13. Petit déjeuner sous haute-tension
Théo
En ce dimanche matin, alors que la radio me délivre son lot quotidien de drames, de discours politiques auxquels il est difficile de croire, de reportages sur tout et n’importe quoi, je laisse mes pensées dériver sur la journée que j’ai passée hier. Alors que je me faisais une joie de recevoir Priscillia, celle-ci a dû annuler sa venue. Elle m’a dit qu’il y avait du nouveau dans l’enquête me concernant, et qu’il faut qu’elle s’en occupe avant de pouvoir se libérer. J’ai bien compris qu’elle ne me disait pas tout et que ma sécurité est peut-être en jeu. C’est clair que si elle continue à venir me voir régulièrement, ses mouvements risquent d’être repérés et ma planque démasquée. Heureusement que j’ai pu passer une partie de cette journée avec Lyana dont la compagnie se révèle être beaucoup plus agréable que ce à quoi je m’attendais quand elle a débarqué avec son chien dans la maison.
J’ai vraiment profité de sa présence et de l’entente naturelle qui existe entre nous. Et clairement, elle m’attire. La voir faire du sport à quelques mètres a été une véritable torture pour mes hormones qu’elle a su réveiller. Ses jambes nues en plein effort, les gouttes de sueur qui coulaient entre ses seins qui, eux, se soulevaient ou se balançaient au rythme de ses efforts, tout était fait pour réellement m’exciter. Mais au-delà de cette attirance physique bien réelle, il y a tout le reste. Lyana me plait énormément, c’est indéniable et j’ai l’impression que quand je suis avec elle, l’air a une épaisseur plus importante, qu’il y a comme une tension dans l’atmosphère qui disparaît quand elle s’éloigne. Il faut que je me reprenne car ce n’est pas une bonne idée de me laisser glisser dans cette direction.
Afin de me libérer l’esprit de ces pensées, j’essaie de me concentrer à nouveau sur Priscillia et je repense à sa proposition de chanter pendant que je l’accompagne. Je me dis que comme elle n’est pas là, je devrais en profiter pour m’entraîner et comme ça, la semaine prochaine, je pourrai lui faire la surprise d’être prêt. Je remonte donc dans la petite pièce sur le devant de la maison où j’ai installé le clavier que j’ai récupéré à une Ressourcerie locale. Il n’est pas tout neuf, mais en parfait état de marche. Je l’allume et installe l’écran de mon ordinateur sur le pupitre que j’ai aussi acheté. Ce n’est pas l’installation la plus traditionnelle, mais je n’ai pas d’imprimante, et c’est un moyen comme un autre d’apprendre les partitions. Je mets mon casque pour ne pas déranger ma voisine et me lance dans la musique comme je le fais dans la pâtisserie, avec la volonté de tout oublier du monde extérieur.
Je sors de ma rêverie musicale quand j’entends que quelqu’un frappe fort sur la porte du bas. Tout de suite, je m’imagine qu’ils m’ont retrouvé et que ma dernière heure est arrivée, mais je parviens à calmer mes inquiétudes. Et quand j’enlève mon casque et que je vois que j’ai oublié de le brancher au synthé, je pense comprendre qui est en train de marteler ma porte de ses poings. Prêt à affronter une furie, je m’empresse de descendre les escaliers. Quand j’ouvre la porte, je suis obligé d’arrêter le poing de Lyana avant qu’elle ne me frappe au visage. Je suis surpris de sa force car j’ai du mal à faire avorter son geste.
— Ouh là, ne va pas me tuer, non plus. Je suis désolé pour le bruit, ce matin. Je ne l’ai pas fait exprès !
— Tu ne l’as pas fait exprès, sérieusement ? Laisser la lumière allumée, je veux bien, oublier un pot de peinture dans le couloir, ça passe, mais la musique à fond à cette heure sans en faire exprès ? T’es dingue ou quoi ?
— J’avais mis mon casque, je te jure, dis-je en lui montrant en effet l’objet dans mes mains. Mais j’ai oublié de le brancher… Et pris dans la musique, je n’ai pas réalisé, je suis vraiment désolé.
— J’ai bossé quasiment toute la nuit, marmonne-t-elle, et c’est forcément ce matin que tu te prends pour Debussy ?
— En fait, c’était plutôt pour Goldman, je suis surpris que tu n’aies pas reconnu. Quand la musique est bonne, quand elle ne triche pas, quand la musique donne, donne, donne… chantonné-je pour démontrer mes propos. Tu vois, ça ne fait pas trop Debussy, si ?
— Tout ce que j’ai entendu c’est du bruit, en fait, continue-t-elle en baillant. Mon cerveau est encore débranché, là.
C’est clair qu’elle a l’air de sortir du lit. Je peux encore voir la trace de l’oreiller sur sa joue et maintenant qu’elle s’est un peu calmée, je réalise qu’elle est vraiment très peu vêtue. Elle porte juste cette longue chemise de nuit claire et presque transparente et je ne peux que constater que ses tétons sont clairement visibles sous le tissu qui ne cache pas non plus ses magnifiques jambes. La jolie rousse m’excite vraiment et il faut que je trouve un moyen de calmer mes ardeurs sinon je vais finir par lui sauter dessus.
— Du bruit ? Eh bien, c’est flatteur, dis-je. Promis, j’arrête de jouer maintenant et je vais te laisser retourner dormir. Et puis te préparer quelques petites douceurs pour quand tu seras réveillée et prête à affronter cette nouvelle journée. Ça suffirait pour me faire pardonner ?
— Bien possible, oui. Ça dépend de quelles douceurs tu parles, me dit-elle en s’adossant contre le mur, les bras croisés sous sa poitrine.
C’est moi où ses propos peuvent être interprétés d’une façon pas du tout raisonnable ?
— Eh bien, vu que je suis coupable et que j’ai avoué, je te laisse décider de la sentence et de ce qui te ferait plaisir. Je suis à tes ordres, jolie voisine.
— Intéressant, ça ! Je veux un beau et bon petit déjeuner et je n’ai plus trop envie de dormir, maintenant. Ah, et je veux que tu fasses une caresse à Guizmo, me provoque-t-elle.
— Bien, je suis obligé de m’incliner. Ça te va, des pancakes pour le petit déjeuner ? Comme ça, tu n’as pas trop long à attendre. Et pour les caresses, si c’est à ton chien que je dois les donner, je le ferai, mais si tu es ouverte à la négociation, tu peux très bien prendre la place de ton Guizmo, je ne protesterai pas !
— On ne négocie pas les ordres, soldat, rit-elle en jetant un œil à mes mains. Je vais m’habiller alors, je reviens.
— Comme tu veux, ta tenue actuelle ne me déplait pas, sache-le, osé-je lui répondre alors qu’elle est déjà en train de s’éloigner.
— Tu prends un peu trop tes aises, voisin ! me dit-elle en disparaissant dans son appartement.
Je souris car je m’attendais à plus de récriminations que ça et laisse la porte ouverte avant d’aller en cuisine préparer la pâte pour les pancakes que je mets à la poêle juste avant qu’elle ne revienne, accompagnée de son Husky. Elle a enfilé un legging qui révèle presque autant que la nudité de tout à l’heure et j’ai l’impression qu’elle a un peu recoiffé sa tignasse rousse.
— Ah, les caresses, ce n’était donc pas une blague ? demandé-je, un peu désabusé. Les pancakes sont bientôt prêts en tous cas.
— Bien sûr que non ! Je me suis donné pour mission de faire de vous deux copains. Ça sent bon encore ici.
— J’ai peut-être glissé quelques pépites de chocolat dans la pâte, annoncé-je alors que déjà, elle s’installe à table et se verse un café. J’espère que tu vas bien aimer.
— Oh je suis sûre que je vais aimer, sourit-elle. Ma mère… Enfin, ma mère adoptive, mettait trois tonnes de fleur d’oranger dans sa pâte à crêpes ou à pancakes. J’adore ça aussi, tu le sais pour la prochaine fois, voisin.
— C’est noté, je vais m’approvisionner en fleur d’oranger pour que tu puisses te régaler. Autre chose tant qu’on est dans les commandes ?
— Heu… Un bisou d’excuses ? me demande-t-elle en tendant la joue dans ma direction.
Je manque de faire tomber ma spatule quand je me retourne et m’attends presque à ce qu’elle me dise que c’était une blague, mais non, elle est bien là, sa joue en attente de mes lèvres. Je m’approche et m’exécute, craignant jusqu’au dernier instant qu’elle ne se dérobe, mais non, mes lèvres entrent en contact avec sa peau et j’insiste peut-être plus longtemps que nécessaire, sans provoquer de rejet de sa part.
— Autre chose sur la liste ? Dis donc, je ne pensais pas que te réveiller allait me coûter autant !
— Et tu n’as encore rien vu, pouffe-t-elle. Ça, c’est la partie agréable. J’ai une fuite sous mon évier, ça c’est le truc vraiment chiant et j’ai besoin que tu joues le plombier, continue-t-elle en piquant un pancake chaud dans l’assiette.
— Ça, ça ne devrait pas me poser de problème. Je n’ai pas beaucoup de matériel, mais pour une fuite, ça devrait aller. J’espère qu’après ça, il y aura encore un bisou, sinon, pas sûr que j’accepte la prochaine chose sur la liste.
— Tu ne peux pas te permettre d’être exigeant, non plus. Même si tu joues bien et que c’était joli, tu m’as réveillée.
— Je te promets que la prochaine fois que je veux que tu viennes partager un petit déjeuner avec moi, je ne ferai pas de musique pour te réveiller, mais je viendrai plutôt t’amener les petites douceurs au lit. Tu en dis quoi ? C’est mieux, non ?
— Bon courage pour arriver jusqu’à ma chambre. Guizmo ne te laissera pas passer comme ça, s’esclaffe-t-elle alors que l’intéressé se redresse.
Ah oui, le chien. Et la caresse. Ce n’est pas gagné, ça, mais il faut que je me montre un peu courageux quand même. Je m’avance vers lui et je constate que ses oreilles se dressent vers moi. Est-ce bon signe ? Je n’en sais rien, mais si ça ne l’est pas, je compte sur sa maîtresse pour le retenir.
— Il faut que je l’apprivoise, alors, le joli toutou à sa maîtresse.
J’avance ma main vers le Husky, mais la retire vite quand il lance sa mâchoire vers moi. Heureusement, il ne voulait que me lécher les doigts et je remets ma main pour qu’il se fasse plaisir. Quand il a terminé, sous l'œil amusé de ma voisine, je pose mes doigts sur son front et le caresse courageusement.
— Tadam ! finis-je par dire en retirant ma main. J’ai réussi !
— Bravo, je suis fière de toi, Théo, sourit Lyana en approchant pour déposer un bisou sur ma joue. Tu vois, ce n’est pas si terrible.
— Non, surtout si j’ai un bisou à chaque fois que je le caresse, rétorqué-je en le caressant à nouveau.
— Tu n’as pas l’impression d’abuser, là ? Attention, un mot de ma part et il vient te croquer le derrière, tu sais ?
— On n’abuse jamais assez des bonnes choses, je crois, mais je tiens à mes fesses, je vais arrêter de quémander alors. Ça te dit un petit tour au village pour occuper cette belle journée ?
— Si tu veux, mais on en fait vite le tour, du village…
— Tu proposes quoi, alors ? demandé-je en me rapprochant d’elle, excité par le ton qu’elle a employé.
— Je ne sais pas… Déjà, il faut dévorer ces pancakes. Et puis… Vu le temps qui est prévu, on pourrait peut-être aller se balader plus loin qu’ici, non ? On se prépare un pique-nique et on voit où le vent nous porte ? J’ai vu qu’il y avait un lac à une vingtaine de kilomètres, on peut se balader autour et se poser sur la plage aménagée, par exemple. Ça peut être un spot sympa pour déjeuner, non ?
Je refais vite quelques pas en arrière, m’en voulant intérieurement d’avoir mal interprété ses propos.
— Bien sûr, bonne idée. On prend les pancakes qui restent, on se fait quelques sandwiches et on va découvrir ce lac. Super idée !
— Sûr que ça te tente ? Ne te sens pas obligé, non plus, me dit-elle en m’observant un peu trop intensément à mon goût.
— Tu ne sais pas à quel point je suis tenté, murmuré-je avant de passer derrière elle pour aller chercher du pain pour les sandwiches. Tu veux partir à quelle heure ?
— Quand on sera prêts, rit-elle. Non, je ne sais pas, d’ici une petite heure ? Il faut que je vérifie mes mails et que je finisse de me préparer. Ça te va ?
— Oui, tout me va. Je file prendre une douche, reviens quand tu es prête.
Je n’attends pas sa réponse et sors de la cuisine avant qu’elle ne grille à quel point je suis excité. C’est fou comme je me suis imaginé qu’elle était en train de m’inviter, qu’elle était sur le point de se laisser tenter. Je crois qu’il va falloir que je la prenne très froide, cette douche, parce que là, clairement, je divague totalement. Pas avec la voisine, quand même !
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