Chapitre 13
– Bon, t’es prêt ? demanda Bardy à Zaz.
Le pauvre s’étirait dans tous les sens, époussetant sans arrêt son costume trois-pièces. Il n’avait pas l’habitude d’enfiler ce type de vêtement et ne s’y sentait pas à l’aise. Zaz préférait les pantalons plus amples et les chemises ouvertes, il n’aimait pas qu’ils lui collent à la peau.
– Ouais, ouais… Bordel, vivement que ce soit fini ! râla-t-il.
– Arrête de geindre !
Bardy tapa contre la paroi du fourgon plusieurs fois.
– On compte sur toi Chloé ! cria-t-il.
– Je gère ! répondit-elle, cachée dans l’arrière.
Bardy récupéra une mallette noire vide, puis fixa son coéquipier.
– N’oublie pas ton casque !
Zaz lui fit un clin d’œil et le prit dans le fourgon. Il le mit sur sa tête, faisant office de visière. Impossible de voir ses yeux, seule une bande bleue luminescente apparaissait. Enfin prêt, Bardy rejoignit l’entrée suivie de près par son ami épéiste. Sa lame soigneusement à la ceinture, il espérait qu’on lui autorise le port d’arme à l’intérieur. Après tout, il y avait bien une arène non ?
Bardy s’arrêta devant les gardes et présenta une fausse identité sur un badge : monsieur Hokava. Le gardien le scruta à travers ses lunettes opaques, puis lui demanda de se présenter au comptoir du fond. Bardy le remercia et ils s’avancèrent jusqu’à celui-ci, où un homme les attendait.
– Que puis-je pour vous, messieurs ?
Bardy lui montra de nouveau sa carte, puis demanda à voir le gérant afin de faire des affaires. En recherchant son nom dans la base de données, il le trouva sur le planning et appela la personne en charge du casino. Il lui expliqua qu’un client l’attendait, puis en raccrochant, il fit signe à Bardy de s’assoir le temps qu’il descende.
Le chef des pirates suivit les consignes, tandis que Zaz restait debout à côté de lui à scruter les environs. Bardy devait reconnaître qu’il jouait son rôle à la perfection. En même temps, Zaz restait le plus hardi de son équipe. Toujours à l’affût, il prenait chacune de ses missions au sérieux, quitte à changer de personnalité lorsqu’il travaillait.
Bardy croisa les jambes, serein. Il savait qu’il ne risquait rien avec lui à ses côtés. Tout allait se jouer avec Rune dans cette histoire. Il trouvait ça bizarre que Kalveo ne désirait qu’elle sur ce coup, surtout avec le danger qu’ils risquaient, mais la paye était plus que juteuse. De quoi vivre un bon mois sans rien faire d’autre. Un mois de vacances sur Avracham ! Cette idée lui arracha un sourire.
– J’ai repéré la porte, entendit-il dans son communicateur.
Enfin quelque chose d’intelligent qui sortait de cet appareil. Depuis tout à l’heure, il entendait les deux femmes parler de nourriture. Yuki n’en faisait qu’à sa tête lorsqu’elle découvrait des buffets. Il eut un rictus. Pauvre Rune, obligée de faire équipe avec la gloutonne de service, sans parler de la nuit qu’elle avait dû passer avec Chloé. La bleusaille subissait un bizutage, mais il était tellement fier de la recruter.
Cela faisait plusieurs mois qu’il travaillait indirectement avec elle. Il lui donnait de petits boulots bien payés depuis qu’elle l’avait aidé lors d’une mission qui avait tourné au vinaigre. Une histoire d’enlèvement d’enfant sur une planète malfamée. Il s’était fait prendre lors de leur évasion et Rune leur avait sauvé la vie. Depuis ce jour, il lui devait bien quelques jobs correctement rémunérés, mais il voulait bosser avec elle !
Rune possédait un esprit vif et combatif comme personne. Elle n’hésitait pas à aider les gens dans le besoin, malgré ses faux airs de caïd. Bardy savait qu’il pouvait mettre sa vie entre ses mains sans problème ! Dommage qu’elle rejetait tout le monde sans cesse, mais heureusement que Chloé et Ornella s’étaient attelées à la faire changer d’avis. Il n’avait pas encore compris comment elles avaient fait, mais qu’importe, l’important était de ne pas la perdre.
Le gérant arriva par le biais d’un ascenseur situé derrière le comptoir. Il arriva dans un costume étrange. Bien large et bouffant, il était impossible de voir ses mains. Une espèce de capuche rigide ovale se tenait derrière sa tête, Bardy avait l’impression de voir une cuillère géante marcher vers lui. Il réprima un rire et se leva pour le saluer d’un geste de la tête.
– Bonjour Mr Hokava, dit-il de sa voix juvénile.
Bardy eut un mouvement de recul, surtout pour une personne d’une quarantaine d’années. Il essaya de ne pas dévoiler son rire intérieur.
– Bonjour, monsieur Yokohono, répondit Bardy. Comment allez-vous ?
– Ça va, merci. Toujours aussi compliqué de gérer un tel établissement, mais je m’en sors. Voulez-vous me suivre dans mon bureau ?
– Avec plaisir.
Bardy et Zaz suivirent Jingle Yokohono jusqu’à l’ascenseur puis allèrent au dernier étage, déverrouillé seulement par la clé qu’il possédait. Les portes s’ouvrirent sur son bureau personnel, dont la table formait un beau cookie. Bardy observa Zaz, dont le casque dissimulait son expression faciale. Ce peuple jurait que par ce gâteau aux pépites de chocolat ?
Le gérant s’installa sur son siège blanc, tandis que Bardy se posa en face. Zaz, comme d’habitude, restait debout, les mains dans le dos.
– Je vois que les cookies sont très importants pour vous, signala Barn en désignant la table d’un geste de la main.
– Oh oui ! Ils possèdent tous les inhibiteurs de violence que l’on offre à notre peuple.
Bardy fronça les sourcils. Pourquoi Kalveo voulait-il voler ça dans ce cas ? Il ne comprenait pas bien le petit jeu de ce mercenaire, mais qu’importe, la paye restait juteuse.
– Votre peuple est au courant ? s’étonna tout de même le chef des pirates.
– Bien entendu ! Tout le monde est parfaitement conscient de ce qu’ils ingurgitent. Nous, la fédération blanche, nous ne sommes pas tombés aussi bas que la république de Karos, corrompus jusqu’à l’os !
Bardy en avait oublié le véritable nom de la fédération. Blanche. Depuis toujours, tout le monde les appelait les froussards à cause de leur slogan faisant bien trop « paix et amour ».
– Comment cela se fait-il qu’il y ait des jeux d’argent alors ? questionna Bardy. Je veux dire, il y a même une arène de combat à ce que j’ai pu voir.
Le gérant prit une tasse de thé et y versa de l’eau chaude. Il en proposa à son hôte, qui refusa poliment.
– C’est fort simple. L’effet des cookies dure environ un an. Une fois fait, la population est invitée à venir en chercher gratuitement où ils le souhaitent, et bien sûr dans nos casinos. Ici, pendant une journée, ils peuvent laisser libre cours à leurs pulsions, bien que les lieux soient très encadrés, cela va de soi !
– Oh je vois, c’est très intéressant comme méthode.
– Et oui ! Dommage que le reste de la galaxie ne veuille pas nous rejoindre dans notre politique de non-violence.
Bardy avait bien envie de lui rire au nez, mais cela ne se faisait pas entre hommes d’affaires. L’être humain n’était pas fait pour vivre de cette manière, c’était contre sa nature. Même si certains avaient d’eux même choisi cette voie, un jour leur pulsion reprendrait le dessus pour s’élever contre les dirigeants.
– Que venez-vous donc faire dans notre casino ? Vous n’êtes pas d’ici n’est-ce pas ?
Bardy croisa les jambes, souriant.
– Effectivement. Je viens d’une lointaine planète malfamée où la violence est maîtresse de nos vies. J’aimerais vous acheter une cargaison de ces délicieux cookies.
Le gérant fronça les sourcils, le foudroyant de ses prunelles d’ambre.
– Vous n’êtes pas sérieux ?
– Bah si, pourquoi ?
Jingle se leva d’un bond.
– Ils ne sont pas à vendre !
– Mais j’ai une mallette pleine de pognon galactique ! dit-il en lui montrant l’objet en question.
Le gérant gloussa.
– De l’argent ? Mais monsieur, ici la vie ne fonctionne pas comme ça. Nous nous rendons des services pour nous payer.
– Si vous voulez, j’ai quelque fusil dans la bagnole ?
Bardy perdait patience. Il n’en avait même pas conscience, mais il devenait vulgaire ce qui risquait de compromettre sa couverture. Le plan de Kalveo ne fonctionnait pas et il s’attisait les foudres de Jingle plus rapidement qu’il pensait.
– Que voulez-vous que je fasse avec des fusils ? s’énerva Jingle en hurlant. Sortez d’ici !
– Mais, je veux des cookies, MERDE ! Bardy tapa du poing sur la table et se leva à son tour.
Zaz mit la main sur son épaule pour le calmer, puis le poussa à reprendre l’ascenseur alors que Jingle appelait la sécurité. Des hommes de main les escortèrent jusqu’à l’entrée, alors que Bardy proférait un tas d’insultes que même ces froussards pouvaient comprendre. Le chef de la sécurité se mêla à ce boucan d’enfer, tandis que Zaz bousculait chacun des gardes avec violence. Bientôt, toute la sécurité les encerclait pour leur intimer de sortir le plus rapidement possible.
C’était maintenant à Chloé de jouer !
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