Penny

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Dissimulée sous les frondaisons d'arbres millénaires, Lophalia comptait depuis toujours sur la canopée amazonienne pour se protéger. Malgré les siècles écoulés, la fin de la magie, la souffrance de Terre-Mère, elle n'imaginait pas l’humanité capable de détruire jusqu'au dernier arbre de son refuge.

Hélas, elle se fourvoyait.

Les flammes dévoraient le poumon de la planète, engloutissaient l'essence même de la vie. Aucune nation pour s'unir, sauver ce bien commun. Elles discutaient, se déchiraient, se disputaient les ultimes lambeaux de ce trésor verdoyant.

Que restait-il à Lophalia pour parvenir à sauver sa vie ? Peu de choses, pourtant un mince espoir subsistait.

Il suffisait qu'un être humain, un seul, croit suffisamment en la magie. Alors, il entendrait son appel, viendrait à elle, et pourrait la conduire jusqu'au « seuil ».

Il donnait sur l’univers où se réfugiaient nombre de créatures fabuleuses.

Lophalia rassembla ce qui lui restait de force spirituelle et appela à l'aide...

Saint-Étienne – France - 1ᵉʳ juillet

Patricia Martin (Pat pour les intimes), entassait dans sa valise un monticule de vêtements hétéroclites. En même temps, elle énumérait des directives à sa fille.

— Tu n'oublieras pas, en partant de poser la clef de la boîte à lettres chez Madame Haddad. Elle a accepté très gentiment de récupérer notre courrier. Oh... Tu penseras au chat...

Elle se redressa et fixa Penny. Adossée au mur de la chambre, elle arborait la mine typique de l'adolescence contrariée. Cela n'enlevait rien à son charme, bien au contraire ; yeux sombres pétillants, cheveux bruns légèrement ondulés,silhouette longiligne.

"Elle est trop maigre !" pensait souvent sa mère.

Penny était dans une phase dite : "Non, mais regardez-moi, je suis grosse, je suis laide et j'ai des bourrelets partout !" De ce fait, elle picorait à chaque repas, dédaignait la viande, n'acceptait de manger que des légumes à l'eau, et se passait de petit déjeuner le matin.

Un souci de plus pour Patricia. Une fois encore, ce séminaire professionnel tombait mal.

— Voyons, ne fais pas cette tête. Ce n'est que pour trois semaines, ensuite je te rejoins chez grand-mère à Allègre.

— Je pourrais venir avec toi ? proposa-t-elle soudain en esquissant un sourire.

— Penny ! Je ne vais pas à Cannes pour m'amuser, c'est pour le travail...

La mine juvénile se rembrunit.

— C’est ça ! Tu seras au bord de la mer, au soleil, les doigts de pieds en éventail sur la plage et ...

— Ça m'étonnerait, tu vas beaucoup plus t’amuser avec Mamie.

— Dans ce trou perdu ? Y'a rien à faire là-bas.

— Ce n’est pas à toi de décider de toute façon.

Furieuse la jeune fille détourna la tête. Un lourd silence s’installa. La mère referma sa valise, demanda :

— Tes bagages sont faits ?

De mauvaise grâce, elle acquiesça.

— Bien, trouve Noisette et mets-la dans sa boîte, je dois me dépêcher sinon je vais rater mon train.

— Lionel ne vient pas te chercher ?

— On se retrouve tous à la gare, de plus...

Le carillon de la porte qui sonnait l'interrompit.

— Ah ! Ça doit être Mamie, dépêche-toi un peu ...

Penny soupira, abandonnant la lutte quitta la pièce suivit par sa mère.

Sur le perron, une femme aux cheveux poivre et sel, au visage rond et à la mine rubiconde patientait. Elles se saluèrent, s'embrassèrent, puis Patricia demanda à sa mère :

— Pas trop de circulation sur la route ?

— Non, j'ai perdu plus de temps à me garer en ville. En définitive, j'ai choisi le parking de Jean Jaurès, c'est un peu cher, mais juste à côté.

La vieille dame s’enquit ensuite, avec une certaine impatience.

— Où est ma jolie Penny ?

— Elle cherche le chat, pour la trouver, suis les nuages noirs... Je dois vraiment y aller...

A cet instant, l’adolescente arriva dans le hall. Elle tenait entre ses bras une petite minette écaille de tortue.

Un éclair de joie traversa son regard sombre.

— Bonjour Mamie Odette, dit-elle, en oubliant sa contrariété.

— Approche-toi que je te regarde, comme tu as encore grandi et embelli.

L’image réminiscente d’une enfant souriante, aux cheveux nattés, l’emplit de nostalgie. Puis, sans cérémonie, elle étreignit sa petite fille et planta sur ses joues deux baisers sonores.

Elle s’éloigna légèrement d’elle, la contempla, avant de gratifier Noisette d'une brève caresse.

Ensuite, la vieille dame fixa sa fille qui se hâtait d’endosser une veste légère, l’ancienne déplora cette brusque distance, mais ne chercha pas à l’amoindrir, avec sa fille, c'était habituel.

D’ailleurs, Patricia ne s'attarda pas, embrassa Penny tendrement, Odette fugitivement et quitta rapidement l'appartement en traïnant derrière elle sa valise à roulettes.

La grand-mère retint un soupir, sourit et demanda à Penny.

— Tes bagages sont prêts ?

— Oui, je n'ai plus qu'à glisser Noisette dans sa caisse de transport.

— Bien, je vais t'aider, nous ne serons pas trop de deux pour décider notre chipie poilue à y rentrer.

Ainsi gagnèrent-elles la cuisine...

Quelque part en Amazonie

L’esprit l'interpella par sa particularité. Lophalia accrocha à cette âme un mince, mais réel cordon mental. L'image d'une jeune fille s'imposa à elle. Svelte, une peau cuivrée, des prunelles flamboyantes, un tempérament sensible au merveilleux.

"C'est elle que je cherche."

Elle lui parla reçut en retour un prénom.

Lophalia, ravie, le trouva doux.

"Bonjour Penny."

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