Rivette
Le jeune policier se regarde dans le miroir.
Il s'est bien rasé, bien coiffé. Il a mis un bon après-rasage.
Il s'examine avec circonspection.
Oui, il a de jolis yeux marrons, couleur chocolat fondu.
Aux dires de sa mère, bien entendu.
Oui, il a une bouche avec des lèvres douces.
Il sait très bien embrasser.
Aux dires de ses rares conquêtes. Que sa mère ignore, bien entendu.
Hélas, il a un nez, un peu trop fin pour sa part.
Pas assez viril !
Mais sa mère l'adore !
Elle dit que cela lui donne un air enfantin, adorable.
Rivette préférerait un air mâle.
Il baisse les yeux et regarde ses mains.
Trop fines, trop blanches, trop petites.
Halala !
Les yeux marrons reviennent dans le miroir.
Le jeune policier porte très bien l'uniforme. Ses épaules sont assez larges et sa taille assez fine.
Oui, il manque peut-être de virilité dans le visage, trop doux, mais le reste est parfait.
Peut-être aujourd'hui, aura-t-il le courage d'inviter la jeune policière du XVe arrondissement à prendre un verre...
Rivette se regarde encore, maudissant ses joues qui s'enflamment.
Puis une voix amusée et moqueuse retentit près de son oreille.
" Tu t'es fait tout beau, Rivette. Un rencard ?
- Fous-moi la paix !"
Mais dans le miroir n'apparaît que l'image du jeune officier.
" Et toi ? Tu songes à raser tes rouflaquettes ? C'est passé de mode, tu sais ?," lança Rivette, agacé.
Rivette se retourne pour voir son exaspérant collègue.
Juste à ses côtés, mais pas dans le miroir.
Le vieil inspecteur hausse les épaules, blasé.
" Et comment je fais cela, jobard ? Voilà deux cents ans que je ne me vois plus dans les miroirs."
Rivette acquiesce et retourne à son inspection.
Les gants, l'uniforme, les cheveux, les dents.
Tout est propre et bien tenu.
Puis un souffle de vent, espiègle, décoiffe sa chevelure.
" Tu es plus beau quand tu as les cheveux emmêlés."
Et le jeune inspecteur retrouve son sourire, amusé.
Il se met à rire.
Il est plus beau ainsi, c'est vrai.
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