Prologue
Russie
Je déteste venir ici. Pas vraiment le choix, mais c’est toujours une épreuve pour moi. Les souvenirs affluent et ils ne sont pas positifs. La grande bâtisse aux allures de château renferme beaucoup de sombres secrets, sans doute autant que les deux gorilles qui se tiennent devant la porte. Évidemment, ces deux imbéciles me reluquent comme si j’étais une glace prête à être dévorée, et j’ai doublement envie de m’en prendre à Pavel qui me fait chercher n’importe où, n’importe quand, au gré de ses besoins.
Lorsque Vassili, le bras droit du scélérat qui m’a sortie de ma soirée entre filles, m’ouvre la porte du bureau, j’y pénètre sans pouvoir masquer mon agacement. J’ai beau savoir que c’est une mauvaise idée, que je devrais paraître calme et détachée, c’était mon premier soir de libre après des semaines de boulot à droite, à gauche, et si je déteste me retrouver ici d’ordinaire, cela n’en est que plus vrai ce soir alors que je devrais danser et boire sans me soucier de ce qui m’attend
— Salut, Pavel. Qu’est-ce qui requiert ma présence en urgence, au juste ?
Le grand blond d’une quarantaine d’années, tourné vers la fenêtre, souffle la fumée de son cigare en se retournant lentement, accentuant encore le cliché du chef de clan russe qu’on peut voir dans les films. C’est presque risible, mais je me garde bien de me foutre de lui.
— Bonjour la Môme. Tu es en retard, il me semble, énonce-t-il d’une voix glaciale.
— Je suis là, c’est déjà pas mal étant donné que j’ai picolé et que je comptais me trouver un plan pour la nuit. Maintenant, il va falloir que je pioche dans tes hommes, c’est vachement moins drôle.
— Tu es tant en manque que ça ? Pourtant, ta dernière conquête, c’était juste il y a deux jours. Tu as bien fait de le larguer, c’était une tête de con. Mais bon, on n’est pas là pour parler de tes plans culs, si ?
Je déteste quand il m’espionne comme ça. Foutu mafioso. Je sais qu’il était ami avec mon père, mais j’ai l’impression qu’il cherche à jouer ce rôle paternel et ça m’agace.
— Non, mais je t’ai posé une question en arrivant et je n’ai toujours pas de réponse. Alors, à qui la faute si on papote comme des gonzesses en terrasse ? Ou des mecs au bar, d’ailleurs, dis-je sur le ton de la plaisanterie en m’installant sur le canapé.
En cuir, forcément. Cliché, encore.
— Si tu es là, tu sais bien pourquoi, la Môme, alors, ne fais pas ton innocente et tu ferais mieux de poser les bonnes questions si tu veux avoir les bonnes réponses, soupire-t-il. Je t’ai connue plus affutée que ça, ça promet pour la mission qui s’annonce.
— C’est peut-être toi qui vieillis un peu trop rapidement pour ne pas comprendre que je cherche à t’énerver. Donc, encore une mission ? Il n’y a plus que moi qui bosse à ton service ou quoi ? Je les enchaîne depuis des semaines.
— Là, tu es la personne parfaite pour ce que je veux faire. Ton joli petit cul fera des merveilles, encore, j’en suis convaincu. Et tu parles français, non ? Ta mère t’a quand même laissé ça ?
Cette fois, c’est lui qui va m’énerver. Et il le sait, en plus, ce con.
— Je n’ai aucune envie de rentrer en France. Si j’y vais, je te préviens, je ne reviens pas. Je disparaîtrai. J’en ai ma claque de dire amen à tout ce que tu me demandes. Je n’ai jamais choisi d’être ici.
— Tu fais ce que je te dis, tu sais bien que tu n’as pas le choix, Lyana. Si tu ne reviens pas, tu sais que je te retrouverai. Où que tu sois. Alors, tu vas être gentille et tu vas aller t’installer en France parce que c’est là-bas qu’est ta prochaine cible. Et tu y restes tant qu’on ne t’active pas, d’accord ? indique-t-il d’un ton qu’il veut menaçant mais que je trouve pathétique.
— J’en ai marre d’être gentille, Pavel. Je t’ai déjà dit je ne sais combien de fois que je voulais arrêter ces conneries. C’est qui, cette cible ? Je vais encore devoir tuer quelqu’un ? Parce que ça, je t’assure que ça me gonfle. Mon père ne m’a pas envoyée en France pour rien quand j’étais gosse. Il voulait éviter que je finisse entre tes sales pattes, ou celle de ton prédécesseur.
— Tu ne tueras point, tu connais les commandements de notre Seigneur, quand même, se moque-t-il en souriant. Et là, c’est pas le but de la mission. Ta cible, il faut surtout que tu saches qui la renseigne. On a une taupe au sein de Ruspharma. Et on doit savoir qui c’est pour l’éliminer. Quand on saura qui c’est, on verra pour éliminer les vermines nous-mêmes. Et si tu ne voulais pas finir dans mes sales pattes, tu n’avais qu’à dire à ton père que c’était une mauvaise idée de venir perdre son fric dans mes casinos.
— Je ne suis pas mon père. Je ne crois pas avoir signé les papiers pour la succession qui impliqueraient que je doive rembourser ses dettes. Tu m’envoies où, en France ?
— Tu aimes les vaches et la campagne ? me demande-t-il sans relever mes propos sur l’argent car il sait qu’il me tient en son pouvoir.
— J’allais te dire que je ne voulais pas d’appartement et que j’avais besoin d’une cour pour Guizmo, mais je ne m’attendais pas à ça… Au moins, il y aura moins de monde dans les parages, soufflé-je. Je pars quand ?
— Tu vas partir dès la semaine prochaine. Et quand on t’active, tu te bouges le cul pour trouver les infos. Tous les moyens sont bons, il ne faut lésiner sur rien. La cible a les moyens de faire tomber la poule aux œufs d’or de l’organisation. Tu imagines le boxon, après coup, si ça arrive ? On ne peut pas se le permettre. Donc, je compte sur toi pour résoudre ce petit souci. C’est clair ?
Ne lésiner sur rien, ça veut tout dire. Mais… ça a ses avantages.
— Donc, j’ai budget illimité ? souris-je comme une gosse alors que je sais que je vais le gonfler. Ça fait une éternité que je n’ai pas fait de shopping.
— Tu rigoles ou quoi ? C’est le même tarif que d’habitude. Et toutes les dépenses doivent être justifiées. Toutes, j’ai dit. Alors, si tu t’achètes une petite culotte en dentelle, tu as plutôt intérêt à ce qu’elle serve à séduire la cible plutôt qu’à draguer ton prochain coup d’un soir. Compris ?
— C‘est toi qui rigoles, Pavel. Tu crois vraiment que je vais jouer la vierge effarouchée durant toute ta mission pourrie ? Ce cul mérite les meilleurs tissus et les plus belles fringues, pour te servir dans ces missions comme pour me servir pour tenir le coup et ne pas buter tous les cons qui se trouvent ici. Si j’ai envie de baiser avec le boulanger, je ne me gênerai pas, tu peux en être sûr, dis-je en me levant. Autre chose ?
— Ouais, tu comptes partir sans même un câlin d’au revoir ? Tu sais que ça fait longtemps que tu n’as pas passé une nuit avec moi, ça me manque, la Môme.
— Je t’ai dit que j’en avais marre de la Mafia, ça vaut aussi pour le cul. Je préfère les gars gentils, mais tu le sais déjà puisque tu me fais suivre à la trace. Maintenant, si tu m’assures que cette mission est ma dernière, je peux te garantir que tu passeras la meilleure nuit de ta vie, Pavel, minaudé-je en approchant sans redescendre ma jupe qui est remontée sur mes cuisses.
— Si c’est la meilleure nuit de ma vie et que tu réussis à trouver la taupe, c’est possible que l’on ne t’embête plus avec des missions, en effet.
Il tend les bras vers moi et pose sa main sur mon genou avant de le remonter lentement sur ma peau nue.
— Possible ? Ce n’est pas une garantie suffisante, ça, continué-je sur le même ton avant de le repousser pour m’asseoir sur le rebord de son bureau. Je veux ta parole, Pavel. J’ai suffisamment payé, tu ne crois pas ?
Ses yeux s’écarquillent alors que j’écarte les jambes devant lui et que je me penche en lui offrant ainsi une vue imprenable sur mon décolleté, ce qui le fait bander si j’en crois la bosse que je devine dans son pantalon de costume hors de prix.
— Oui, je crois bien, la Môme. La meilleure nuit, la taupe et tu es libre. Deal ?
Pavel respecte toujours ses promesses et j’espère qu’il en sera de même pour celle-ci. J’ai envie de me ranger, je n’en peux plus de tout ça.
— Très bien, dis-je en tendant la main, qu’il me serre après un soupir. Meilleure nuit, dernière mission. J’ai besoin d’une douche, tu me prêtes la tienne ? Ou… tu m’accompagnes ? J’adore quand toi et moi, on fait ça sous la douche.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre et saute du bureau en attrapant sa main pour l’entraîner dans la pièce d’à-côté. Me voici une nouvelle fois à devoir vendre mon corps, j’espère bien que ce sera la dernière fois. Heureusement que Pavel n’est pas le pire des coups possibles. En fermant les yeux, j’arrive à imaginer que le grand blond est Chris Hemsworth. Ça passe. Ne me reste plus qu’à lui faire passer une nuit de dingue. Une chose est sûre, Pavel sera crevé demain.
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