Abandonne tout espoir toi qui lis ces vers
L’instant d’allégresse ne dura pas.
L’air devint soudainement lourd, les flammes des bougies tremblèrent et les murs semblèrent s’éloigner, ne laissant que ténèbres autour d’elles.
Sœur Odile avait beau être la plus téméraire, elle était aussi la plus sensible, aussi ne tarda-t-elle pas à tourner de l’œil, laissant sœur Catherine seule face aux ténèbres et leurs murmures.
Le cœur de la jeune religieuse battait si fort dans sa poitrine que cela lui faisait mal. Elle jeta des regards effrayés autour d’elle, guettant un mouvement, espérant retrouver un mur de pierre contre lequel se réfugier, mais rien d’autre que l’obscurité ne s’offrait à sa vue. Pourtant, il lui semblait entendre des bruits de pas, des murmures, des cliquetis, des respirations… Une peur froide glissait le long de sa colonne vertébrale, la réduisant au silence. Sœur Catherine se mit alors à serrer le livre contre elle, pour se protéger. Un gémissement résonna dans l'ombre, mais ce qui la fit sursauter ce fut le mouvement émergeant du livre contre sa poitrine. Elle le projeta aussitôt face à elle, le faisant atterrir sur les genoux de son amie, toujours inconsciente. Les yeux exorbités, le souffle court, elle vit l’objet maudit se mouvoir, grimpant le long des jambes offertes. La panique la saisit lorsqu’elle vit de longues pattes émerger sous le volume, ainsi que de longs tentacules gluants, couleur chair. Prenant en main ce qui lui restait de courage, elle avança une main tremblante vers le livre, déterminée à ne pas laisser tomber son amie.
— Ttt ttt ttt… protesta une voix suave à sa gauche. Ne t’inquiète pas pour elle, son destin est déjà tracé. Soit plus inquiète de ce que je suis en train de planifier pour toi, charmante petite nonne…
Sœur Catherine se mit à prier tous les saints, souhaitant ardemment elle aussi perdre connaissance et ne pas être témoin de ce qui allait lui arriver. C’est alors que l’incube émergea de l’obscurité, un doigt sur les lèvres en signe de silence.
— Chuuut… Inutile d’attirer le regard des saints sur nous ! Il est trop tard pour toi, ma petite chatte ! Tu as scellé ton sort en m’appelant avec tant de ferveur ! Vois comme je suis docile : je suis là pour toi !
A chaque mot prononcé, le démon s’approchait de la jeune femme, quittant son manteau d’obscurité, se dévoilant à sa proie. La bête avait une forme majoritairement humaine avec un corps et des traits sublimes, angéliques. Sa nature ne faisait pourtant aucun doute, eu égard à ses ailes cauchemardesques, sa peau serpentine aux teintes verdoyantes, sa longue queue fourchue et ses yeux… jaunes brillants comme des braises, pourvus d’un trait vertical en guise de pupille.
La jeune femme était une nouvelle fois perdue dans sa contemplation, perdue entre horreur et émerveillement… et aussi une forte gêne. Le démon se tenait nu devant elle, le sexe dressé et luisant. Elle avait beau vouloir éviter de regarder à cet endroit, ses yeux s’y posaient malgré elle, comme attirés par ce spectacle obscène.
— Tu veux toucher ? proposa le démon d’une voix douce.
Surprise de découvrir qu’elle était capable d’avoir les yeux encore plus exorbités qu’ils ne l’étaient, elle ravala sa salive et nia d’un geste énergique de la tête. Cela sembla décevoir son interlocuteur.
— Non ? Vraiment ? Dommage… soupira le démon. Je pensais te laisser le loisir de me découvrir avant de t’infliger mes désirs, mais tant pis pour toi, je suppose ?
Un sourire dément se dessina sur les lèvres pulpeuses de l’incube, tandis qu’il enjambait le corps de sœur Odile. Ce fut à ce moment-là que sœur Catherine se rappela la présence de son amie et découvrit avec horreur que de nombreux tentacules avaient émergés des pages du livre maudit, entravant son corps frêle, plongeant sous sa jupe tandis qu’un autre s’était enroulé autour de sa mâchoire, étouffant ses cris. La jeune femme avait repris connaissance pour son plus grand malheur. Leurs regards se croisèrent une fraction de seconde pendant laquelle sœur Catherine put lire la terreur dans ses yeux, mais pas seulement. Les tentacules sous la jupe s’activèrent, le corps de la victime se cambra et un gémissement de plaisir s’échappa de sa gorge.
Oubliant la menace qui pesait sur elle, sœur Catherine observait la scène avec fascination. Eut-elle été capable de venir en aide à son amie, elle n’était plus très sûre qu’elle serait intervenue. Les mains crispées sur sa jupe, elle sentait une douce chaleur s’éveiller entre ses cuisses. La même chaleur l’avait saisie lorsqu’elle avait assisté à la punition de sœur Augustine ; surprise en train de batifoler avec le fils du boulanger du village voisin, la Mère Supérieure l’avait dénudée avec violence, mise à genoux face au grand crucifix de pierre de la cour, avant de la fouetter jusqu’au sang. Cette vision lui avait tenu chaud tout un hiver ; lorsque sa colocataire de chambrée dormait, elle était même allée jusqu’à se caresser et se pincer les mamelons en se remémorant le sang zébrant de rouge le dos d’albâtre de sœur Augustine, tandis que ses cuisses luisaient encore des fluides de son amant. Un nouveau gémissement de plaisir et de douleur parvint aux oreilles de sœur Catherine, faisant accélérer sa respiration.
— Par Lucifer, qu’avons-nous là ! s’exclama le démon, rappelant sa présence à la jeune sœur.
La créature, qui avait observé la montée de désir dans le regard de la jeune femme, jubilait.
— Une religieuse impure !
Il s’agenouilla face à elle, la contraignant à s’allonger. Elle secoua la tête.
— Une femme vicieuse !
Il renifla son ventre. Elle ferma les yeux et secoua une nouvelle fois la tête.
— Une vierge obscène ! Mais quel régal !
Il remonta entre ses seins, puis jusqu’à son cou, se délectant de son odeur virginale, de son embarras, de ses désirs inavoués. Son sexe s’était pris dans sa jupe et l’avait relevée, elle l’avait sentie remonter le long de sa cuisse, pour finir sa course contre sa culotte. Elle se mordit les lèvres, honteuse de sentir la chaleur entre ses cuisses s’intensifier, s’humidifier. Ses parents s’étaient débarrassés d’elle au couvent, l’accusant à l’époque d’être une fille lubrique, une fille marquée par les flammes. Il lui avait dit que le couvent était le seul moyen de racheter son âme…
L’incube lécha son cou avant d’arracher sa cornette. Il enfouit ensuite son visage dans la chevelure couleur feu de sœur Catherine, son membre se frottant ostensiblement contre sa culotte de plus en plus humide.
Que faire ? Si elle cédait à ce démon, son âme serait damnée… Avait-elle le pouvoir de résister ? Les gémissements de sœur Odile caressaient son oreille, l’excitant plus qu’elle ne voulait l’admettre. Diantre, avait-elle seulement envie de résister ? Pour quoi ? Finir vieille, vierge et acariâtre comme la Mère Supérieure ? Si Dieu voyait vraiment tout, il savait certainement déjà à quel point elle était pervertie…
La main droite du démon passa sous son chemisier et vint s’emparer de son sein, le massant doucement, mais fermement. Une vague de plaisir la traversa, elle se mordit les joues, s’accrochant à ce qui restait de pieu en elle, cherchant en vain une prière pouvant la soustraire à cette tentation. C’est alors que l’incube pinça son mamelon, tout en frottant son membre contre le clitoris sensible de la jeune femme. Un frisson délicieux la submergea et ravagea ce qui lui restait de raison. Dans un gémissement aigu, elle abandonna ses idoles et décida d’embrasser ses passions.
Catherine rouvrit les yeux et se tourna vers son tourment. Elle s’efforça de faire abstraction de son regard doré et goguenard pour se focaliser sur ses lèvres. Elle n’avait jamais embrassé : comment faisait-on ? La question ne dura pas longtemps, le démon prit les devants dans un grognement de satisfaction.
Se lever aux aurores, faire les corvées avant d’avoir le droit de prendre un maigre déjeuner insipide, étudier les Saintes Écritures, reprendre les corvées, se repentir d’être une femme, une descendante d’Eve la tentatrice, se coucher épuisée et frustrée pour recommencer le même rituel jour après jour sans but, sans espoir d’une vie meilleure. Voilà ce qui était attendu d’elle et des autres sœurs. Fi ! Elle leva une main tremblante et s’aventura à caresser le dos de la créature. Elle s’attendait à une peau froide et visqueuse, elle fut surprise de la sentir douce et chaude.
Sentant sa proie s’offrir à lui, l’incube exulta et lui arracha ses vêtements, révélant un corps mince, presque maigre, des taches de rousseur le parcourant de toute part. Le démon la dévora du regard avant de finalement arracher ce qui lui restait de défense de sa pudeur, révélant une charmante toison rousse dans laquelle l’incube plongea son nez avec avidité. Excité par ses effluves, il serra ses mains sur ses cuisses, plongeant ses griffes dans sa chair, lui arrachant un petit cri mêlant douleur et plaisir.
Les émotions les plus contradictoires se succédaient et se mélangeaient dans le cœur de Catherine, mais plus que tout, elle savourait son impudence, sa libération des dogmes. Elle acceptait ses vices et ses passions avec ferveur. Son audace la poussa même à glisser ses doigts dans la chevelure du démon qui ravageait son intimité de ses langues. Certaines étaient plus râpeuses, d’autres plus longues, d’autres plus épaisses, mais elles s’accordaient toutes dans une danse décadente entre ses lèvres. La peur l’avait quittée, mourir ne l'effrayait plus, seuls le plaisir et la satisfaction de ses désirs les plus sombres importaient.
Les vagues de plaisir se succédaient, joignant ses gémissements à ceux de sœur Odile. Ces derniers étaient particulièrement plaintifs, leur sonorité pleine de désespoir berçait Catherine, perdue dans les limbes de la luxure.
Gorgé de ses fluides, les lèvres luisantes de son plaisir, le démon se redressa et remonta jusqu’à son visage, laissant sa salive couler et se répandre sur le ventre blanc de la pécheresse. Envoutée, possédée, Catherine le dévisageait avec une Envie à l’état pur. Sans plus de cérémonie, l’incube accéda à ses désirs et la pénétra violemment, déchirant ses chairs et sa pureté.
***
Le lendemain matin, ne voyant pas ces deux petites pestes se joindre aux autres pour les prières du matin avant de commencer les corvées, la Mère Supérieure traversa les couloirs d’un pas rageur. Dieu lui pardonne, mais ces jeunes filles avaient un véritable don pour attiser la Colère en elle ! Arrivée devant leur chambre, elle ouvrit la porte sans prévenir et fut stupéfiée par une scène des plus macabres : au sol, gisaient deux dépouilles sanguinolentes dans des postures licencieuses. Ce qui restait de leurs visages était le plus dérageant : l’une arborait les traits mêmes de l’horreur et de la souffrance, quand la seconde semblait avoir été touchée par la grâce tant elle semblait heureuse.
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