Chapitre 8

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            Première chose à faire après une nuit difficile : vomir ses tripes dans les chiottes ! C’était exactement ce qui se passait pour Rune après avoir vidé plusieurs bouteilles la nuit dernière. Ornella lui avait mis trop de pression, alors il lui fallait de quoi oublier ses problèmes. Mais se relever d’une cuite pareille était des plus difficile. Rune avait mal jusqu’à la racine de ses cheveux !

            Elle déambula dans son salon, partagée entre un mal de ventre et de crâne. Elle avait dû mal à marcher droit. Elle ouvrit la fenêtre pour faire rentrer un peu d’air. Elle découvrit avec horreur tout ce qu’elle avait bu la veille sur sa terrasse. Pas étonnant qu’elle se trouvait dans un tel état.

            La lumière du soleil l’aspergea sans la moindre pitié. Elle protégea ses yeux bien trop sensibles par tant de lumière. Elle sortit prendre l’air et prit une grande bouffée d’air frais. Son estomac grondait, lui faisant comprendre qu’il n’était pas là pour subir un tel affront ! Mais qu’importe, elle allait mieux maintenant.

            Néanmoins, l’ultimatum lancé par Ornella lui revint en pleine figure. Si elle quittait cette planète, elle n’y reviendrait plus. Et elle savait très bien que si elle restait, ils la chasseraient à coup de pied au cul. Elle soupira. Son envie d’appartenir à une bande ne l’intéressait pas, elle ne désirait pas travailler avec quelqu’un.

            Tant pis, elle réfléchirait à ça plus tard. Il était temps de trouver du boulot, voir même, un nouvel endroit où vivre. Mais sur quelle planète ? Après tout, les trois grands groupes de la galaxie se les partageaient tous, et aucun d’eux n’offrait une vie de rêve comme les pirates d’Avracham.

            La sonnette retentit, lui brisant les tympans. Elle grogna et se dirigea jusqu’à la porte d’entrée. En l’ouvrant, elle découvrit Chloé adossée contre le mur. Lorsqu’elle vit la tête de Rune, elle ne put réprimer une grimace.

            – T’as passé une nuit horrible, toi.

            Rune ronchonna.

            – T’as pas idée…

            Chloé la scruta de haut en bas.

            – En tout cas, t’es sexy comme ça.

            Rune fronça les sourcils. Elle avait complètement oublié de se changer. Toujours en bikini, Chloé profita de ce court instant pour la reluquer.

            – Ouais, merci, lui dit Rune. Salut.

            Alors qu’elle allait refermer, Chloé l’en empêcha et la repoussa gentiment pour entrer. Rune maugréa alors que Chloé siffla en voyant l’étendue des dégâts.

            – Si j’avais bu tout ça, je serais morte à l’heure qu’il est.

            – T’as pas l’habitude, c’est tout.

            Rune se rendit dans sa cuisine pour boire un grand verre d’eau. La journée allait être difficile suite à ça. Rune récupéra un petit sac dans lequel elle mit des glaçons, puis s’avachit dans son canapé. Elle posa la sacoche sur sa tête pour la refroidir. Cela lui fit tellement de bien qu’elle laissa échapper un murmure de plaisir.

            – Si seulement c’était moi qui te faisais cet effet, pouffa Chloé.

            Rune roula des yeux.

            – Qu’est-ce que tu es venu faire ici ?

            – J’ai besoin de toi !

            Rune l’observa avec attention. Elle ne semblait pas plaisanter. Plantée devant elle, les mains sur les hanches, elle attendait de voir sa réaction.

            – Va chier, j’ai mal au crâne.

            Chloé souffla d’exaspération.

            – C’est pour Rody, alors amène-toi !

            Rune n’avait aucune envie de se déplacer. Elle avait l’impression que son corps ne voulait plus répondre, bien trop harassé par tout l’alcool ingurgité la veille, encore moins pour satisfaire les envies de musique de son robot déjanté.

            Chloé lui laissait-elle le choix ? Elle ne bougeait pas de sa maison. Les deux jeunes femmes se faisaient face, sans sourciller. Rune se demandait si elle allait abandonner au bout de quelques minutes sans rien dire, mais il se passa autre chose. Chloé s’installa à ses côtés et passa le doigt le long de ses cuisses. Rune sentit un frisson de plaisir la parcourir.

            – Sinon, je peux rester là et t’aider à aller mieux… chuchota-t-elle à son oreille.

            Rune la repoussa vivement, puis lui jeta le sac de glaçon à la figure.

            – Tiens, c’est pour calmer tes ardeurs !

            – Allez, viens ! On va bien se marrer !

            Mais pourquoi personne ne voulait la laisser tranquille ? Était-ce trop demander de rester en paix quelques jours en faisant bronzette sur la plage ? Rune soupira.

            – Si j’accepte, t’arrêtes d’essayer de me chauffer constamment ?

            Chloé se leva d’un bond et sautilla sur place.

            – Promis ! Promis ! Promis !

            Une vraie gamine, mais bon, Rune accepta à contrecœur. Elle récupéra ses lunettes de soleil dans l’entrée, puis suivit Chloé à travers les rivières de la cité. Cette fois, pas question de rejoindre la grande place marchande, mais plutôt ce qui leur servait de spatioport pour les échanges commerciaux.

            Construit sur l’eau via de grandes plaques métalliques, il était possible de s’y rendre via les canaux de Kalao. Une entreprise privée venait d’arriver pour livrer un stock de matériaux électroniques. Comme d’habitude, elle abandonna les caisses à même le sol et laissait les pirates d’Avracham les ramener à qui de droit. Il était strictement interdit aux livreurs de mettre un pied sur l’île.

            Chloé récupéra l’une d’elles, bien lourde, et demanda de l’aide à Rune, toujours en train de cuver dans un coin. Elle soupira, alors que son estomac lui intimait de rentrer pour se reposer.

            – Si tu m’aides, je te paye à manger, proposa Chloé. Ça te fera le plus grand bien.

            Rune leva le pouce.

            – J’approuve…

            Elle se décida à l’aider à porter cette chose. Bandant les muscles, elle utilisa le peu de force qui lui restait pour poser l’engin dans le bateau. Heureusement qu’ils étaient prévus pour ça, cela permit à Chloé d’emmener Rune et son colis jusqu’à son atelier.

            Elle possédait un grand hangar en bois aux abords de Kalao. Une fois accostées au ponton, les deux jeunes femmes traversèrent la jungle par une petite route de terre. Son entrepôt se trouvait sur une petite colline qui surplombait le centre-ville, permettant à Chloé de travailler en toute sérénité. Même si la moitié de Kalao venait lui demander de l’aide ! Chloé était la plus grande mécanicienne au sein de cette piraterie, elle pouvait même réparer leurs vaisseaux spatiaux : une véritable petite génie.

            Petit à petit, ne voulant perdre son temps avec toutes les demandes de la population, elle forma plusieurs personnes à son métier. Maintenant, une véritable équipe avait monté un autre bâtiment au cœur de Kalao pour participer à sa rénovation.

            Rune l’aida à porter la caisse à l’intérieur, découvrant ainsi les lieux pour la première fois. L’endroit jouissait d’un immense flot de lumière grâce aux immenses fenêtres construites en hauteur. Le reste, ce n’était que des étagères et des tables en bois abritant des amas d’outils et d’outillages divers et variés.

            – Bonjour, madame Rune.

            L’intéressée pivota vers la voix robotique. Rody sortit de l’ombre, les circuits de son ventre à l’air. Il la salua de la main.

            – Tiens, Rody ! Qu’est-ce que tu fais avec les fils à l’air ? questionna Rune.

            – Vous n’aimez pas me voir nue ?

            Rune eut un rictus, surprise.

            – Qu’est-ce que tu fous ? Je t’ai dit de ne pas bouger pendant ta mise à jour ! s’énerva Chloé en lui tapant sur la tête.

            – Mais c’est long… Vous n’avez pas un débit plus rapide ? se plaignit Rody.

            – T’as cru qu’un programme était rapide à copier dans ton disque dur antique ?

            Rody haussa les épaules.

            – Donc, va t’assoir et mets-toi en veille ! ordonna Chloé.

            Le robot se tourna vers Rune.

            – Elle me fait peur… avoua-t-il.

            Rune ricana.

            – Ouais, à moi aussi. Tu ferais bien de l’écouter alors !

            Ne voyant aucune aide de sa maitresse et les yeux flamboyants de Chloé, Rody se décida à l’obéir. Une fois débarrassées, les deux jeunes femmes se rendirent dans un petit restaurant à l’autre bout de la ville, où il était possible de manger une bonne assiette de fruits de mer, installés sur une belle terrasse surplombant la plage.

            Chloé lui expliqua tout ce qu’elle faisait ici, même si Rune ne lui avait absolument rien demandé. Elle se contenta de l’écouter en hochant la tête, alors que son mal de crâne ne s’arrangeait pas. Heureusement qu’elles se trouvaient sous un parasol, sinon Rune serait en train de se décomposer avec ce soleil de plomb.

            Manger un peu lui fit le plus grand bien. Rune avait l’impression de revivre à présent, la gueule de bois bien loin derrière elle. Au dessert, les deux jeunes femmes reçurent une belle part de gâteau fait maison. Alors que Rune allait enfourner une part dans sa bouche, Chloé lui posa LA question chiante.

            – Tu ne veux toujours pas nous rejoindre ?

            Rune lâcha sa fourchette et soupira de lassitude.

            – Sérieusement ? Vous allez venir les uns après les autres pour me poser la question ?

            Chloé pouffa.

            – Sans doute ! Bardy aimerait t’avoir avec nous et… moi aussi à vrai dire !

            – Chloé…

            – Je ne disais pas ça parce que tu me plais ! s’emporta-t-elle. Enfin, si un peu quand même… Faut dire que t’es… vraiment parfaite ! Mais, plus sérieusement, t’es une chic femme ! tu nous as souvent aidés et…

            – Arrête, coupa Rune. J’ai eu le même discours hier. Je n’ai rien de chic. Trouvez quelqu’un d’autre.

            Rune se leva, laissant son dessert sur la table, puis retourna chez elle. Elle commençait à en avoir assez de voir les membres de Bardy, juste là pour tenter de la recruter tous les jours. D’habitude, ils n’insistaient pas autant. Peut-être avait-il eu vent de l’idée d’Ornella de la chasser à jamais de la planète ? Peur de ne jamais la recruter, ils ne voulaient pas la laisser filer entre les doigts.

            Rune ne savait toujours pas quoi faire. D’un côté, elle refusait catégoriquement d’intégrer une équipe, mais d’un autre, elle ne voulait pas perdre ce lieu qui lui servait de maison. Perdre son point de chute, encore… C’était déjà arrivé quand elle vivait avec ses parents sur Terre, et cela risquait de se reproduire.

            Elle sourit, se sentant juste stupide. Craindre de se retrouver toute seule, mais refuser de rejoindre un groupe ? Franchement, cette situation la dépassait et elle restait perdue dans ses pensées pendant tout le trajet jusqu’à son logement. Fort heureusement, personne ne s’y trouvait à ses dépens, comme la veille. Avec Rody en cours de mise à jour, elle pouvait rester tranquille sans être embêtée par qui que ce soit.

            Elle s’occupa d’abord de remettre de l’ordre dans ce dépotoir. Rien qu’à la vue des bouteilles vides, elle sentit un relent d’alcool monter. Comment avait-elle fait pour ingurgiter tout cela ? Cela la dépassait. Pas question de remettre ça ce soir, au contraire, elle préféra se poser dans son canapé et regarder une série.

            Peut-être devrait-elle sérieusement chercher à trouver un hobby ? Après tout, même Rody découvrait sa voie, décidée d’apprendre à jouer d’un instrument. Mais elle, que pourrait-elle faire ? Qu’est-ce qui lui faisait envie ? Pas grand-chose, à vrai dire.

            Faire de la musique aussi ? Non. Ou pas du métal ! Elle s’imagina en train de jouer aux côtés de Rody, et voir son robot faire le cinglé sur scène la fit sourire. De la peinture ou du dessin ? Vu ses compétences en la matière, elle pourrait au moins faire des personnages en fil de fer. Pêcher ? Comme beaucoup de pirates sur cette île. Mais elle se voyait déjà s’impatienter et balancer une grenade pour faire remonter la poiscaille. Elle ne trouva rien à son goût. Peut-être que quelque chose lui viendrait un jour, qu’elle s’y lancera corps et âme, lui faisant oublier sa vie de mercenaire.

            Alors que la naine jaune se couchait pour laisser place aux ténèbres, elle se dirigea dans la cuisine pour faire réchauffer des cuisses de poulet et des frites. Rien de mieux pour une soirée télé ! Elle récupéra le saladier, mangeant une pomme de terre, puis la sonnerie de la maison retentit. Elle roula des yeux, énervée d’être dérangée dans son petit moment tranquille. Lorsqu'elle ouvrit la porte, elle se retrouva nez à nez avec Zaz.

            – Non, mais merde quoi, pesta-t-elle. Tu viens toi aussi me casser les ovaires pour que je rejoigne votre équipage ?

            Zaz fronça les sourcils et lui fit signe de se calmer.

            – Hé ho, doucement ma belle ! Et non, je ne suis pas là pour ça, mais pour t’inviter à une soirée.

            Rune resta coi. Elle regarda derrière elle pour être sûre qu’il parlait bien d’elle. Rune se montra du doigt, perplexe.

            – Qui ça, moi ?

            – Bah oui, pas ton cornet de frites ! On fait une grande fête sur la place de la ville et j’ai besoin d’une cavalière.

            Rune ne savait pas où se mettre. Était-il sérieusement en train de l’inviter à danser ? Cela ne lui était jamais arrivé. Lorsqu’elle étudiait encore sur Terre, les écoles ne proposaient plus de soirée balle comme autrefois, cela devenait bien trop ringard. Voir dangereux aujourd’hui…

            – Attends, tu trouves que j’ai une tronche de danseuse ?

            Zaz l’observa en croisant les bras.

            – Tu as un visage d’ange, Rune. Je suis sûr que tu ferais une excellente danseuse.

            Elle se mit à pouffer d’un rire nerveux.

            – C’est une technique de drague ça ? railla-t-elle.

            – Des fois, ça marche !

            – Bah va voir une fille avec qui ça fonctionne. Moi, je vais manger ça devant ma série, expliqua-t-elle en montrant son saladier.

            – Aller, viens ! Sors un peu de ta bulle, tu ne vas pas le regretter. Promis !

            Encore des promesses. Mais le pire, c’est qu’elle ne comprit pas pourquoi elle le suivit dans son délire. S’il voulait se faire marcher sur les pieds avec ses grosses bottes, c’était tant pis pour lui !

            Zaz l’accompagna jusqu’à la place de Kalao. Investi massivement par la population, un brouhaha mêlé de cris de joie et de musique s’élevait dans les airs. Des musiciens sur une estrade offraient un concert à tous les convives, tandis que des traiteurs proposaient un immense buffet à volonté. De quoi satisfaire l’envie de poulet rôti de Rune.

            Tout le monde dévisageait Zaz, alors qu’il passait son bras sous celui de Rune. Ses joues s’empourprèrent, sachant ce qu’il était en train de faire. Elle le lui retira vivement avant de prendre une assiette pour déguster tout ce qui se trouvait sur cette grande table. Il la suivit de près, lui racontant l’histoire de cette fête : Yadelaine.

            Tous les mois, ils organisaient des festivités si les récoltes étaient bonnes. Cela augmentait la motivation des femmes et des hommes qui œuvraient pour Avracham. Ornella s’amusait à s’en occuper à chaque fois, mais Rune se sentit étrangère. Comme si elle n’avait pas le droit de s’y trouver. Après tout, elle ne faisait pas partie de ce groupe…

            Indécise, Zaz la traina jusqu’à une table pour manger, mais elle restait les yeux dans le vague.

            – Qu’est-ce qui t’arrive ? questionna le pirate.

            – Rien rien… Je ne me sens pas trop à ma place, ici…

            Zaz ne savait pas quoi faire pour lui remonter le moral. Finalement, il se leva en tapant violemment sur la table. Rune sursauta, surprise, puis il lui agrippa le bras et la poussa à se joindre à lui sur la piste de danse. Le cœur battant la chamade, elle tenta de lui expliquer qu’elle n’y connaissait rien et qu’elle risquait de le tourner en ridicule, mais il s’en fichait royalement.

            Il lui prit délicatement les mains et lui expliqua les pas à faire. Rouge comme une tomate, Rune essayait de suivre, même si elle n’aimait pas sentir les regards posés sur elle. Le cœur battant, elle essaya de se concentrer sur les commentaires de Zaz alors qu’elle tentait de reproduire ses mouvements. La musique était rythmée et elle devait le suivre, ce qui semblait compliqué aux premiers abords, mais finalement, avec un peu de temps, Rune y parvint aisément.

            Content de lui avoir appris quelque chose, Zaz s’amusa avec elle. Il continua de la faire danser, tandis que Rune oubliait tous ses problèmes. Pour la première, elle resta souriante au milieu de cette bande de fêtards. Cela lui faisait du bien de se sentir acceptée par tout le monde, mais elle avait peur. Toujours. Cette crainte qui restait au fond de son être, tapis dans l’obscurité, celle qui lui refusait de se lier à quelqu’un, que ce soit par amour ou amitié. Cette appréhension de recevoir la même question que Yuki et Chloé…

            Après plusieurs musiques, Rune ne sentait plus ses jambes. Elle s’excusa et retourna s’assoir pour boire un grand verre d’eau. Plus la nuit avançait, plus elle sentit la fatigue la gagner. Pas étonnant avec ce qu’elle avait bu la veille…

            Elle remarqua Chloé dans la foule. Elle avait l’impression qu’elle était en transe. Elle dansait merveilleusement bien, et toujours avec des femmes. En parcourant les invités, elle trouva Yuki à une place de choix : devant le buffet. Mais comment faisait-elle pour garder autant la ligne alors qu’elle passait son temps à dévorer tous les plats qu’elle voyait ? Puis Bardy. Il discutait avec Ornella une bière à la main. Rien qu’à la vue de la chef incontestée d’Avracham, Rune sentit un malaise l’envahir.

            Zaz arriva en trombe et s’assit en face d’elle, la respiration haletante.

            – Fiou ! Tu vois ! Tu t’es super bien débrouillé !

            Rune lui sourit.

            – C’est vrai. Je ne pensais pas que j’y arriverais si facilement.

            – Facilement, n’exagère pas. Je ne sens plus mes doigts de pieds à force de sentir tes bottes dessus.

            La honte envahit la jeune femme.

            – Je t’avais prévenue ! s’exclama-t-elle avant de se rembrunir. Désolée…

            Zaz se mit à rire en tapant sur la table.

            – Je déconne ! Allez viens on y retourne !

            Elle écarquilla les yeux.

            – Quoi ?

            – Ça va être les jeux ! Tu vas faire équipe avec moi, viens !

            – Mais…

            Elle n’eut pas le temps de lui demander ce qu’il comptait faire, il l’entraina de force en plein milieu de la place pour ce « jeu ». Des combats en duo, mais pas n’importe lesquels. Zaz devait porter Rune sur ses épaules et elle devait faire tomber l’équipe adverse, le tout sur un rondin poster au-dessus de la rivière.

            Mal à l’aise, Rune essayait de ne pas trop bouger pour permettre à Zaz de garder l’équilibre. Grâce à ça, elle sortit victorieuse de plusieurs combats, puis vint Bardy et Chloé. Alors que le combat tournait en lutte, Chloé et Rune essayaient de se renverser. Chloé gagna d’une façon aussi spectaculaire qu’inattendue. Elle agrippa la tête de Rune et posa ses lèvres sur les siennes. Rune sentit même sa langue s’entremêler à la sienne. Rouge de honte, elle essaya de la repousser, mais Rune fit perdre l’équilibre à Zaz et Chloé n’eut qu’à la bousculer pour la faire tomber à l’eau.

            Chloé fut acclamée, tandis que Rune émergea des flots pour retourner sur le ponton. Elle hurlait qu’elle avait triché, mais Chloé lui tira la langue comme réponse. Zaz l’aida à remonter, puis lui tendit une serviette, hilare. Il lui dit d’accepter leur défaite, mais Rune ne le voulait pas. Elle aurait sa vengeance !

            Lorsque Rune montra sa fatigue, Zaz se permit de la raccompagner jusqu’à chez elle. Ils discutèrent ensemble de la soirée, et Rune lui avoua la visite d’Ornella l’autre soir. Zaz n’en parut pas surpris. Il lui expliqua qu’Ornella se trouvait dans une situation compliquée en acceptant qu’une étrangère habite sur cette planète, raison pour laquelle elle lui avait lancé un ultimatum.

            Rune le comprenait, mais elle ne savait toujours pas quoi faire. Zaz la déposa à l’entrée de chez elle, puis la salua avant de s’éloigner, laissant Rune seule. Elle resta sur le pas de la porte à le regarder, consciente qu’elle devait au moins lui dire quelque chose.

            – Merci ! cria-t-elle.

            Le mot sortit tout seul de sa bouche. Zaz, interloqué, fit volt face avec un sourire enjôleur.

            – C’était une bonne soirée, dit-il avant de reprendre la route.

            Rune ne lui avoua pas, mais elle s’était vraiment bien amusée en sa compagnie…

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