Partie 3

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J'étais parti pour courir mais j'ai changé d'avis sur le chemin en direction du stade. Finalement, j'ai plutôt envie d'un peu de gym et me décide donc à prendre sur ma gauche en direction du parc au lieu de continuer tout droit. Je croise une vieille dame et une plus jeune, dans la quarantaine, probablement sa fille, qui discutent sur un banc posé sur la pelouse à un mètre des graviers. J'ai déjà vu cette mamie. Parfois, elle vient seule au parc et s'assoit sur un autre banc, à une meilleure place pour voir les jeux des enfants. Mais ce n'est pas les petits qu'elle regarde. C'est moi. Elle est mon seul public et me félicite pour mes performances qu'elle juge extraordinaires. Et cela me suffit, même si je trouve parfois qu'elle en fait un peu trop. Mais aujourd'hui, elle est avec une jeune femme, sur un autre banc, alors je me contente de la saluer d'un signe de la main auquel elle répond en levant ses doigts pâles et en me souriant. Je continue ma route un peu plus loin. Le parc est grand, ainsi il y a plusieurs espaces de jeux dans un même endroit. Mais un est, selon moi, mieux éclairé que l'autre.

Arrivé, je sens l'adrénaline monter. Ce n'est qu' un toboggan sur lequel je ne peux même pas espérer faire une descente, ne serait-ce que minuscule avec mes jambes immenses, une échelle, et également un filet sur lequel les enfants peuvent ramper pour se rendre au toboggan s'ils choisissent le petit escalade comme accès à la glisse. Mais ce n'est pas ce toboggan là qui m'intéresse ni le tourniquet d'à côté. C'est la balançoire et ce à quoi elle est fixée, ce qui me sert de barre. Par chance, il y en a deux installées face à face à deux mètres l'une de l'autre. De parfaites barres de gymnase. Il y a aussi une corde solidement accrochée qui me permet de jouer au singe comme avait plaisanté Jim la fois où, à sa demande, je lui avais expliqué ce que je faisais ici. Il s'en était amusé pendant pas mal de temps, plus que je ne l'avais pensé au départ, mais s'en était maintenant fini depuis quelques mois.

Je me mets debout sur la balançoire en bois –je n'ai pas vraiment confiance en la plastique d'en face, et durant quelques minutes, je me suis prêté à un exercice d'équilibre. Toutefois rapidement lassé, j'agrippe mes mains à la barre rouge probablement récemment repeinte et laisse mes pieds pendre dans le vide avant de prendre de l'élan pour tournoyer dans le ciel. C'est bête à dire mais, dans ce genre de moment, j'ai l'impression de devenir un aigle. Même si, à mon avis, je dois en être loin. Mais finalement, est-ce que l'impression qu'on se fait des choses n'est pas plus importante que ce qu'elles sont réellement ? Car, en réalité, on garde plus nettement à l'esprit le sentiment que l'aspect réel de ce que l'on vit ou voit, non ? Après sept bonnes minutes à tournoyer dans le ciel et à réaliser plusieurs figures entre une barre et une autre, je termine avec un parfait atterrissage sous les applaudissements d'un public inattendu. Je tourne la tête et remarque avec surprise que la vielle femme et la quadra ce sont assises sur le banc pour me regarder. Sans un mot, la retraité me sourit et je le lui rends avec plaisir avant de sauter sur un mur d'escalade présent quelques mètres plus loin. J'y monte en quelques secondes à peine. C'est devenu bien trop facile. Ennuyeux même. Puis je me souviens que je m'étais déjà dit cela la dernière fois. Il est peut-être venu le temps d'investir dans de vrais abonnements sportif pour bénéficier d'un équipement plus complet et adapté. Mais il faut l'accord et le financement de ma mère, et ça, ce n'est pas gagné...

L'idée de devoir arrêter le sport à ce niveau, sans chance de progression m'effleure l'esprit. Seulement, je ne suis pas du genre à me laisser abattre aussi facilement, alors je la balaye de mon esprit et grimpe une seconde fois le mur. Là, sur sa hauteur, je positionne mes pieds, bien stable, comme un parfait équilibriste. J'aurais d'ailleurs apprécié qu'un long fil traverse le ciel pour m'amener jusqu'au prochain arbre, un haut sapin dans lequel j'aurais pu encore grimper et admirer la montagne de toute ma hauteur. Je ferme les yeux pour imaginer ce cordage absent. Je tends ma jambe, perché dans le vide. Elle est parfaitement raide et immobile. Je rouvre les yeux et la regarde. Un sourire se dessine sur mon visage. J'observe le paysage s'éclaircir sous la lumière de l'aube. Ce spectacle est fantastique ! J'en suis émerveillé à chaque fois comme s'il s'agissait de la première ! Et j'en viens souvent à me demander comment quelque chose d'aussi simple, d'aussi habituel, peut être aussi féérique. Les mystères et trésors de la nature, probablement.

Mes pupilles émeraude viennent de nouveau se poser sur ma jambe qui n'a pas bougé d'un pouce. Bien que je me sais capable de tenir encore longtemps dans cette position, je sais aussi que le support sur lequel reposent mes pieds n'est pas des plus large. Ne voulant pas jouer avec le feu, je repose délicatement mon pied sur la surface boisée. Sereinement, j'admire à nouveau ce ciel dont les teintes vacillent maintenant entre le violet bleuté et le rose pâle. Je ne serais dire combien de temps je suis resté ainsi. Bien trop peu. Le bip de ma montre digital me sort, d'une façon un peu trop radical à mon gout, de mes songes éveillés. C'est le signe qu'il faut que je me prépare à rentrer. Je saute donc de mon perchoir et j'entends les deux femmes s'exclamer de surprise. Ça fait toujours peur de sauter d'une telle hauteur. Toujours autant quand on est spectateur, de moins en moins quand on en est l'acteur, jusqu'à ne ressentir que le plaisir.

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