39. Le cousin moralisateur
Théo
— Et cela va me coûter combien ?
— Oh, mais pour toi, mon petit Théo, je vais te faire un prix, voyons !
Je lui souris mais suis un peu mal à l’aise car je crois qu’elle n’a toujours pas abandonné ses prétentions et je m’attends d’une seconde à l’autre à ce qu’elle me fasse à nouveau une proposition de la rejoindre pour un dîner romantique.
— Mais non, Madame Chantal, je vais payer ce qu’il faut. Je ne voudrais pas vous être redevable !
— Redevable ? Mais non, voyons ! Ça me fait plaisir, même si ça me chagrine que tu te fasses plaisir sans rien me proposer, me dit-elle en faisant un clin d’œil.
— Au moins, vous savez que je sors couvert ! Bonne journée !
Je sors avec mon stock de préservatifs que je m’empresse de faire disparaître dans le sac qu’elle m’a remis. Il faut dire que depuis qu’on a abandonné le contrat, Lyana et moi, nous n’arrêtons pas de profiter de ces instants magiques que nous passons ensemble. J’ai l’impression que désormais, nous n’avons plus aucune barrière et franchement, c’est un sentiment vraiment agréable.
Lorsque je rentre chez moi, j’ai la surprise de voir Henri installé sur un des fauteuils de jardin, sur notre terrasse. Il a l’air bien occupé à pianoter sur son portable et sursaute quand je m’adresse à lui.
— Eh bien, je ne pensais pas que tu serais déjà là ! Tu es tombé du lit ou quoi ?
— Je te dérange ? Tu as mieux à faire que d’accueillir ton vieux cousin ?
— Non, non, je suis juste surpris de voir qu’il est à peine dix heures du matin et que tu es déjà là. Moi, je dis que ça sent le rencard plus tard dans la journée, ça.
— Peut-être bien, sourit-il en jetant un coup d’œil à son portable. Ils sont plus rares que les tiens, assurément.
— Les miens ? De quoi parles-tu ?
J’ouvre la porte et il me suit jusqu’à mon logement où j’ai le soulagement de voir que Lyana n’est pas en train de m’attendre nue sur le canapé, ce qui est déjà arrivé plusieurs fois cette semaine.
— De quoi je parle ? De ta jolie petite voisine qui devrait sans doute te payer un loyer. Et qui laisse traîner ses petites culottes, en plus, rit-il en se penchant près du canapé pour récupérer le sous-vêtement rouge qu’elle portait hier soir.
— Tu es jaloux ? Si tu es venu pour me faire la morale, sache que j’ai décidé de profiter de la vie tant que je peux. Parce qu’avec la protection que vous m’accordez, je risque de ne pas voir l’hiver.
— Je ne suis pas jaloux, bien qu’elle soit vraiment mignonne, mais… tu devrais faire attention à toi, quand même. Tu peux très bien partir dès ce soir si c’est nécessaire.
Je sais qu’il a raison, mais cela ne m’empêche pas de vouloir fermer les yeux et juste vivre au jour le jour, en essayant d’éviter de penser au lendemain.
— C’est ça que tu es venu m’annoncer ? lui demandé-je en cherchant à dissimuler mon inquiétude.
— Non, non, bien sûr que non. On enquête toujours sur ta collègue, même si honnêtement, elle ne semble pas dangereuse. Je vais m’en assurer cet après-midi, d’ailleurs, me dit-il avec un sourire en coin.
— Ah, je vois. Tu fais don de ta personne ! J’admire ton dévouement ! me moqué-je. Tu la vois à quelle heure ?
— On déjeune ensemble, donc tu vas devoir me supporter encore un peu, me répond-il avant de tourner la tête en direction de l’entrée au son de coups sur la porte.
— Hé, beau voisin, je t’ai vu arriver et tu ne me rejoins même pas ? nous interrompt Lyana en entrant. Oh, pardon… je ne savais pas que tu avais de la compagnie. Je comprends mieux pourquoi Guizmo a aboyé tout à l’heure.
Ouf, elle est habillée. C’est déjà ça ! Elle porte un ravissant petit short et un tee-shirt blanc et noir qui donne envie de découvrir les merveilles qui se cachent en dessous.
— Coucou Lyana. Je te présente Henri, un cousin à moi qui est venu me dire bonjour. Il devait être impatient car il est arrivé presque quatre heures avant ce qui était prévu ! Je n’ai même pas eu le temps de te prévenir !
— Eh bien, enchantée, Henri. Je suis Lyana, la voisine, et… la propriétaire de ce bien, termine-t-elle dans un murmure, mal à l’aise, en pointant du doigt la culotte que mon “cousin” tient dans sa main.
— Ah oui, tenez, je vous rends votre bien alors. Théo m’a un peu parlé de vous et je crois qu’il ne regrette pas votre emménagement à ses côtés. C’est beau d’être jeune !
— N’en rajoute pas trop non plus, Henri, essayé-je d’intervenir.
Le policier s’amuse à tendre avec cérémonie la petite culotte à Lyana alors qu’elle lui lance un regard noir.
— Merci, marmonne-t-elle en la lui prenant rapidement. Bon… eh bien, je vais vous laisser en famille, alors. Vous êtes cousins éloignés, non ? Vous ne vous ressemblez pas du tout, tous les deux, c’est dingue.
— Oui, ça remonte à nos grands-parents qui sont cousins germains. Mais c’est lui qui vient du côté de la famille avec les gènes de beau gosse. Vous en serez d’accord, non ? Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas m’attarder. A priori, Roselyne veut me voir rapidement et est impatiente que je vienne la retrouver.
— Roselyne ? Ta collègue ? s’esclaffe Lyana. Eh bien… Vous avez du courage, le cousin. Si vous arrivez à la dérider, prévenez-moi, j’aimerais proposer mes services pour le site internet de la mairie et c’est elle qui fait le premier tri des demandes, de ce que m’a dit le patron du bar… Bref, je vous laisse, je vais aller bosser un peu. Préviens-moi quand tu es dispo, beau voisin !
— A tout à l’heure, Lyana. Je pense que je ne serai pas long.
Je la raccompagne à la porte et l’enlace pour l’embrasser avant de la laisser partir. Quand je me retourne, je fais face aux yeux d’Henri, où je décerne un mélange de moquerie, d’envie et d’inquiétude.
— Quoi ? Il y a quelque chose qui te dérange ? l’attaqué-je à peine la porte refermée.
— Non… Enfin… Je ne la sens pas vraiment, cette fille. On a fouillé ce qui devait l’être, et tout est flou. Fais attention à toi, c’est tout.
— Ça va, ne t’inquiète pas. Je fais attention. Ne fais pas ton jaloux parce que la fille avec qui je fais l’amour est plus jolie que celle que tu essaies de draguer !
— On ne joue pas dans la même catégorie, Gamin. Et puis, il faut savoir se challenger un peu, tu sais ? Choper une nana coincée et au premier abord frigide, c’est tout un art. La tienne a l’air plutôt accessible…
— Si c’est pour la traiter comme ça, tu peux repartir, tu sais. Ton job, c’est de me protéger, pas de savoir avec qui je couche. Et comme tu dis, vous avez fouillé et vous n’avez rien trouvé. Elle est clean, je te jure, sinon, je crois qu’elle aurait agi différemment pour me séduire. Bref, tu n’as pas ta frigide qui t’attend ? Je pense que tu y passeras du meilleur temps qu’ici. Et moi aussi, sûrement.
— Oh ça va, respire Théo, je n’ai pas non plus dit que c’était une fille facile. Je te dis juste de faire gaffe. Et je suis sérieux, on ne peut faire confiance à personne, c’est important de ne jamais baisser sa garde. Ne rien trouver ne veut pas dire qu’il n’y a rien, c’est tout, soupire-t-il en se dirigeant vers la porte. Surtout qu’elle n’avait pas l’air très à l’aise en ma présence.
— Tu avais sa petite culotte à la main, tu veux quoi, qu’elle fasse comme si de rien n’était ? m’énervé-je un peu. En tout cas, merci d’être passé. Et si tu trouves quelque chose sur ma collègue, tu me préviens, hein ?
— J’y penserai, oui. N’oublie pas de ton côté que tout ce que je veux, c’est qu’il ne t’arrive aucune bricole. Pour le reste, essaie de te calmer, je n’y suis pour rien, moi, si tu es dans cette situation. Je comprends que mes inquiétudes t’emmerdent, mais c’est dans ton intérêt que je ne me contente pas d’acquiescer parce que tu as l’esprit embrumé par son cul et les orgasmes.
Je le laisse sortir en m’efforçant d’analyser ce qu’il vient de me dire. J’essaie de regarder les choses avec distance, mais je suis convaincu que ce que je vis avec Lyana n’est pas que du cul et des orgasmes. C’est plus. C’est fort. C’est intense. Elle est peut-être la femme de ma vie, je suis sûr que je ne me trompe pas. Et d’ailleurs, cela fait trop longtemps que je ne l’ai pas vue, elle me manque déjà. Peut-être que je suis vraiment trop accro ? Je file donc la rejoindre dans son logement où je la trouve assise dans son salon en train de réaliser une maquette graphique d’un objet qui ressemble à une assiette.
— Ça y est, il est parti, le cousin ! Je suis tout à toi ! Tu fais quoi de beau ? Je peux te déranger ?
— Eh bien, tu vaux la peine que je prenne du retard dans mon boulot, sourit-elle. Il est un peu loufoque, ton cousin, non ?
— Loufoque ? Tu trouves ? Moi, je pense juste qu’il n’est venu que pour sa nouvelle conquête et pas pour moi. Tu aurais vu son jeu de séduction quand il est venu la première fois ! Un vrai Don Juan ! Et on ne devait pas se revoir, mais il a trouvé une raison pour repasser ici, tu vois.
— Mouais… Fais gaffe qu’il ne s’installe pas sur ton canapé, quand même, rit-elle. Mais, je sais pas… Son regard scrutateur, c’était un peu gênant.
— Scrutateur ? Moi, j’aurais plutôt dit mateur. Tu as vu comme tu es belle ? Comment veux-tu qu’il puisse détourner son regard de toi ? Moi, je sais que je ne peux pas, dis-je avant de l’embrasser.
— Dire qu’il va se contenter de ta collègue, grimace-t-elle en m’enlaçant. Le pauvre… Enfin, il fait bien ce qu’il veut, je m’en fous tant que je t’ai rien que pour moi.
— Là, je te confirme. Je suis tout à toi et j’ai fait un stock pour tenir un siège, s’il le faut ! ris-je en lui montrant mon sac de la pharmacie.
— C’est Madame Chantal qui a dû être ravie de vendre des capotes, s’esclaffe-t-elle. Tu es sûr qu’elles ne sont pas périmées ? Vu la moyenne d’âge ici, je doute qu’elle en vende souvent.
— Peut-être qu’on serait surpris si on savait tout ce qu’elle vend ! Allez, il faut qu’on vérifie leur qualité. Je crois qu’on n’a encore jamais essayé ton joli canapé. Tu penses qu’il est aussi confortable que le mien ?
— Il n’y a qu’en le testant que nous saurons, sourit-elle en m’attirant jusqu’à lui, son index crocheté dans la ceinture de mon pantalon.
Le test s’est révélé très agréable mais peu concluant. Je crois qu’il va falloir le renouveler. Et ce n’est pas Lyana ou moi qui allons nous en plaindre !
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