Chapitre 7

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Ombre était aussi chargé qu'une mule. Ce soir, il rentrait de sa journée interminable de cours. Nous étions jeudi et ce jour-là était l'un des nombreux soirs d'entraînement du Club de football. Le jeune garçon était des plus éreinté car après ses huit heures de cours, et ses deux heures d'entraînement à la magie entre midi et deux, il avait enchaîné par trois heures au stade avec son équipe. Bientôt allait commencer les pré-sélections pour le championnat inter-collèges. Sauf qu'il ne supportait déjà plus ce rythme infernal.

Sa mère ne lui laissant plus aucun répit même une fois rentré à la maison. Il devait manger et finir ses révisions pour les cours de l'Académie… Ce qui revenait à le faire se coucher à des heures de plus en plus tardives. Il n'avait même plus l'occasion de parler avec ses deux meilleurs amis. Un peu le week-end, certes mais sans les voir et pleinement profiter d'eux. Il avait l'impression de perdre tous ses repaires, et son envie de continuer tout ça se réduisait doucement en poussière. Il n'avait même plus cette étincelle de bonheur en jouant sur le terrain avec Magnus, qui était aussi dans l'équipe du collège. Seul réconfort dans tout ça ? Les quelques petits mots que Tao et Galahad glissaient dans les carnets que les professeurs lui transmettaient pour ses révisions.

Il entra dans sa chambre d'un pas traînant pour jeter son lourd sac de sport ainsi que son cartable dans un coin. Il était déjà vingt-et-une heures trente. Il devait encore prendre sa douche et manger un bout avant d'attaquer ses cours « du soir ». Alors, il fini dans la salle de bain, sous la douche brûlante. Il avait bien besoin de ça pour faire disparaître le stress et les douleurs de ses muscles. Après deux semaines en Nivanh, il avait constaté que le mode de vie ici était très difficile, mais pourtant tout autant épanouissant que chez lui. Même si la sorcellerie facilité grandement la vie, les humains avaient la satisfaction du travail bien fait, par eux-même et à la main. Un peu comme le travail d'artisan de son paternel, qu'il avait toujours admiré. Tiens ? Il se demandait comment il allait. Aucune nouvelle ne lui était parvenue. Après tout, il n'avait aucun moyen de le contacter, à par en rentrant à Glavanh. Mais sa mère le lui interdisait tant qu'il n'avait pas des notes de minimum quinze de moyenne… Pour le moment, il oscillait entre dix et douze par moment.

Ombre savait très bien pourquoi… Simplement à cause de la fatigue qu'il accumulait par la force des choses et l'aveuglement de sa mère. L'entendant d'ailleurs l'appeler. Il avait dû perdre la notion du temps et être resté trop longtemps sous l'eau pour elle… Même ça, il ne pouvait pas le faire comme il le désirait. Sa vie ici était complètement régit par sa mère. Bien qu'elle ait accepté qu'il intègre l'équipe de foot, sa condition était qu'elle gagne chaque match. S'ils perdaient, il devait quitter l'équipe…

Une fois habillé d'un pyjama chaud, il la rejoint dans le salon ou un repas froid l'attendait… Elle n'avait même pas prit la peine de lui réchauffer… Ni même de l'attendre pour manger… Il avait fini par s'habituer, mais cela lui faisait toujours aussi mal… Elle était sa mère. Et ne se comportait aucunement comme telle… Il se rappelait alors la protection de la maman de Galahad et la bienveillance de celle de Tao… Il aurait tellement voulut avoir une maman comme la leurs. Ce souvenir lui mit les larmes aux yeux, qu'il s'empressa de sécher.

- Pourquoi pleures-tu ? demanda alors sa mère, le visage ailleurs et la voix distraite, ce qui ne manqua pas de passablement agacer le jeune sorcier.

- Peut-être parce que je suis fatigué ?

À ses mots, il remarqua qu'enfin, sa génitrice déniait relever le regard de son écran d'ordinateur pour enfin le fixer droit dans les yeux d'un air interrogatif. Elle ne semblait pas vraiment comprendre ce qui se passait pour son fils.

- Fatigué ? Je t'avais pourtant dit que le Club de foot n'était pas une bonne idée.

Voilà, Ombre était enfin complètement énervé. Il tapa frénétiquement de l'ongle sur la table, comme elle quand elle s'impatientait. Il ne fallait pas qu'il éclate, il fallait qu'il mette de l'ordre dans ses pensées pour fournir des arguments plausibles, sinon, elle ne l'écouterait jamais totalement.

- Mais j'ai quand même le droit d'avoir un loisir si j'en ai envie ! Si je suis crevé, c'est à cause de toi ! lâcha-t-il d'une voix un peu trop puissante.

- Ma faute ? Et en quoi cela est MA faute, Ombre ?

Ça y est, la voix de sa mère prenait un ton de plus en plus froid. Elle aussi était agacée.

- Punaise, mais tu m'obliges à venir vivre ici ! Loin de tout ce que j'ai connu et tu me mets le double de travail sur les bras que j'aurais eu normalement chez papa ! Tu crois que ce n'est pas fatiguant ?!

- Je fais le tiple du travail que je devrais faire dans mon entreprise. Tout en pensant à te faire à manger deux fois par jour. Et pourtant, je ne suis aucunement fatigué.

Elle se fichait de lui, là ? Oui, clairement. C'était ce qu'il se disait. Ce n'était pas possible de penser comme ça. Alors finalement, il se leva de sa chaise, balança son assiette en explosant, le visage en larmes.

- Mais je ne suis pas toi !! Je suis encore un enfant ! Toi tu es une adulte !

- Oh ? Vraiment ? Ce n'est pas toi qui m'as dit que tu avais enfin tes pouvoirs et capable de prendre tes décisions ? Donc, en un sens, d'être aussi adulte ?

- Si ! Mais tu ne comprends pas que tout le monde n'est pas comme toi ?! Moi je me fatigue plus vite que toi ! TON rythme ne ME conviens pas !

- C'est ça… Nous verrons ce que tu diras une fois adulte avec une bonne situation dans notre monde…

- MAIS JE NE VEUX RIEN DE TOUT ÇA ! JE VEUX ÊTRE LIBRAIRE !… TU N'AS PAS À DIRIGER MA VIE !…

S'en était trop pour lui qui se détourna pour aller s'enfermer dans sa chambre. Il resta dans un coin de celle-ci à pleurer pendant bien trente minutes. À présent, il devait être bientôt vingt-trois heures… Fixant sa fenêtre et la nuit environnante, il fini par se lever, le visage toujours constellé de larmes pour prendre son sac à dos, le vider sur son lit, pour y mettre quelques petites choses. Une bouteille d'eau qu'il avait près de lui dans sa chambre pour la nuit, des barres protéinées qu'il avait pris pour l'entraînement de football… Mais aussi quelques vêtements propres. Un pull, deux hauts, un jean et des caleçons. Enfin, il termina avec sa baguette, son coquillage mais aussi un plaid qu'il avait sur son lit.

Il avait pris sa décision. Ce soir, il allait faire le mur de chez lui. Ce qui n'était absolument pas compliqué vu que sa chambre était au rez-de-chaussé, pour fuguer. Fuguer et essayer de retrouver le chemin de la gare pour traverser le portail et enfin rentrer chez lui. Une fois à Glavanh, il serait totalement se débrouiller comparait à ici. Passer une nuit dans son monde n'était pas le plus difficile pour lui. Déjà rien qu'avec le climat agréable, comparait à Nivanh ou les nuits étaient actuellement des plus froides.

Il allait rentrer. Peu importait l'avis de sa mère. Il allait tout expliquer à son père. Le comportement de sa mère envers lui, de ses attentes, de sa pression… Des libertés restreintes qu'il avait ici… Ce n'était pas pour lui ce genre de scolarité en double. En tout les cas, pas avec la vision de sa mère. Il n'en pouvait plus. Il se retenait pour ne pas fondre en larmes et sourire. Seul Magnus avait commencé à voir qu'il allait mal. Pourtant, il cachait très bien son jeu. Ombre était tout de même heureux d'avoir un ami qui avait vu son état et qui tentait de l'aider quand il le pouvait…

Montant sur son bureau avec le plus de silence possible, il enjamba la fenêtre ouverte pour sortir dehors. Claquant la fenêtre derrière lui, mais pas trop fort, comme s'il l'avait fermée sous la colère due à la dispute qu'il venait d'avoir, histoire que sa mère ne se doute de rien. Puis, rajustant son sac à dos sur ses épaules, il prit une grande inspiration dans la nuit froide et s'employa à marcher prudemment. Une fois devant la maison du voisin, plus du tout en vue des fenêtres de la maison de sa mère, il se mit à courir. Courir le plus vite possible.

Il avait même fermé les yeux pour courir tout droit. La ville était sombre et silencieuse. En tout les cas, dans son quartier. Car une fois arrivée devant un croisement donnant directement sur le centre-ville, il remarqua que les luminaires étaient plus présent, plus aveuglant et les voitures roulants sur la route malgré l'heure tardive. Contrairement aux petits quartiers, le centre vivait une seconde vie une fois la nuit tombée. Il ralenti pour marcher à nouveau d'une allure normale, reprenant petit à petit son souffle. Ses joues étaient devenues rouges et sa respiration sifflante, haletante tellement il avait couru hors d'haleine, de peur que sa mère sorte derrière lui pour le rattraper comme un gardien de prison implacable.

Finalement, il s'arrêta, les jambes lourdes et douloureuses, son entraînement quelques heures avant n'avait pas aidé sa fuite. Tournant le regard, attiré par la devanture lumineuse à sa droite, pour observer une vitrine pleine à craquer de biscuits… Son estomac produisit un bruit d'enfer… C'est vrai qu'il n'avait pas mangé. Avalant sa salive à grosses gouttes, il posa ses mains sur la vitrine, l'air affamé.

- Hey petit ? Ça ne va pas ?

Ombre sursauta à cette phrase. Une femme aux cheveux verts venait de sortir de la boutique qui semblait elle aussi dans le noir total. Il rougit d'un seul coup.

- Je… Je suis désolé… Je ne voulais pas… baragouina-t-il, sauf que ses larmes recommencèrent à couler à cause de la fatigue.

La femme finit par sourire attendrit, pour venir près de lui, lui frottant avec douceur le dos.

- Hey… Calme-toi. Viens, entre. Tu vas m'expliquer ce qui ne vas pas, d'accord ?

Ombre acquiesça, la mine fatiguée, pour suivre la femme dans la boutique. Elle l'amena dans l'arrière-boutique, qui était allumée. Elle semblait cuisiner des biscuits en pleine nuit. C'était une façon de faire… Mais celle-ci lui répondit, comme si elle avait lu dans ses pensées :

- Je suis insomniaque, alors je fais mes stocks de biscuits pour le lendemain en pleine nuit.

S'asseyant à une petite table, la biscuitière lui amena une assiette pleine de biscuits et un verre de lait chaud. Il commença à manger avec appétit, pour se stopper, et se rendre compte que les biscuits en question… Étaient des biscuits de Glavanh ! Alors il releva le regard vers la demoiselle, qui le regardait dévorer ses créations. Elle avait les cheveux verts !

- Vous êtes de Glavanh ! Une sorcière, comme moi !

- Oh ? Toi aussi tu es un jeune sorcier alors ? Tu dois avoir quoi… Douze ans ? Tu as dû recevoir tes pouvoirs.

- Oui ! répondit-il avec enthousiasme.

Elle lui sourit, pour lui prendre un biscuit et picorer à son tour.

- Alors, dis-moi ce qui t'arrive. Vu l'heure… Ne me dis pas que tu rentrais de cours, je n'y croirais pas.

Alors Ombre baissa les yeux sur son verre, son coeur recommençant à le faire souffrir.

- Je… C'est ma mère… En fait, j'ai fugué… Et j'allais essayer de retourner chez mon père…

Pourquoi se confier à une inconnue ? Simplement car elle était comme lui, du même monde et que le jeune homme était totalement perdu.

- Ma mère… Elle m'a fait venir ici pour aller au collège… Mais veux aussi que je bosse les cours de l'Académie le soir… C'est beaucoup… Peusant. J'ai le droit de rien faire pour me détendre… Je…

Et Ombre recommença à pleurer. Alors la demoiselle se leva pour venir le prendre dans ses bras en le berçant.

- Aller… Calme-toi, ça va aller… Écoute… N'abandonne pas… Ne donne pas cette satisfaction à ta mère. Essaye de voir avec elle des temps de détente, dis lui que ça t'aidera à être plus productif ? Et puis, si tu as du temps libre, viens me voir d'accord ? Je t'aiderais pour tes cours à l'Académie si tu veux. Mais ne fugue pas. Surtout pas. Quand un enfant fugue, plus aucun adulte ne l'écoute de façon censé…

- Ah bon ?… Mais… Vous avez déjà…

- Oui… Plus jeune. Et après ça, ma relation avec mes parents n'a plus jamais été pareille… Alors fait moi confiance, même si c'est dur. Tu peux y arriver. Je t'y aiderais.

- D'accord… Merci… Oui, vous avez peut-être raison…

Après une autre petite discussion avec la biscuitière qui lui redonna courage, il se leva pour rentrer chez lui, le visage plus serein.

- Au fait, comment vous vous appelez ? demanda-t-il.

- Eglantine. Et toi ?

- Ombre !

- Eh bien enchanté Ombre, le jeune sorcier.

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