La maison aux roses
La jeune fille devança sa grand-mère dans la bâtisse. En entrant dans la pièce à vivre, elle ressentit un bien-être immédiat.
Depuis toujours, Penny adorait venir dans cette maison. Ces lieux étaient synonymes de sérénité, de clarté, d'effluves de fleurs, et de confitures qu'Odette confectionnait, l'été venu, dans une grande bassine en cuivre.
Il s'agissait essentiellement de préparation à base de mûres, toutes les deux les ramassaient lors de leurs promenades aux alentours.
Bien sûr, le temps passant, Penny avait moins apprécié ses virées dans les bois et futaies, où tout en récoltant les petits fruits sauvages, son aïeule lui racontait les légendes liées au pays du Gévaudan.
L'arrivée d'Odette la sortit de ses souvenirs et l'incita à reprendre son air renfrogné habituel. L'adolescente s'engagea dans l'escalier en disant :
— Je vais dans ma chambre.
La vieille femme commença à dire :
— Tu as oublié Noisette...
Cependant, Penny arrivait déjà à l'étage. L'aïeule marmonna pour elle-même :
"Bon j'ai compris, c'est moi qui dois prendre soin du chat."
En soupirant, elle retourna à sa voiture.
La jeune fille pénétra dans une pièce à la décoration typiquement féminine, avec un côté enfantin. Ici, pas de posters affichés au mur représentant les derniers artistes du moment, juste un papier peint rose et violet, décoré d'images de fées, de licornes, de lutins et autres personnages fabuleux. Penny aurait très bien pu transformer la décoration de cet endroit, sa grand-mère ne s'y serait pas opposée.
Mais pour Penny, cette chambre n'avait pas pour vocation de recevoir les codes des nouvelles idoles de sa vie d'adolescente, elle restait destinée à conserver les rêves de son enfance.
La jeune fille s'avança vers le lit en traînant sa valise à roulettes, elle laissa son bagage, pour ouvrir la fenêtre.
Le parfum des roses s'invita dans la pièce. Penny s'accouda sur le rebord de la croisée en souriant et laissa son regard se perdre au loin, au-delà de la barrière qui entourait la petite propriété.
Des réminiscences de son âge tendre remontèrent à sa mémoire. Des histoires horribles, qui étrangement, à l'époque, ne l'effrayaient pas vraiment. Son aïeule lui narrait les péripéties consécutives aux attaques de la bête du Gévaudan, au 18ᵉ siècle. Cela avait pour but de dissuader la fillette de s'échapper de la maison, pour courir dans les bois, seule. Plutôt aventureuse, à l'époque, aujourd'hui Odette devait beaucoup insister auprès de l'adolescente pour qu'elle consente à se balader sous les arbres de la forêt proche.
Un coup frappé à sa porte sortit Penny de sa rêverie, elle pivota vers le seuil de la pièce où se tenait sa grand-mère qui lui demandait :
— Viens t'occuper de Noisette, elle miaule à s'en fendre l'âme dans sa boîte.
— Une minute encore !
— Maintenant jeune fille !
Odette sortie, Penny soupira. Oubliant ses souvenirs d'enfance, elle quitta sa chambre, en laissant la fenêtre ouverte...
Finalement, l'installation fut rapide. Noisette prit ses quartiers dans la buanderie jouxtant la cuisine, en accaparant un vieux canapé défoncé, qui attendait depuis dix ans d'être apporté à la déchetterie.
Penny remonta dans sa chambre, juste le temps de vider sa valise et ranger ses affaires dans une armoire en pin blanc.
Ensuite, la jeune fille rejoignit son aïeule dans le jardin. Elles s'installèrent sur du mobilier d'extérieur en bois laqué. Sur les chaises, des coussins arc-en-ciel ajoutaient une note de couleur à l'ensemble.
Odette se saisit d'une cruche en grès posé sur la table puis remplit deux verres en déclarant :
— Voilà un peu de citronnade, je l'ai faite hier.
En souriant, Penny rétorqua :
— Tu dois être l'une des dernières personnes à en fabriquer encore.
— C'est dommage que ce savoir-faire se perde, parmi tant d'autres. Maintenant les gens n'ont plus le temps, ils courent toute la semaine, sans s'arrêter une minute et ils vont au supermarché, acheter des boissons trop sucrées, remplies de substances nocives.
Penny à cet instant se dit : "Je vais avoir droit à une leçon de morale écolo."
Il n'en fut rien, son aïeule se contenta de pousser dans sa direction, une boîte en fer contenant des madeleines, également faites maison. En même temps, elle demanda :
— Alors dis-moi, comment, se sont passés tes derniers jours de lycée ?
Elle répondit avec complaisance, ravie d'échapper, pour cette fois, à de longues admonestations sur la Terre qui se mourait. Cette discussion dura jusqu'au moment de préparer le déjeuner.
Il fut très simple, une salade de tomates du jardin, une omelette à la ciboulette, du fromage de chèvre que sa grand-mère achetait à un producteur du coin et enfin quelques cerises cueillies sur l'arbre qui poussait au fond de la propriété d'Odette.
Penny dévora ce repas pris dehors. Contrairement à son habitude, elle n'avait rien dédaigné. Elle se sentait même incroyablement détendue.
Après celui-ci, la jeune fille aida sa grand-mère à débarrasser la table, puis à nettoyer la cuisine. Ensuite, elle retourna à l'étage, déterminée cette fois à appeler ses amies...
Forêt Amazonienne
Lophalia, réfugiée au cœur d'un des derniers bastions verdoyant du poumon de la planète, était inquiète. L'embrasement de la forêt allait vite, trop vite. De son abri, elle pouvait sentir l'odeur du bois brûlé, des chairs calcinées, de l'eau qui s'évaporait définitivement. Elle devinait la fuite des derniers peuples humains encore dévoués à Terre-Mère. La souffrance de celle-ci transperçait de chagrin son coeur. C'était au-delà du supportable pour. Elle gémit en direction de Penny : "Hâte-toi Enfant, il est plus que temps !"
De l'autre côté de la planète, la jeune fille, assoupie sur son lit, s'éveilla brusquement....
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