend que la croix chasse le démon », confia le vieil homme à demi-mot.

Myriam lâcha un soupir, pensant que même le diable n’oserait pas s’aventurer dans les parages. Monsieur Tach les pressa d’accélérer pour se mettre vite à l’abri. Pendant ce temps, Erick observait le ciel épaissi et respirait à pleins poumons les senteurs humides de la forêt.

Soudain, Myriam s’arrêta de marcher, parcourue d’une étrange sensation. Un frémissement de feuilles lui fit tourner la tête vers la lisière. Elle eut l’impression qu’une présence se faufilait entre les buissons. Elle se tourna alors vers Ayden. Il demeurait immobile face aux fourrés. Ses yeux noisette sondaient la masse verte, indifférent à tout le reste.

« Ayden ! Ne t’éloigne pas, reviens ! L’orage approche ! », s’écria-t-elle.

Malgré ses appels répétés, il ne bougeait pas d’un cil.

« Bon Dieu, Ayden ! Reviens ! », s’époumona-t-elle en réalisant que ses mains étaient moites.

Lorsqu’une grosse goutte s’écrasa sur son nez, Ayden sursauta comme s’il sortait d’un mauvais rêve. Il ramassa la balle et la lança en direction de Flin.

Jusque-là, Myriam avait ignoré la grange à charrettes et le four à pain. Elle ne put retenir une expression joyeuse en découvrant la Créole qui se dressait devant elle. Elle resta estomaquée, puis retrouvant sa bonne humeur, elle prit conscience de son impolitesse envers le vieil homme, depuis leur arrivée. Un léger sourire se dessina sur son visage.

« Je ne m’attendais pas à une si belle maison ! »

Avec l’esprit plus caraïbe qu’aquitain, la bâtisse s’inspirait des plantations de Caroline du Sud. La façade ornée de lambrequins ciselés, boulonnés sur les rebords, et un porche majestueux à colonnades blanches l’embellissaient. Au bas de l’escalier, des bosquets de lauriers cernaient un espace paysagé pour s’étaler jusqu’à l’orée des bois. Pins, ajoncs et bruyères donnaient l’impression d’avaler le jardin.

« Incroyable ! Elle est plus belle que sur les photos de l’annonce, déclara Myriam.

— Ouais. Je t’avais bien dit que la Créole était charmante, répondit Erick.

— Je n’en reviens pas, elle est colossale ! Et toutes ces baies vitrées, quelle clarté ! Excuse-moi, mon chéri, j’ai été injuste avec toi, acquiesça-t-elle, le visage émerveillé avant d’appeler Ayden qui jouait désormais en périphérie du parc. Ayden ! ne court pas partout comme un sauvage, viens te mettre à l’abri ! »

Alors que monsieur Tach ne la quittait pas d’une semelle, Myriam se promit de téléphoner à sa mère en fin de journée pour lui dire combien la maison était splendide.

Le vieux avait prévu de les amener sous la véranda et se doutait qu’il n’aurait pas besoin de leur bourrer le crâne pour les convaincre d’acquérir la Créole. Le vent se renforça et cogna contre les planches de l’édifice. Au premier étage, un volet mal attaché claqua, tandis qu’un grondement lointain se fit entendre.

« Filons sous le porche », lança-t-il en tendant la main pour montrer les éclairs.

Myriam monta les marches et découvrit une pièce si longue et large qu’elle ne put contenir sa joie.

« Waouh ! La terrasse est immense !

— De cet endroit, on peut admirer la chênaie et la mare avec son cyprès chauve », souligna Erick.

Une pente douce descendait du perron jusqu’au bord du massif forestier et marquait le charme de l’édifice entouré de son airial[1]. Myriam apprécia, par-dessus tout, les meubles balinais. Un banc « pirogue » d’une longueur folle, sculpté dans du teck avec un dossier en cordes tressées, s’alignait au mur. Une table grandiose aux veines blanchies, taillée dans la largeur d’un tronc, meublait la galerie. Une chaise à bascule tout droit sortie du vieux Sud-américain ajoutait une atmosphère d’antan. Myriam s’imagina se promener le long des rives du Mississippi par une matinée ensoleillée, où seuls manquaient les champs de coton, de canne à sucre et un bateau à aubes remontant le fleuve. Monsieur Tach les convia à s’asseoir et Myriam ne tarda pas à s’approprier le rocking-chair. L’ambiance était agréable, et permit à monsieur Tach de parler de son enfance.

« J’ai passé toute ma vie en bordure du marais, tout ce que je possède en ce bas monde se résume à ces terres, ma ferme et la Créole. Il y a un sentier à l’arrière qui s’enfonce dans l’écrin végétal. Il longe les cours d’eau, souvent propice à la cueillette de champignons en saison. Erick, tout baratin mis à part, il m’arrive parfois, à la tombée de la nuit, de m’installer sur le ponton au-dessus de la mare pour siroter une bière ou deux. Si vous décidez d’acheter cette demeure, je vous encourage à me rejoindre, je vous conterai quelques anecdotes savoureuses sur le bassin d’Arcachon.

— Chéri, s’exclama Myriam, ce soir même, j’envoie des photos à ma mère. Quel charme fou !

— Attends, elle n’est pas encore à nous », plaisanta Erick, amusé par son empressement, elle qui ne manquait jamais de lui rappeler de ne pas se précipiter pour prendre des décisions importantes.

Erick était heureux de la voir retrouver son si beau sourire.

« Monsieur Tach, contez-moi l’histoire de cette maison, demanda-t-elle.

— Ma foi, c’est naturel. Le massif s’étend derrière la Créole et borde la Leyre. Les gens du quartier vous diront que les flots y sont paisibles sur une bonne partie, puis deviennent tumultueux en atteignant les vasières. Au siècle dernier, personne n’osait pousser jusqu’ici, les villageois préféraient moissonner les pâturages du plateau autour du bourg. Mon grand-père fut le premier à s’y établir. Ma grand-mère, originaire de Caroline du Sud, a dessiné les plans de cette maison, autrefois si vivante.

— Donc, c’est dans ce sublime pavillon que vous avez grandi », conclut-elle, surprise de voir monsieur Tach envisager de s’en séparer.

Il marqua une pause avec une gêne dans la gorge, comme s’il cherchait ses mots.

« Il m’est difficile de la vendre. Il me reste peut-être une dizaine d’années à vivre, et encore avec un peu de chance. Je me sentirais tellement heureux si une famille avec de jeunes enfants venait s’y installer.

— Vous avez enfin trouvé la famille parfaite », le coupa Myriam en agitant les jambes et en frappant le sol du pied.

Il inclina la tête.

« Par la suite, mon ancêtre a défriché les environs, un labeur considérable pour l’époque, puis a planté des cultures de maïs et de tabac, ne conservant que le cyprès chauve et la croix, que je ne vends pas. »

Avec un ton serein, monsieur Tach donnait l’impression de narrer un conte merveilleux, et Myriam imaginait être assise sur ses genoux. Son teint rosit.

« Dans nos campagnes, on trouve de nombreuses croix à l’entrée des villages où à la croisée des chemins, dit-elle. Je suppose qu’elles étaient érigées là, pour protéger les récoltes. »

Pour la première fois, de manière étrange, le vieux se tassa sur lui-même et répondit d’une voix plus chevrotante.

« La croix détient quelque chose de différent. »

Le soleil réapparaissait, chassant les nuages, tandis qu’Ayden galopait derrière Flin au milieu de l’airial. Il s’en donnait à cœur joie. Erick et Myriam échangèrent un regard et remarquèrent la mine grave de monsieur Tach. Elle trouva étrange sa manière de vendre la maison. Prenait-il cela au sérieux ? Bizarrement, quelque chose semblait le tracasser.

« Mon grand-père disait qu’autour de la croix, l’endroit était un sanctuaire inviolable, repoussant le Diable et le tenant à distance. Enfant, j’imaginais qu’un démon vivait dans les buissons et que la croix le chassait lorsque le vent soufflait violemment. Aujourd’hui, malgré mon âge avancé, chaque mercredi, je dépose un bouquet de fleurs à ses pieds.

— Quelle drôle d’habitude ! Que je sois maudit si je n’arrive pas à en tirer un roman ! » s’amusa Erick en poussant Myriam du coude, ce qui l’irrita.

— N’ayez crainte, Myriam, cette histoire sur la croix n’est qu’un conte de croquemitaine comme il en existe tant, affirma le vieil homme avec un sourire en coin. Et si vous preniez le temps de visiter l’intérieur ? »

Elle recula légèrement pour s’enfoncer dans le dossier.

« Monsieur Tach, la vente de votre domaine n’implique pas d’inventer des sornettes aussi fantaisistes ! À vous écouter, on jurerait qu’une créature monstrueuse rôde toujours dans les parages ! Auriez-vous d’autres étrangetés à sortir de votre chapeau ? » le reprit-elle avec sévérité.

Il jeta une œillade complice à Erick, qui ricana en baissant les yeux.

« Erick, cela suffit, lui lança-t-elle d’un ton sec.

— Eh bien, je n’avais que dix ans, mais ce que j’ai vu à l’époque restera gravé dans ma mémoire. La journée avait débuté de manière ordinaire. De retour d’une partie de pêche aux écrevisses dans les chenaux, je m’étais arrêté pour poser des pièges à ragondins dans la rivière. Je me tenais sur une infime langue de sable, l’eau m’arrivant aux cuisses. Rien ne semblait anormal, je veux dire par là que je me laissais bercer par le chant des oiseaux. Alors que les premiers rayons du soleil rasaient la cime des arbres, je profitais de ce moment pour rechausser mes souliers. C’est à cet instant que je l’ai aperçue ».

Le cœur de Myriam s’emballa. Elle se pencha en avant, curieuse d’entendre la suite.

« Grands Dieux ! Qui donc ? demanda-t-elle, ses yeux fixés sur les doigts du vieil homme qui serraient fermement les accoudoirs.

— Tout à coup, une odeur musquée avait empli l’air, et au moment où je remontais la berge à quatre pattes, une bête presque irréelle a surgie devant moi !

— Comment pouvez-vous rapporter un tel récit ? Êtes-vous sûr de vouloir vendre la Créole ? s’exclama-t-elle en se jetant en arrière, presque à tomber du fauteuil.

Il ferma un œil, ouvrit le second de façon exagérée, laissant traîner un silence avant de reprendre.

« Il s’agissait d’une jambe dotée d’un œil au-dessus du genou », affirma-t-il d’un ton monocorde pour ménager son effet.

La frousse se lisait sur le visage de Myriam. Monsieur Tach claqua des doigts. Elle sursauta.

« Je plaisantais. C’était la fable que je récitais chaque soir à ma fille lorsqu’elle était petite, pour l’empêcher d’aller seule dans le marais. »

Convaincu qu’Ayden jouait avec Flin dans la clairière, Monsieur Tach se trompait. Le gamin était caché dans son dos, les mains enfoncées dans ses poches, le museau humide du chien collé aux cuisses. Il contemplait la bordure du bois, non sans pincer les lèvres. Il aurait suffi d’un effleurement sur sa tête pour qu’il hurle, les yeux ronds comme des billes.

« Maman, j’ai peur ! Est-ce que les monstres vont nous manger ? », cria-t-il en se jetant dans ses bras.

Myriam lui caressa le menton.

« Tout va pour le mieux, mon trésor, viens t’asseoir sur mes genoux », le rassura-t-elle. 

Ayden obéit, pendant que Myriam fusillait du regard Erick et monsieur Tach.

De la terrasse, on n’entendait rien d’autre que le murmure du ruisseau couler au travers de la clairière avant qu’il n’entame une boucle et ne disparaisse dans le bois. Vers la ferme, l’herbe des pâturages ondulait sous la brise, illuminée par les derniers rayons. Le hangar à charrettes et les granges semblaient prêts à être emportés à tout instant.

Myriam se leva, Ayden s’accrochant à ses jambes. Ils entrèrent dans le hall et découvrirent l’immense salle à manger. Une sensation de chaleur envahit Myriam. Les yeux pétillants, elle eut une explosion de joie à la vue du parquet en chêne et du plafond orné de poutres blanches. Puis, elle revint très vite s’asseoir sous la véranda. S’il y avait bien une chose qu’aucune autre maison ne pouvait envier à la Créole, c’étaient ses grandes pièces propices à la danse et sa lumière douce qui vous enveloppait.

« Erick, tu avais absolument raison, cette demeure est incomparable ! C’est la plus belle maison que j’ai vue », lâcha-t-elle avec des mots précipités.

Néanmoins, un détail paraissait encore la préoccuper.

« Oh, tu sembles moins enthousiaste tout à coup, remarqua Erick. Qu’est-ce qui te tracasse, ma chérie ?

— C’est juste que… le truc c’est qu’elle est éloignée du bourg, des écoles et des commerces.

— Mon amour, ce lieu est un véritable havre de paix. Nous ne serons jamais qu’à dix minutes du village. Crois-moi, la Créole est unique, de grand standing, et son parc est une pure merveille. Ce n’est pas courant de tomber sur une vente comme celle-là.

— Si cela vous intéresse, Myriam, vous pouvez emménager quand bon vous semble», proposa Monsieur Tach en se levant aussitôt.

Elle le remercia en souriant. La visite s’était déroulée si agréablement qu’elle en conclut qu’il était un brave type et que son histoire à dormir debout l’avait finalement amusée.

Cependant, cette proposition allait bouleverser le cours de leur existence, bien au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer.

[1][1]Un airial landais est un terrain couvert de pelouse, planté de chênes ou pins parasols qui regroupent une habitation et des dépendances.

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