65. A la recherche de la Lyana perdue
Théo
Je regarde le chirurgien sortir de ma chambre d’hôpital et suis ravi de ce qu’il vient de m’annoncer. Je suis officiellement en convalescence et je vais pouvoir sortir de l’hôpital dès demain matin, après sa prochaine visite. Enfin, je vais pouvoir m’échapper de cette nouvelle prison qui m’est imposée depuis ma blessure. Les infirmières sont sympathiques, mais je crois que la seule femme qui pourra vraiment me guérir est celle dont je n’ai plus aucune nouvelle depuis qu’elle m’a déposé ici. Où est-elle ? Que fait-elle ? Ce sont ces questions lancinantes qui occupent mon esprit quasiment nuit et jour. Je me demande si elle fait profil bas pour éviter d’entrer en contact avec la police ou bien si elle ne veut plus rien avoir à faire avec moi. J’ai du mal à croire que ça puisse être le cas, mais je suis vraiment surpris qu’elle n’ait pas essayé de reprendre contact avec moi.
En parlant de police, justement, c’est Henri qui entre dans la pièce où je suis alors que je regarde la plaie sur mon torse. Le médecin a bien fait son travail car je pense que je vais juste avoir une petite cicatrice.
— Tu connais la nouvelle ? lui demandé-je alors qu’il s’approche.
— Oui, j’ai croisé le Doc, tu vas bientôt pouvoir manger autre chose que la merde qu’ils servent ici.
— Ah oui, j’ai hâte, parce que franchement, leur purée qui ressemble à une bouillie pour chiens, ça suffit. Tu m’as ramené des vêtements ? Parce que je n’ai rien à me mettre, tous les miens étaient couverts de sang.
— J’ai ton sac dans ma voiture, tu veux que j’aille te le chercher ?
— Oui, s’il te plaît. Cela va me faire du bien de sortir de cette tenue d'hôpital qui n’a vraiment rien de sexy. Et avec toutes les ouvertures, il ne faut pas être frileux, je te jure.
— Bien, je vais te chercher ça alors, mais tu sais, les infirmières aiment bien mater ton cul quand tu vas à la salle de bain, rit-il en sortant de la chambre.
C’est clair que certaines ont l’air d’apprécier. Notamment la petite Manon qui vient s’occuper de moi dès qu’elle prend son service. La jolie brune a même été assez claire sur ses intentions, mais je dois être vacciné contre toute tentative de séduction car la seule que j’ai en tête, c’est la rousse qui m’a sauvé la vie. Tant pis pour l’infirmière. Henri ne tarde pas à revenir et me tend mon sac en ne manquant pas d’adresser un regard appréciateur vers Manon qui est en train de noter mes constantes.
— Tu as déjà oublié Roselyne ?
— Qui ça ? ricane-t-il. C’était pour l’enquête, Rosy, tu sais.
— Ah oui ? C’est pour l’enquête aussi que tu étais à Beaumesnil hier soir alors ? me moqué-je. Enfin, tu fais ce que tu veux, c’est ta vie.
— Y a pas de mal à se faire du bien, et tu ne pourras pas me contredire à ce sujet, mon petit !
Je souris en regardant ce que je vais pouvoir mettre demain. Cela est si étrange que mon sac soit le même que quand je suis parti alors qu'entre-temps, j’ai failli mourir. Je choisis une tenue toute simple tandis qu’Henri s’est assis sur le fauteuil à côté du lit.
— Tu es sûr que tu ne sais pas où est Lyana, alors ? Elle ne t’a pas appelé ? Tu n’as vraiment aucune nouvelle ?
— Tu vas réellement me poser la question tous les jours ? Je t’ai dit que je ne savais rien. Je crois qu’il vaut mieux qu’on ne compte que sur nous en attendant le procès.
— Tu penses vraiment que je vais juste attendre sans chercher à la revoir ? Tu déconnes ou quoi ? Moi, je sors d’ici, je vais faire le tour de France pour la retrouver.
— Est-ce qu’il faut que je te rappelle que tu es poursuivi par des mafieux ? Apparemment, il le faut, marmonne-t-il. Donc, tu sors d’ici et tu retournes te planquer. Je t’ai trouvé un petit coin tranquille, et peut-être même un boulot pour quand tu seras rétabli.
— Ah oui, c’est quoi cette fois-ci ? Éleveur de poules qui n’auront jamais de dents ? Facteur pour emails ? Franchement, autant que je retourne à Beaumesnil si c’est pour faire un boulot qui ne sert à rien ! Il faut que je retrouve Lyana, Henri. Sans elle, j’ai pas l’impression de vivre.
— Et tu seras sans vie si les Russes te chopent, tu vois ? Te prendre une balle ne t’a pas suffi ? Il te faut quoi pour que tu m’écoutes enfin, bordel ?
— Eh bien, on est d’accord, il faut juste que je me fasse choper par la bonne Russe. Mais je n’irai pas dans un nouveau coin paumé. Tu ne peux pas m’y obliger de toute façon.
— Tu es sous protection policière, tu n’as pas le choix. Arrête de penser avec ta queue, Théo. Il faut vraiment que tu réfléchisses aux choses comme il faut. Tu te trouveras bien une autre voisine à baiser sur place, va.
— Mais tu n’as pas compris que je n’en veux pas d’autre ? C’est elle qui m’intéresse et tu ne pourras pas me faire rester à un endroit où elle n’est pas. Tu ferais mieux de te faire à l’idée.
— Tu m’emmerdes, Théo, bougonne-t-il. Tu la retrouveras quand le procès sera passé, c’est tout. C’est mieux que rien.
— Ouais, eh bien on verra, mais là, je suis fatigué. Laisse-moi s’il te plaît.
Je fais mine d’être vraiment crevé alors que tout ce que je veux, c’est qu’il me laisse tranquille car j’ai vu une feuille de papier avec l’écriture de Lyana sous mes vêtements.
— Tu passes ton temps à dormir et t’es crevé ? T’es pas possible, toi. Je repasse te voir vers dix-huit heures. C’est bien à cette heure que la jolie Manon fait sa tournée, hein ?
— Oui, c’est ça, mais elle pourrait être ta fille, tu sais ?
— Et alors ? J’ai pas de fille, donc pas de complexe à ce sujet. On est au vingt-et-unième siècle, Théo, les différences d’âge, ça ne pose plus de problème, sauf aux personnes dont l’esprit est étriqué. Tu te tapes bien une mafieuse tueuse, toi, ricane-t-il.
— Allez, à ce soir, Henri. Va te faire plaisir en pensant à la jeune infirmière et laisse-moi dormir.
— Dors bien, mon petit. A tout à l’heure. Et te barre pas d’ici, je te préviens. De toute façon, tu es surveillé, tu sais ? me dit-il l’air de rien en sortant.
Qu’est-ce que je m’en fous de ses conseils ! Là, tout ce que je veux, c’est voir ce que Lyana m’a écrit et c’est fébrilement que je retire le papier de mon sac. Il n’y a pas grand chose d’écrit, juste une lettre, un “S”, un numéro de téléphone et une adresse. De l’autre côté, elle a inscrit “ICE”. Si je me souviens bien, cela veut dire “In Case of Emergency.” Eh bien, là, ça l’est certainement, je suis trop en manque.
Rapidement, j’enfile mes habits et je récupère à l’entrée de la chambre le pilulier avec mon traitement anti-douleurs pour demain avant de sortir de ma chambre comme si je n’étais qu’un simple visiteur. Je prends les escaliers et évite l’ascenseur avant de suivre les panneaux qui me mènent aux urgences. Là, je m’adresse à la jeune femme qui est à l’accueil.
— Bonjour Madame. Vous pourriez me prêter votre téléphone. Je sors de mon hospitalisation, mais c’est l’ambulance qui m’a déposé. Il faudrait que je puisse louer un taxi pour rentrer chez moi.
— Heu, oui, bien sûr. Ne partez pas avec, hein ? sourit-elle en me le tendant.
— Ne vous inquiétez pas, on ne peut rien dérober à une jolie femme comme vous, à part de merveilleux souvenirs.
Et hop, elle est charmée et me donne même le numéro d’une compagnie de taxi que j’appelle. Je lui rends son téléphone avec un petit sourire puis vais me poster à l’accueil où mon transport ne tarde pas à arriver. Le chauffeur rechigne un peu à m’emmener en région parisienne, mais quand je lui indique que je paierai non seulement pour l’aller, mais aussi pour le retour, il s’adoucit tout de suite. C’est bien que Lyana m’ait laissé de l’argent aussi.
Lorsque nous arrivons à l’adresse indiquée, je descends avec mon sac et sonne à la porte, en espérant pouvoir surprendre Lyana chez elle. J’ai tellement hâte de la revoir que j’en trépigne d’impatience. Quelle déception cependant quand la porte s’ouvre et que je vois la tête de sa sœur apparaître.
— Coucou Suzie. C’est moi, souris-je. Lyana est là ?
— Eh bien, cache ta joie, surtout ! grimace-t-elle en me prenant dans ses bras. Pourquoi tu ne m’as pas appelée ? Lyana me harcèle littéralement depuis qu’elle t’a quitté.
— Elle m’a quitté ? Tu veux dire qu’elle ne veut plus me voir ? m’inquiété-je immédiatement en la repoussant un peu.
— Mais non, depuis qu’elle est partie de l’hôpital, voyons ! ricane-t-elle en m’entraînant à l’intérieur. Maman ! Viens voir, c’est le chéri de Lyana !
Oh mince, ce n’était pas prévu, ça. Moi, je croyais que j’allais tomber directement sur ma voisine préférée, pas que j’allais rencontrer toute sa famille. Je n’ai pas le temps de beaucoup plus réfléchir quand une dame qui ressemble énormément à Suzie débarque dans le salon.
— Bonjour Madame. Je suis Théo, me présenté-je en faisant une petite révérence.
— Voilà le fameux Théo, sourit-elle en venant me faire la bise. Je suis Véronique, enchantée.
— Enchanté. Lyana n’est pas avec vous ? Je suis venu pour la voir… Enfin, je suis content aussi de vous rencontrer, hein ? Mais… bafouillé-je.
— Non, Lyana n’est pas là. Pourquoi est-ce qu’elle serait ici ?
— Laisse tomber, Maman. Viens, Théo, je te fais visiter ? Tu veux voir sa chambre d’ado ? intervient Suzie en passant son bras sous le mien.
— Elle est où ? Elle m’a juste laissé cette adresse, je croyais vraiment qu’elle serait là.
Je la suis néanmoins jusqu’à l’arrière de la maison où Suzie m’entraine et referme la porte derrière nous. La chambre est décorée sommairement, quelques posters de boys bands qui ont tous disparu, deux peluches, mais rien d’exceptionnel.
— Ma mère n’est pas au courant de tout. Enfin…elle ne sait pas ce qu’il s’est passé ces derniers jours. C’est pas à moi de lui raconter. Alors, fais voir ta cicatrice, beau gosse, sourit-elle en soulevant mon tee-shirt.
Je suis surpris par son geste et la laisse faire alors qu’elle fait traîner ses doigts le long de mon torse. Elle s’attarde sur les marques qu’a laissées la balle qui a failli me tuer.
— Tu peux me dire où je peux la retrouver ?
— Tu peux m’expliquer pourquoi tu préfères une nana comme ma sœur plutôt que moi ? Enfin… je suis heureuse pour elle, hein, mais j’aimerais comprendre pourquoi moi je suis la conne célibataire alors que t’es clairement trop amoureux d’elle…
— Parce qu’elle est parfaite, c’est tout. Toi, tu es vraiment pas mal, comme femme, vraiment excitante et attirante, je ne te le cache pas, mais il n’y a pas ce petit plus qui existe entre elle et moi. Tu sais que quand je la regarde, j’ai des étoiles dans les yeux ? Quand je la touche, j’ai des papillons dans le ventre. Lyanna et moi, c’est juste une évidence.
— Quelle veinarde, soupire-t-elle. Je te propose de te conduire là où elle t’attend. Tu me donnes une petite demi-heure ? J’ai besoin d’une douche avant de prendre la route. Tu n’as qu’à… nous faire des sandwichs pour la route, ça te va ?
J’ai bien noté son hésitation et je crois qu’elle était à deux doigts de m’inviter à partager sa douche, mais elle a compris que ça ne servait à rien d’espérer je pense.
— Je te le fais à quoi ton sandwich ? l’interpellé-je alors qu’elle est déjà en train de se dévêtir.
— Bonne question. Surprends-moi, beau gosse, sourit-elle en me lançant son tee-shirt au visage.
J’ai l’impression que jamais elle ne va abandonner l’idée de me mettre dans son lit. Elle est persistante au moins, on ne peut pas lui retirer ça, c’est sûr. Mais quoi qu’elle tente, je ne suis pas attiré par elle. Oh, elle parvient bien à me faire un peu bander avec son jeu continu de séduction, mais elle n’arrive pas à aller au-delà. Tout mon esprit, toute mon âme est tournée vers la rousse qui peuple mes pensées et mes rêves. J’ai tellement hâte de la revoir que j’en deviens fou. Mais la folie attendra, j’ai des sandwiches jambon-beurre à préparer, il me semble.
Annotations