Ses paupières s’ouvrirent avec lenteur.

Où était-elle ?

Petit à petit, les récents événements lui revenaient à la mémoire. Après vingt ans de fuite, ils étaient arrivés à leur objectif. Elle avait essayé de détourner l’attention des gardes, s’était fait blessée et…

Elle ne sentait plus sa blessure.

Quelqu’un l’avait soigné ?

Elle se redressa et regarda autour d’elle. Tout lui était familier, du papier peint rouge et doré à la lourde armoire qui se trouvait à gauche du lit.
Son regard tomba sur les fenêtre à sa droite. Cette vue habituel ne lui montrait que le ciel et le haut des arbres centenaires.

Elle était revenue chez elle.

Son regard ne pu quitter le paysage alors que des souvenirs plus anciens remontaient à son esprit.

– Chut ! Baisse le ton ! lui avait-elle ordonné en riant. Tout le château va t’entendre !

Il l’avait prit dans ses bras et l’avait entraîné dans une danse de la joie.

– Mais pourquoi ? Il faut que tout le monde le sache !
– Nagi et Saphir nous tuerait s’ils l’apprenaient en dernier !

Tout allait pour le mieux à l’époque. Puis tout avait basculé.

– Il ne faut pas que tu viennes.
– Tu penses vraiment que je vais rester ici ? À attendre sagement que vous vous fassiez tuer par l’Harmonie ? Solia m’a donné son feu vert. Tu ne peux rien faire contre la décision de la reine.

Ses mains se crispaient sur le drap quand la porte s’ouvrit avec violence.

– LEILA !

Elle se précipita sur elle et la prit dans ses bras.

– C’est un miracle !

Elle s’écarta et il fallut un moment à l’ancienne blessée pour la reconnaître.

– Saphir… c’est bien toi ? murmura-t-elle d’une voix tremblante.

Cette dernière, les larmes aux yeux, hocha la tête.

– Tu as été complètement folle de faire ça ! Vous auriez pu mourir tous les deux !

Elle lui accorda un sourire et répliqua :

– Je t’avais bien dit que je reviendrai saine et sauve.
– Plus de vingt ans plus tard ! Bon sang Leila… Tout le monde te croyait morte ! Même ton frère !
– En parlant de Nagi, où est-il ?

Elle avait l’envie folle de se réfugier dans les bras de son grand frère.

Le visage de la Mandragore blêmit tout d’un coup.

– Nagi… Nagi est…, murmura-t-elle en détournant le regard. Nagi n’est plus de ce monde.

Un peu plus tard,

– Et elle a éclaté en sanglots, finit de raconter Saphir.
– Normale, tu lui as annoncé que Nagi est mort, lança Kamaël. La pauvre… Elle perd son mari durant la bataille, passe vingt ans à fuir avec son fils et quand elle revient enfin au Chaos, elle apprend que son grand frère à trépassé lui aussi.
– On ne peut pas y faire grand-chose malheureusement….
– Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit l’aîné Mandragore.

Nel se planta devant ses parents.

– Oh rien, répliqua sa mère. Ton père et moi discutions simplement.
– NELEUUUUUU ! hurla une voix familière.

Il se retourna et fit de gros yeux.

– Qu’est-ce que tu fais ici Astroméria ? s’écria-t-il alors qu’elle les rejoignait.
– C’est elle qui a ramené Leila et Eloan, répondit son père.

Nel fronça les sourcils.

– Qui et qui ?
– Enchanté, déclara une voix proche de lui.

Il sursauta en poussant un petit cri et fit trois pas de côté pour s’éloigner de l’inconnu.

– Mais il ne faut pas me faire des frayeurs pareille ! hurla-t-il au jeune homme qui venait littéralement d’apparaître à côté de lui.
– Désolé, déclara-t-il en se grattant l’arrière de la tête.

Le démon le détailla un instant.
Il semblait plus vieux que lui et devait le dépasser d’une ou deux têtes. Ses courts cheveux en pagailles étaient noirs. Enfin, il se demandait s’il n’était pas brun et que c’était juste leur état déplorable qui les rendaient plus foncés.
Sa tenue n’était pas mieux : elle ressemblait plus à des torchons troués qu’à des vêtements.

Il fronça le nez en sentant une odeur épouvantable.

– Mais tu es sale ! cria-t-il à son encontre.
– C’est un rescapé de la dernière bataille, lui expliqua Saphir. Je ne pense pas qu’il est eu souvent l’occasion de pouvoir se laver et de connaître le confort. Je t’expliquerais plus tard certains détails.
– En attendant, pourrais-tu t’occuper de lui ? s’enquit Kamaël. Lui faire visiter le château ? Nous lui avons donné la chambre en face de la tienne.
– Pas de problème.
– Comment va ma mère ? demanda le jeune homme.
– Elle a besoin de beaucoup de repos, répondit Saphir. Et… et de temps.
– Ah…
– C’est pas tout ça mais il faut que je rentre, déclara Astroméria.

Elle posa sa main sur l’épaule d’Eloan et rajouta :

– Prenez bien soin de vous, ta mère et toi.
– Merci encore de m’avoir aidé.
– De rien.

Puis elle s’éloigna en lançant :

– Au revoir monsieur et madame Mandragore !
– Au revoir gardienne ! répondit le père. Et merci encore !
– Donc tu t’appelles Eloan, lâcha Nel.

Ses yeux violets tombèrent sur l’obscurien. Une grimace traversa rapidement le visage de ce dernier.

Même en vacances, il fallait que quelque chose lui rappelle cette tête de mule…

– Et toi c’est Nel ?
– Exact. Ne perdons pas de temps.

Puis sans attendre, il lui tourna le dos et commença à partir. Eloan hésita un instant, regardant les deux Grands Nobles. Avec un sourire bienveillant, ils l’incitèrent à le suivre.

– Tu vas prendre un bain avant toute chose, annonça-t-il alors que le jeune homme venait à peine de le rattraper. Je te trouverai des vêtements et jetteraient les tiens. Nous continuerons ensuite par une visite de la grande bibliothèque et des pièces primordiales du château. Si tu as une question, n’hésite pas à me la poser.
– D’accord.

Ils traversèrent de nombreux couloirs et passèrent devant des portes closes qui étaient encadrés de blasons. Malheureusement pour Eloan, il ne pouvait pas bien les observés : il perdrait Nel de vue s’il le faisait.
L’obscurien s’arrêta devant une d’entre elle à la joie du jeune rescapé.
Sur un fond bleu marine, une fiole semblait être remplit d’une nuit étoilé. En doré, le nom de la famille y figurait : Noctum.

– Et donc, là, c’est les quartiers d’une famille, c’est ça ? s’enquit-il.
– Tout à fait. Celle des Mandragores est tout en haut, près de celle de la famille royale.

Ils entrèrent, traversèrent le corridor horriblement vide et commencèrent à monter les escaliers. Dans sa contemplation des lieux, Eloan évita de justesse une servante lourdement chargé d’un gros panier à linge.

Nel, qui ne semblait pas avoir remarqué l’arrêt du jeune homme, continua sa route.

– Attendez mademoiselle ! l’interpella-t-il. Laissez-moi vous aider.

Elle s’arrêta quelques marches plus loin et se tourna vers lui avec un petit sourire.

– Ne vous dérangez donc pas pour moi monsieur.
– J’insiste ! déclara-t-il en la rejoignant.

Il prit un bord du panier pour partager le poids entre lui et la servante. Cette dernière allait répliquer une nouvelle fois quand une voix s’éleva :

– ELOAN !

Nel redescendit en vitesse, cherchant du regard le jeune homme. Il bouscula une des deux servantes qui étaient plantés dans l’escalier, balbutia des excuses et continua sa route.

« Je sens que cette journée va être très longue » songea-t-il déjà agacé.

La domestiques se tourna vers le jeune homme et écarquilla les yeux. Une jeune femme aux longs cheveux blonds se trouvait à côté d’elle. Sa longue robe verdâtre et son tablier blanc ressemblait vaguement à ce qu’elle portait.

– Mais com…, balbutia-t-elle, comme…

Elle lui adressa un clin d’oeil, plaça son index devant ses lèvres et lui murmura avec malice :

– Chut. C’est notre petit secret, d’accord ?