Les courses de Thanksgiving

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-Un bal ? pour Thanksgiving ? Je suis sûre que c'est encore une idée d'Alexandra, la copine hystérique.

Je regardai le prospectus coincé dans la porte de mon casier et je le tendis à Sophie juste à côté de moi. Elle y jeta un rapide coup d'œil avant de le chiffonner et de le jeter dans la poubelle la plus proche.

-Carrément. De toute façon j'ai eu ma dose de bal de lycéen pour des mois... Vous faites quoi pour Thanksgiving, tu m'as pas dit du coup ? J'imagine que vous n'allez pas faire comme l'an dernier.

-Giulia, la fille d'Éric est avec lui pour Thanksgiving, du coup on invite tout le monde à la maison.. comme quand Maman était vivante. J'ai demandé à mon père de ne pas inviter ma grand-mère en prétextant qu'on allait chez les parents de Mary, pour qu'Élijah puisse venir. Les parents et le frère de Mary doivent venir aussi. Je ne sais pas pour le frère de Papa, mais honnêtement, ça m'étonnerait, je l'ai pas vu depuis le mariage et avant des années... Et chez toi ?

-Mes grands parents viennent, mes cousins aussi, oncles, tantes.. toute la smala. Au moins mon père me foutra la paix.

Je regardai Sophie d'un air étrange. Elle soupira et remit sa mèche de cheveux derrière son oreille.

-Il ne m'a pas reparlé depuis qu'il s'est ramené torché chez toi. Enfin pas vraiment, je dois dire que je l'évite. Je fais en sorte de dormir quand il arrive ou être entrain de bosser à la bibliothèque. Je suis hyper mal à l'aise et je lui en veux de s'être donné en spectacle comme ça. Ça fait des semaines je sais, mais quand même.

Je pris mon livre de sciences et je refermai mon casier. Je souris à Sophie qui essuyait ses lunettes avec un mouchoir en microfibre. Lorsque je me retournai, je vis Alexandra. Elle était devant moi mais elle ne me regardait pas. Elle regardait Sophie d'un air méprisant.

-Quoi ? lui demanda ma meilleure amie.

-Tu as eu ce que tu voulais n'est-ce pas ? siffla la petite amie de Brian.

-Je ne vois pas de quoi tu parles. Pas du tout.

-Ah oui ? Tu as emballé le mec de ma meilleure amie et moi, je protège mes amies.

Ses deux copines et elle lancèrent en même temps leurs trois gobelets de soda dans la tête de Sophie. J'étais à deux doigts de la cogner mais Sophie, me confia ses lunettes. Avait-elle l'intention de les boxer et elle ne voulait pas prendre le risque d'abimer ses lunettes ? Mais je me trompais. Ma meilleure amie laissa le soda dégouliner de son visage. Elle rouvrit ses yeux rougis par le sucre et elle leva le menton bien haut avant de tourner les talons sous les moqueries de la bande de pouffes. Je poussai Alex des deux mains et lui courus après. Elle allait droit vers le réfectoire. Les gens la regardaient et me regardaient aussi parce que je lui criai de s'arrêter. Elle ouvrit la porte du réfectoire et j'arrivai à ses côtés. Elle s'arrêta, et se dirigea droit vers la table des performers où Brian faisait le pitre comme à son habitude.

-Miller, je te cherchais, lança-t-elle.

-Qu'est-ce que..

Sophie fit alors un truc hallucinant. Elle retira son T-shirt bousillé par le soda, restant en soutien-gorge dans le réfectoire, il y eut un grand silence.

-Tu me dois le pressing et tu diras à ta petite amie que la prochaine fois qu'elle s'avise de me lancer du soda dans la figure, je porte plainte pour harcèlement et mon oncle est l'un des meilleurs avocats de la côte Ouest, compris ? 

Brian et Paul se précipitèrent pour retirer leurs blousons aux couleurs de l'équipe du lycée et les tendre à Sophie.

-Non merci Paul, garde-le. Je me suis pris du soda à cause de ton ex, tu comprendras que j'ai pas envie que tu m'aides, souffla Sophie en enfilant celui de Brian. Mais c'était gentil. Je veux le récupérer d'ici une semaine. C'est un T-shirt qui vient de France. J'y tiens beaucoup.

-Comment ça à cause de mon ex..

-On m'a accusée de t'avoir embrassé. Apparemment tu aurais cassé pour ça.

Le visage de Paul se ferma et il sortit en trombe du réfectoire. Je vis Brian regarder par dessus mon épaule et fusiller du regard une personne. Il me décala de la main et s'adressa à un gars dont j'avais oublié le nom mais qui était dans un de mes cours au collège.

-Je peux savoir ce que tu es entrain de filmer ? Si y'a la moindre photo ou film de Sophie à demie-nue qui circule, je te massacre, le menaça le fils de Mary, la mâchoire serrée, les yeux froids. Sérieusement ? Vous êtes obligés de nous écouter là ? Vous avez pas autre chose à faire ?

Je ne pensais pas que les gens du lycée, lui obéiraient mais apparemment personne n'avait envie de se mettre Brian Miller à dos, ou encore un de ses potes qui manifestement, intimidaient les gens du regard. Il se retourna vers Sophie alors que les gens retournaient à leurs occupations.

-Je suis désolé Sophie. Vraiment. Je vais arranger ça, elle va te présenter des excuses, je te le promets. Sarah.. la combinaison de mon casier pour cette semaine c'est la date d'anniversaire de Tom, y'a un T-shirt propre dedans. Va le prendre. Je suis désolé encore. Vraiment. Ça ne se reproduira pas.

Il avait l'air sincère quand il posa ses deux mains sur les bras de Sophie. Cela me paraissait bizarre mais il était toujours sympa avec Sophie. Je tournai la tête et vis Alexandra se figer à l'autre bout de la pièce. Elle arriva comme une furie. Brian ne l'avait pas vu, du moins je le pensais. Mais quand il rattrapa la main au vol de sa copine qui allait s'abattre sur Sophie, j'étais certaine qu'il l'avait vu depuis son arrivée à la cantine et qu'il attendait juste de voir sa réaction. Ou alors il avait des réflexes de folie façon Daredevil. Il maintenait le poignet de sa copine en l'air et la regardait avec une dureté que je ne lui connaissais pas. Ou du moins, il ne m'avait jamais regardé d'un air aussi dur. Alexandra blêmit et se recula. Sophie en profita pour me prendre par le bras et m'emmener dehors, fissa. Avant de partir, je me détournai pour regarder ce qu'il se passait. Brian prenait son sac de cours et la main d'Alex. Il n'aimait pas s'épancher en public. Sa mère avait raison. Il voulait avoir une discussion sérieuse avec elle. Sophie m'entraina dans les couloirs.

-Tu as fait fort là. Brian va vraiment finir par tomber raide dingue de toi So'.

-Je devais le faire, j'en ai assez de me faire marcher dessus par cette conne.

Nous nous dirigeâmes vers son casier et j'entrai le code de Brian. Il y avait des photos sur la porte intérieure. Il y avait en effet un T-shirt propre, repassé et plié dans le fond.

-C'est pas ton père là-dessus Sarah ?

Je regardai la photo qu'elle tapotait légèrement. Il y avait mon père, Brian et Tom. Ils étaient en costume. C'était le jour du mariage. J'arrivais à reconnaitre le costume même si la photo était en noir et blanc, normal, j'avais donné mon accord pour qu'il l'achète.

-Si. C'est mon père. Je comprends pas pourquoi il a une photo avec mon père dans son casier.

-Parce qu'il fait partie de sa famille, regarde, y'a une photo de Mary et.. j'imagine que c'est son frère, il lui ressemble vachement et.. non mais attends, c'est nous ça, non ? Au mariage. Regarde y'a Paul et Brian aussi, je m'en souvenais même pas !!

Je retirai la photo. On était tous les quatre du côté du bar. Brian, derrière le bar avait une bouteille et semblait faire un cocktail, son costume était légèrement ouvert. J'étais assise sur le comptoir, Sophie était derrière Brian et Paul debout, accoudé au bar entrain de me parler. N'était-ce pas là qu'ils avaient fait connaissance tous les deux ? C'était presque une photo volée. Le photographe Hank, avait dû lui envoyer mais Môssieur Brian n'avait pas jugé bon de la donner au reste de la famille. En même temps.. ce n'était clairement pas du Perrier la bouteille qu'il avait en main. Ce n'était peut-être pas étonnant.

-Moi non plus, murmurai-je. Tiens. Son T-shirt.

Elle le prit et l'enfila dans le couloir, après avoir vérifié que personne n'arrivait. Elle remit le blouson de Brian dedans avant de le refermer. Voir Sophie avec un T-shirt Quidditch de Serdaigle, je trouvais ça super drôle. Nous n'avions même pas mangé avec tout ça et clairement, je n'avais pas envie d'aller de nouveau dans la fosse aux lions.

-On va à la pizzeria au bout de la rue ? On a pas le droit de sortir du lycée, mais sérieusement, qui le verra ? 

Elle avait raison et un quart d'heure plus tard, nous étions devant la pizzeria. Sophie regarda si le serveur qui avait le béguin pour elle était présent. Elle se recoiffa rapidement et elle m'adressa un sourire avant de pousser la porte. Il la vit et se dirigea directement vers nous. Il était gentil et il nous servit aussi vite qu'il le pouvait.

-Tu as des nouvelles de Marc ?

-Il m'a envoyée deux messages avant-hier. Le premier pour me demander si je restais dans les parages pour Thanksgiving et le second... et le second pour me demander d'allumer une bougie pour lui parce qu'il avait un exam.

-Vous avez des relations normales alors.. je veux dire.. depuis votre discussion chez lui. C'est bien, je trouve. C'est quand même ton amour de jeunesse, avant que tu tombes entre les bras délicieusement musclés de Chucky.

-Chucky ? répétai-je en pensant à la poupée flippante.

-Sexy Chuck : Chucky.

-Arrête avec ça et de l'appeler comme ça ... et puis.. Marc.. je ne sais pas quoi faire. Tu aurais dû voir ses yeux.. il était tellement sincère, tellement sérieux.

-En fait tu es toujours attiré par lui, c'est ce que tu es entrain de me dire ? En même temps.. même s'il s'est comporté comme un con de la pire espèce, c'est quand même Marc McDust.. tu te souviens l'an dernier, il était tellement..

-Sexy et cool ?

-Oui, fit ma copine en remettant de l'huile pimenté sur sa part de pizza. Genre tu te souviens quand il marchait dans les couloirs ? C'était comme si un dieu mineur passait, les gens se reculaient pour le laisser passer.

-Je m'en souviens. C'est pour ça que.. je ne sais pas s'il s'intéresse vraiment à moi, mais j'ai la sensation que c'est le cas et avoir Dieu qui s'intéresse à soi.. c'est juste magique.

-Je comprends. J'ai reçu un message de Clive. Il voulait savoir si la fille qui t'emmerdait avait recommencé à te mener la vie dure. Il pense que tu ne tiendras pas parole en lui disant comme il te l'a demandé, donc il veut que je veille au grain.

-Techniquement, c'est toi qu'elle fait chier l'autre pouffiasse. Tu vas lui dire?

-Ça va pas ou quoi ? J'ai pas envie qu'il débarque comme ça au lycée. Je sais que ça peut paraître bizarre, mais je n'ai pas envie que tout le monde sache que lui et moi.. enfin que c'est mon ex. Si on peut l'appeler ex.

-Moi non plus je ne veux pas qu'on sache pour.. Ray et les autres. C'est notre truc. Et ce qui est intéressant dans notre truc justement c'est le fait qu'on est pas des célébrités. On est juste normale et je pense qu'ils ont besoin de normalité.. Tiens en parlant du loup...

Mon téléphone sonna à ce moment là et le visage de Ray s'afficha. Je le montrai à Sophie, elle me fit signe que je pouvais décrocher sans problème.

-Tu sais que si tu commences à m'appeler, à me texter ou à m'envoyer des mails tout le temps, je vais finir par m'y habituer..

-J'espère bien, rit mon ami à l'autre bout du pays. En fait, j'ai un truc à te demander. J'ai mon cousin qui est en primaire et pour un travail de classe, il faudrait que tu lui envoies une carte postale de Los Angeles.. tu penses que tu pourrais le faire ? Il habite à Montréal et il parlera avec sa classe des villes où..

-Pas de souci, tu me donnes ton adresse ? l'interrompai-je. Enfin je veux dire son adresse. Tu peux me l'envoyer par SMS ?

-Merci beaucoup. Je te rembourserai bien sûr.

-Mais non voyons, j'ai les moyens d'envoyer une carte postale. Tu vas bien ? J'ai l'impression que tu as une voix fatiguée.

-C'est les cours. Ça me crève, je n'ai plus l'habitude d'un rythme aussi soutenu. Le seul truc qui est cool en fait c'est que je peux prendre ma moto pour aller en cours. Quand ma mère ne s'en rend pas compte.. elle ne trouve pas ça prudent.

-Elle n'a pas tort.

-Je suis hyper sérieux au volant. Et encore.. j'ai tendance à aller plus vite quand je conduis une voiture. Tu fais quoi là ?

-Je suis entrain de manger avec Sophie, elle te dit bonjour d'ailleurs.

-Oh mince, je ne pensais pas que..

-Non mais c'est bon, t'inquiète, on se rappelle plus tard ?

-Heu.. non.

Je sursautai. Il avait dit quoooi ?

-Maman, je suis au téléphone là, je vais pas aller mettre mes.. oui, finit-il par dire résigné. Excuse-moi Sarah tu disais ? Ma mère veut que j'aille lancer une machine à laver.

-Je te disais qu'on se rappelle plus tard, je finis dans 3h. Tu n'auras qu'à m'appeler après ton dîner..

-Oui faisons ça. Bises.

Je raccrochai et je regardai Sophie. Elle avait un air goguenard sur le visage.

-Quoi ?

-J'adore votre relation à tous les deux. Vous êtes si.. vous. C'est trop chou.

Elle fit un signe à son serveur et il arriva.

-Tu peux nous remettre une carafe d'eau s'il-te-plaît ?

-Oui bien sûr So..Sophie.

Il avait bégayé et il était devenu rouge. Le pauvre. Il était tellement gentil. Je le regardai avec bienveillance alors qu'il s'éloignait. Au moment de payer, Sophie me fit signe qu'elle payait. Je trouvais ça gentil, jusqu'à ce qu'elle sorte une carte bleue.

-C'est.. celle de ton père ?

-Oui. C'est mon père qui invite ce midi. Ensuite, je vais aller faire les boutiques et c'est aussi mon père qui va payer.

-Hum.

-Quoi Hum ?

-Tu penses pas qu'il faut.. enfin je veux dire vous êtes fâchés okay, mais mes oncles m'ont dit qu'à un moment donné, il faut savoir arrêter. Je suis de ton côté. Il s'est comporté comme un con, c'est clair, mais..tu crois pas que tu rentres un peu dans son jeu alors que tu devrais.. tout faire pour ne pas envenimer les choses ?

-Il m'a dit que j'étais une dévergondée, en gros. Et il a critiqué ton éducation auprès de ton père. Je sais qu'il avait bu mais tu sais quoi ? in vino veritas. Il le pense vraiment Sarah. Je ne plaisantais pas quand j'ai dit que mon père buvait beaucoup. Je ne sais pas ce qu'il a mais c'est le premier truc qu'il fait à la maison. Ça a commencé.. une semaine avant qu'il pique sa crise devant John. Il boit du cognac en arrivant et je sais que le soir aussi, il le fait, après le dîner. Je crois que mon père a un problème. Mais il ne veut pas nous en parler et le seul moyen pour lui de s'en sortir c'est de boire. Même Henry l'a remarqué, il a essayé de lui en parler et mon père l'a envoyé chier. De manière monumentale. Il lui a fait comprendre que depuis qu'il était parti en France, c'était comme si il nous avait abandonné et qu'il n'avait plus à se mêler de nos affaires de famille. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles mon frère est rentré chez lui plus vite.

-Tu devrais le dire à mon père. Peut-être qu'il se confierait plus à mon père. Ils sont amis. Du moins quand ton père n'insulte pas le mien !

-Tu penses ?

Sophie était sérieuse, elle était triste, elle était mal. Je le voyais maintenant. J'y pensais encore en cours. Nicholas était quelqu'un de bien, je le savais mais c'était vrai que Sophie passait du temps chez moi, ce qu'elle faisait, certes, déjà avant mais elle restait de plus en plus longtemps. Je la observai pendant le cours d'histoire. Elle semblait un peu ailleurs et à un moment, elle tourna les yeux vers moi et elle sourit. À la fin des cours, Sophie avait théatre et moi je décidai de rentrer chez moi et d'aller courir, chose que je n'avais pas fait depuis.. longtemps. Je devais juste rentrer à pieds. Mais c'était sans compter sur mon karma. Il se mit à pleuvoir à grosses gouttes et bien évidemment, j'avais laissé mon parapluie chez moi. Sophie étant occupée, je n'avais plus le choix, je devais prendre le bus scolaire. Je soupirai. Il était hors de question que je prenne le bus avec tous les attardés. C'est alors que je vis Brian sortir du gymnase avec ses affaires sur le dos. Je tournai les yeux vers le bus jaune et vers Brian. Je soupirai et me dirigeai vers lui.

-Brian ?

-Toi tu veux que je te ramène à la maison. Ce sera 15$.

-Pardon ?

-Tu as bien entendu, je fais le taxi, mais uniquement pour 15$.

-Mais tu rentres à la maison toi aussi !

-Et alors ? J'évalue à 15$ le préjudice que je pourrais avoir si on me voyait avec toi.

-Ça me coûterait moins cher de..

-De prendre le bus scolaire ? Vas-y. Moi je m'en fous. Rentre à pieds, prend le bus magique où tu te feras plein d'amis, je m'en tape.

Il ouvrit sa portière et rentra dedans. Il m'énervait mais j'avais pas envie de prendre le bus. J'entrai dans sa voiture avant qu'il ne change d'avis et démarre sans moi, d'autant plus que je commençais à être vraiment mouillée, mon sac de cours ne me protégeant pas tellement en définitive.

-Je te paierai une fois à la maison, j'ai que 5$ sur moi.

Il sourit et il mit de la musique via son iPhone. C'était Imagine Dragons. Il ne parlait pas, concentré sur la route, il tapait sur son volant en rythme et fredonnait.

-Je comptais passer chez Starbucks avant de rentrer à la maison. Je peux t'avancer si tu veux..je mettrai ça sur ta note.

-Pourquoi tu es comme ça ?

-Comme quoi ?

-Comme... pourquoi tu te comportes toujours mal avec moi ? Alors que tu es adorable avec Sophie ou avec les autres ? Tu es bipolaire ou quoi ? 

Il tourna les yeux vers moi et il plissa des yeux avant de retourner sur la route. Il baissa le son de sa musique.

-Non, je ne suis pas bipolaire. C'est juste que je ne t'aime pas. On nous force à vivre ensemble mais tu n'es pas ma sœur et tu n'as jamais essayé de devenir mon amie. Tu m'as jugé parce que je suis devenu populaire et que je suis un sportif. Et comme tu te complais dans ta caste de losers au lycée, ce que j'exècre, c'est clair qu'on ne pouvait pas être pote. Alors je ne vois pas pourquoi je te ferai un traitement de faveur par rapport aux autres.

-Parce que je suis pas ta sœur ou ton amie, mais que ta mère me considère comme sa fille. Voilà pourquoi je mérite que tu me traites convenablement. 

Il ne répondit rien pendant un long moment. Nous arrivâmes au Starbucks et il sortit sans dire un mot. Je ne savais pas quoi dire non plus d'ailleurs. Même quand il m'enferma dans sa voiture. Mais je savais que j'avais raison. Je voulais juste être bien traitée, était-ce trop demandé ? Brian revint dans sa voiture. Il me tendit un gobelet et posa le sien dans l'emplacement prévu. Il passa une main dans ses cheveux mouillés.

-Je te traite convenablement, reprit-il tout en redémarrant sa voiture. Tu n'en as pas l'impression mais en vrai Sarah, je te traite pas comme les autres. Je sais que j'ai dit le contraire mais ce n'est pas vrai. Tu crois vraiment que je t'aurai ramené sinon ? Tu n'es pas ma sœur, tu n'es pas mon amie, mais tu existes quand même à mes yeux. C'est plus que tous les autres, ceux qui font parti de la case : personnes que je n'aime pas. Je te parle. Tu devrais te contenter sur ça, c'est tout ce que je t'offrirai. Maintenant bois ton Caramel Macchiato avant qu'il ne refroidisse.

-Comment tu sais que j'aime les Caramel Macchiato ?

-Comme je te l'ai dit, tu existes à mes yeux. Merde, y'a des flics. Tu peux me passer mon sac ? Mon permis est dedans.

Je me penchai vers l'arrière de la voiture et je pris son sac de cours. Je pris son portefeuille et je lui tendis. Un policier lui fit signe de s'arrêter sur le côté et il s'exécuta en grommelant. Une fois que la vitre fut relevée et qu'il redémarra, il soupira d'aise.

-Pourquoi tu soupires ?

-Hum.. tu n'as pas remarqué les bouteilles sur la banquette arrière ? Tu as besoin de lunettes ou quoi ? S'il les avait vu, j'étais cuit. Enfin.. on était cuit. Parce que pour le coup on aurait fini au poste et ma mère nous aurait détruit.

-Tu déconnes ? Pourquoi tu as de l'alcool dans ta voiture alors qu'on était au lycée ?

-Vestige d'une fête, j'ai zappé de m'en débarrasser, c'est tout. Rien de particulier.

-Merci en fait.

-Pour ?

-Le Caramel Macchiato. Je ne t'ai pas remercié. Tu peux regarder la route s'il-te-plaît ? Tu as pris quoi toi ?

-Un Latte vanille. J'en avais pas pris depuis des lustres. Pfffff. La route est barrée, il faut qu'on fasse un détour, soupira-t-il en pinçant la bouche.

Son téléphone vibra. Il décrocha en reculant et en empruntant l'autre route.

-Salut Maman.

-Brian, mon ange ? résonna la voix de Mary. Ça va ? Tu es à la maison ?

-Non, je suis en voiture. Y'a un souci ?

-Non pas du tout. Tu veux bien aller faire deux trois courses pour Thanksgiving ? Je vou..

-Oui, l'interrompit-il.

-Merci mon ange.Tu me soulages d'un poids.

-Ouais, tu diras peut-être pas ça si je trouve pas ce que tu veux. Envoie-moi la liste des courses par mail. Tu veux manger quoi ce soir en fait ?

-J'ai prévu un truc mais je ne sais plus quoi. Si tu trouves quelque chose qui te plaît, prends-le. Il faut que j'y aille. À ce soir Brian. Oh en fait. Ne roule pas comme un fou, c'est le déluge dehors. Je veux que tu me reviennes en entier.

-Moi aussi je t'aime, et pour ta gouverne, je suis toujours prudent au volant.

Il raccrocha. Il souriait largement. Un appel de sa mère et il était aux anges ? Ce gars était étrange.

-Ma mère se fait toujours du souci pour Thanksgiving, me confia-t-il. Elle stresse et tous les ans c'est la même chose depuis que j'ai l'âge d'aller dans les magasins tout seul. Elle me délègue l'achat de certaines choses. Finalement, on se retrouve avec des choses en double, mais ça la rassure. Tu es pressée ?

-Non. Je vais venir faire les courses avec toi. Fais comme si j'étais pas là.

-Je fais comme d'habitude quoi. Sophie va bien ?

-Pourquoi quand Sophie se fait balancer du soda dans les yeux, tu t'inquiètes pour elle et pas quand c'est moi qui me prend du soda ?

Brian se gara sur une place de parking et se tourna totalement vers moi.

-Depuis que tu t'es prise des vers en pleine tête à Halloween, est-ce qu'Alexandra t'a adressée la parole ? Est-ce que tu t'es faite rudoyée ou quelque chose comme ça ?

Il avait élevé la voix. C'était assez impressionnant, d'autant plus que je n'avais pas d'endroit où aller. J'étais coincée dans sa voiture.

-Réponds-moi. Mis à part aujourd'hui est-ce que quelqu'un t'a emmerdé de quelconque manière ? Non. Et tu veux savoir pourquoi ? Parce que Paul et moi, on leur a dit d'arrêter. Alors arrête ton misérabilisme à la mords-moi le nœud et commence à agir en grande fille. Je t'ai posé une question simple. Est-ce que Sophie va bien oui ou non ?

-Oui.

J'avais envie de le frapper mais en même temps, une voix dans ma tête me disait qu'il n'avait pas tort. Il redémarra et se rendit au centre commercial. Il y avait du monde sur la route et nous étions coincés dans les bouchons. Il avait augmenté sa musique pour être certain de ne pas me parler.

-Sophie ne va pas bien en fait. Pas à cause de ce qu'il s'est passé au lycée, mais elle ne va pas bien et je crois que ça lui a fait du bien de voir que tu la défendais. Elle ne se sent pas protégée je crois. Sauf quand elle est chez nous alors. C'était cool de ta part et de celle de Paul.

-C'est en rapport avec son père ?

-En partie oui.

-Avoir un père qui n'assure pas je connais.

Je lui jetai un coup d'œil. Je n'avais jamais encore entendu parler du père de Brian ou du moins très peu. Je me demandais ce qu'il avait bien pu lui faire pour qu'il en parle d'un ton aussi aigre. Seulement, je me doutais bien que je n'aurais pas d'information avec lui, aussi, je décidai de changer de sujet.

-Le premier week-end de décembre, la semaine prochaine mon père et moi allons à Seattle tous les deux. Je lui ai dit que pour Noël, il avait intérêt à assurer pour le cadeau de ta mère, je crois que je l'ai fait flippé. Alors s'il te pose la question.. continue à le faire marcher, mon père est très permissif quand on le fait marcher et qu'il flippe.

-C'est bon à savoir. Surtout que j'ai dit la même chose à ma mère. Tu m'attends là ou tu veux venir avec moi ?

-On ira plus vite à deux, non ?

Il acquiesça et il se pencha vers moi en me regardant droit dans les yeux. Je reculai le plus possible. Qu'est-ce qu'il voulait faire ? Il eut un sourire narquois.

-Je veux juste récupérer un parapluie qui est sous ton siège derrière.

Il sortit un parapluie et il me le tendit avant de sortir de sa voiture en enfilant son blouson. Il se dirigea vers les chariots. Il avait sorti un parapluie juste.. pour moi ? Mais je comprenais mieux pourquoi en sortant. Il avait projeté le chariot et le prenait pour une trottinette. Il pleuvait vachement, mais lui semblait.. libre étonnamment. Il arriva dans le centre avant moi.

-Bon, je m'occupe des légumes, je sais ce que veut ma mère. Elle voulait aussi... ajouta-t-il en regardant son iPhone :  de la pâte d'arachide, pas du beurre de cacauhuètes, 3 tablettes de chocolat noir, œufs , elle veut 2 douzaine, prends en 4.

-C'est tout ?

-Ouais.. Ah attends, j'ai un nouveau mail. Elle veut aussi du coton à démaquiller et des tampons.

J'ouvris grands les yeux et je m'arrêtai en posant une main sur le chariot.

-Tu achètes des tampons pour ta mère ?

-Oui et ?

-Tu trouves pas ça.. chelou ?

-Je connais sa marque de tampons, je l'ai déjà fait, c'est des courses quoi.

-Mais tu es un garçon.

-Bravo Captain Obvious. Ma mère me donne des courses à faire, je le fais, c'est tout. Y'a rien de pervers, de sale ou d'incestueux. Alors arrête. Elle me demande pas non plus de lui acheter des capotes, ajouta-t-il en se remettant en marche.

-Encore heureux.

-C'est pas des menstruations et tout ce qui s'y approche qui me font peur. Et j'en ai rien à foutre du  regard des autres. C'est exactement comme si tu trouvais atroce de voir une femme acheter des capotes, parce que tu considéres que ce n'est pas son rôle. C'est exactement la même chose. C'est de la pure discrimination.

-Tu te fous de moi ? Tu es entrain de dire que je fais de la discrimination parce que je trouve chelou de voir un jeune homme acheter des tampons pour sa mère ? Je suis juste surprise c'est tout, parce que.. tu es le premier que je vois, c'est tout.

Je m'éloignai de lui pour aller chercher la moitié des courses, il me saoulait avec ses préjugés à la noix. Quand je le rejoignis avec mon chocolat, ma pâte d'arachide et les œufs, Brian était entrain de draguer dans un des rayons tout en prenant des tampons pour sa mère. Non mais vraiment ? On était censé faire des courses, j'avais une tonne de boulot à faire et monsieur draguait ? Mais qui draguait en achetant ce genre de choses ? La jeune fille était rousse (il devait avoir un truc avec les rousses) avec de grands yeux bleus. Son visage était atypique. Elle n'était pas à proprement parler jolie. Du moins, je devais l'admettre, elle était moins belle qu'Alexandra mais il se dégageait d'elle une chose que n'aurait jamais la copine de Brian : de la gentillesse. Je me dirigeai vers lui et posai mes articles dans le chariot en faisant du bruit.

-Brian ? Tu as pris tout ce qu'il fallait ?

Il se tourna vers moi, acquiesça et continua sa discussion avec la fille. C'est alors que je remarquai que Brian ne parlait pas notre langue. Il parlait en français, rapidement, avec un très bon accent. Je ne savais même pas qu'il connaissait le français et je n'avais pas vraiment l'impression qu'il avait un simple niveau de lycéen, déjà, il parlait trop rapidement pour que je comprenne la moitié des mots alors que j'étudiais cette langue. Mais je réussis à comprendre les mots pratique, lycée, pas de souci. Il sortit son téléphone et le tendit à la fille pour qu'elle note son numéro. Je restai sans voix, même une fois que les courses furent payées et que nous les rangions dans son coffre.

-Tu viens de chopper le numéro d'une française en 2 minutes dans sa propre langue ? Comment tu as fait ?

-Bah, je lui ai simplement dit Tu n'as qu'à me donner ton numéro pour qu'on puisse se revoir, j'habite ici. Voilà. C'est tout.

-Tu parles super bien français.

-La grand-mère de mon père était française, mon père était bilingue et ma mère a considéré que je ne devais pas perdre cet aspect de mes origines. Par contre, il faudrait que je parte en France pour améliorer mon accent parce que j'ai appris le français avec ma mère et j'hésite sur la prononciation de certains mots.

-Mary parle français couramment ?

-Évidemment, lâcha-t-il comme si j'étais une imbécile. Elle travaille dans la mode. Elle parle couramment français et l'italien aussi. Juste après son diplôme au lycée, elle est partie vivre un an en France. Elle a fait une année d'étude pour améliorer son français et elle est revenue. Pour l'italien, elle a appris sur le tard. On est arrivé. Je vais m'occuper des courses.

Mon père était là avec Tom, entrain de superviser ses devoirs.

-J'ai commencé à m'inquiéter Choupi, tu devais rentrer plus tôt et tu ne m'as pas envoyé de..

-On est parti faire des courses avec Brian pour Mary. Désolée. En fait, je ne t'ai pas dit, on a reçu nos notes d'algèbre, d'un devoir qu'on devait rendre après les vacances. J'ai eu un A+.

-C'est vrai ?

Mon père était fier, ça se voyait. C'est sûr que ça changeait de l'habituel C+/B-. En même temps, le mérite revenait à Brian. C'était lui qui avait fait mon devoir. Mais après avoir regardé ce qu'il avait fait, cela m'avait paru plus clair. En réalité, je n'étais pas si mauvaise que ça en math. Je comprenais juste en décalé par rapport au reste du monde et clairement, je ne les bossais pas assez. Je faisais l'intégralité de mes exercices en 20 minutes quand j'avais le temps. Après, il était certain que toutes les fois où j'avais mis 40 minutes et plus, j'avais de meilleures notes, mais ça n'avait jamais dépassé le B.

-C'est vraiment super, on devrait fêter ça. Qu'est-ce que tu en penses Tom ? On fait un apéro surprise ? lui demanda mon père en se levant de sa place.

-Oui. On le fait tout de suite.

-Finis tes exercices de grammaire et..

On entendit un bruit dans la cuisine et un F**ck me! . J'allai voir dans la cuisine et je vis Brian se passer la main sous l'eau et il saignait abondamment.

-Papa ? appelai-je. Tu devrais venir. Avec une trousse de secours à mon avis.

Mon père débarqua et il grimaça en voyant le sang un peu partout.

-Mets toi sur le plan de travail, l'eau ne changera rien. Montre-moi. Hum.. je vais te faire des points. Ma chérie, tu peux me passer ma trousse de secours. Merci.

Brian avait une entaille sur le dessus de sa main gauche. J'imaginais parfaitement la scène du couteau ripant sur sa peau. Mon père se leva, retroussa ses manches et commença à se laver conscieusement les mains. Lorsque mon père, ou ma mère faisaient ça quand je m'égratignais enfant, je savais qu'ils n'étaient plus simplement mes parents. Ma mère avait appelé mon père : Dr Papou et quand il était Dr Papou il devenait un genre de super héros médecin capable de soigner toutes les plaies. Mon père tourna les yeux vers moi, lui aussi pensait à ça. Il s'essuya les mains avec un torchon propre que je lui apportai et il enfila des gants. Il fallait dire que quand on a un chirurgien à la maison, tout de suite, la trousse de secours contient tout ce qu'il faut pour survivre en cas d'une attaque de zombies. Scalpels de différentes tailles, aiguilles de différentes tailles, bandage, bétadine enfin bref.. tout ce qu'il lui faudrait pour ouvrir une unité médicale d'urgence en cas de catastrophe. Il examina la blessure.

-Heureusement que c'est ta main gauche. Je vais t'anesthésier très légèrement. Sinon, tu vas pleurer et je suis sûr que tu n'as pas la moindre envie de pleurer devant une fille.

-Vas-y.

J'observai tous les gestes de mon père. Il était calme, il ne tremblait pas. Il avait une élégance dans son geste. Mon père était un perfectionniste, mon père était un artiste.

-Pourquoi tu souris Sarah ?

Je sursautai, je croyais qu'il ne m'avait pas vue.

-Je suis sûre qu'avec de l'entrainement je pourrais suturer comme toi.

-Hmm. J'en suis certain en fait. Tu as mes gênes et ceux de ta mère, ne l'oublions pas. Si tu voulais faire médecine, tu serais vraiment douée. Je l'ai toujours su. Elena aussi. Quand tu avais trois ans et que tu jouais au Dr Maboul, tu gagnais à chaque fois. Tu as toujours eu une main sûre. Voilà j'ai terminé.

-Merci John.

-De rien. Je vais juste appeler un ami médecin du sport pour qu'il me dise la dose d'antalgique à te prescrire pour ne pas que tu sois considéré comme dopé. Ça va pour le moment ?

-Oui, ça me fait moins mal. Tu mets un bandage ?

-Oui, je vais en mettre un tout de suite. Je le changerai dans deux jours. Maintenant, ça aurait pu être pire, ça aurait pu être la paume.

-Je peux jouer au basket quand même ?

-Je dois vraiment répondre à cette question ? Sarah, va surveiller Tom s'il-te-plaît.

J'y allai et je trouvai le frère de Brian entrain de regarder la solution de son exercice dans son livre. Quand il me vit, il prit un air honteux et il balbutia. Je fronçais les sourcils et je lui fis recommencer son exercice en entier en lui dictant les règles. Mon père revint, il m'embrassa sur le front. Et me laissa finir l'exercice avec Tom avant de reprendre le relai. Je me rendis dans ma chambre et j'entendis Brian rire depuis la sienne, il n'avait pas fermé sa porte.

-Non mais je te jure, disait-il  j'ai un putain de bandage.

-Ça va être beaucoup plus dur de te palucher.

-C'est le bonheur d'être ambidextre Paul. Alors, avec Chris, ça s'est passé comment ? Tu as réussi à la choper ou pas ?

-Non. Et je ne sais pas ce qu'elle a raconté à ta copine. Pourquoi les choses ne sont-elles pas tout le temps facile ? Je veux dire.. pourquoi les filles rendent tout toujours compliqué ? Elles t'embrassent, ne te disent rien après comme si ça n'avait jamais existé et tout devient compliqué !

-On parle de Chris là ou de Sophie ?

-Je ne parle pas de Sophie, pourquoi tu me parles de Sophie ?

-Tu fais des rêves érotiques avec elle, tu me l'as dit l'autre jour. Et là, elle se fait agresser sans aucune raison et tu es prêt à larguer ta meuf pour ça. Il est peut-être temps que tu te poses les bonnes questions ? Tu as juste envie de te la faire ou tu veux aller plus loin ? Je peux pas déterminer à ta place mec. Attends, ma porte est mal fermée.

Je reculai précipitamment jusqu'à ma chambre et je fermai ma porte pour ne pas qu'il me voit. Paul avait des sentiments pour Sophie. Moi je n'avais rien vu du tout comme une idiote. Sauf que je savais que Sophie n'avait pas besoin d'une histoire compliquée et de se mettre à dos toutes les filles populaires du lycée, pas tout de suite. Si elle était amoureuse de lui et lui d'elle, cela ne pourrait pas suffire contre la vendetta. Elle n'était pas assez forte avec ce qu'il se passait chez elle.  Mon téléphone sonna. C'était Ray. Nous restâmes au téléphone pendant près d'une heure avant que Brian ne vienne frapper à ma porte pour me dire de venir dîner.

-Je te laisse, il faut que j'aille dîner.. à plus ! Tu.. tu diras bonjour aux autres de ma part quand tu les verras. Bye.

Je suivis Brian, sa mère n'était pas là. Elle arriva au milieu du dîner et elle blémit en voyant Brian.

-Mon Dieu, que s'est-il passé ?

-Je me suis coupé et John m'a rafistolé, c'est rien du tout Maman. J'ai fait les courses avec Sarah.

-Vous êtes des anges, les enfants, les meilleurs enfants qu'on peut avoir. 

Brian se leva, tira la chaise de sa mère pour qu'elle s'asseye. 

-Alors comment on se débrouille chez les McAllister pour Thanksgiving ? parce que chez les Miller, tout le monde aide...

-Tout le monde obéit plutôt, reprit Brian en se faisant fusiller du regard par sa mère.

-Et on cuisine tous parce que c'est drôle, ajouta Tom en avalant sa fourchette.

-Parce que ça va plus vite, continua Mary

-Parce qu'on a pas le choix, conclut Brian en se prenant un coup de serviette de la part de sa mère. Quoi ? C'est vrai ! Après je ne dis pas que ça ne va pas plus vite ou que ce n'est pas drôle, même si ça l'est pas vraiment.

-Et chez vous alors ?

-En général, on se plante devant un film jusqu'à ce que mon père qui est de garde la veille se mette à ronfler sur le canapé. Thanksgiving quoi.

-Pas de fête de famille ? s'étonna Mary. Pas d'odeur de dinde qui exhale dans toute la maison ? De purée de châtaigne ? de patate douce ? De tarte à la citrouille et de gelée de canneberge ?

Elle semblait vraiment choquée par cette découverte.

-C'est pas qu'on aime pas mais ça fait quelques années qu'on n'a pas fait la dinde qui va rotir au four pendant des heures et tout. On est plus du genre à manger du popcorn en se faisant un marathon. Et on mange des cookies. Et des salades composées. Enfin bref. On a plus l'habitude de Thanksgiving. 

-Ce n'est pas toujours comme ça.. L'an dernier.. par exemple. Tu racontes ou je raconte ?

-Tu as l'air tellement bien parti Papa. Je t'en prie.

-On a passé Thanksgiving à l'hôpital. C'était pas prévu à la base. J'étais rentré vers...11 h du matin ou 12h je ne sais plus.

-On était censé faire notre petit Thanksgiving mais sa mère a débarqué, sans prévenir à 6h. Je pensais que Papa avait zappé ses clefs ou un truc dans le genre et qu'est-ce que je vois ? Une dinde.

-Heu Sarah, ne parle pas de ta grand-mère comme ça.

Il commença à rire de manière incontrôlée.

-Non papa, je ne parle pas de Grand-mère. Je veux dire qu'elle avait une énorme dinde à la main qu'elle m'a carré dans les bras, en me disant : Ton père sera fatigué, je suis sûre qu'il n'a rien préparé pour Thanksgiving, on ne peut pas faire confiance aux hommes pour ça. Ensuite elle m'a dit que je devais aller m'habiller pour cuisiner parce qu'on avait plein de travail. À 6h du mat. Et après 3h à me hurler dessus parce que je ne sais pas faire une farce... Elle a réussi à me brûler au 2è degré la main avec une casserole, Dieu merci, au moment où Papa arrivait. Il lui a demandé ce qu'elle faisait là et ce qu'elle m'avait fait. Elle était mécontente, elle a boudé et elle est partie en laissant une pagaille dans la cuisine. Mons-tru-euse. La pagaille, pas ta mère Papa.

-Du coup on a passé une partie de l'après-midi aux Urgences, échappant ainsi à ma mère et à la dinde. En rentrant à la maison, on a fait un remake de massacre à la tronçonneuse avec la pauvre bête semi-cuite parce qu'on avait vraiment faim et qu'il n'y avait que de la purée à manger.

-Sauf que c'était avec une hache.

-Oui. Parce que je n'ai pas de tronçonneuse à la maison. Et une fois avoir coupé la dinde, on a fini la cuisson au barbecue.

-Et on a été dîné avec les collègues de Papa dans la salle de garde de l'hôpital. Ma seconde maison quoi. Bref. Thanksgiving de l'année dernière.

-Hum.. épique. Ce sera plus calme cette année, j'en suis certaine, répondit Mary en souriant.

-Vous avez coupé une dinde avec une.. hache ? s'étonna Tom les yeux agrandis.

-Ouais. Ma main était totalement anesthésiée et honnêtement frapper une dinde à coup de hache c'était wow.

-Démentiel, confirma mon père en tendant son poing au dessus de la table pour qu'on fasse un fist bump.

-On pourra le faire cette année Maman ? commença à exulter Tom en bondissant de sa chaise.

-C'est hors de question que je te laisse approcher une hache.

-Ça veut dire que moi je pourrais le faire ? essaya Brian en souriant.

-Noon. Pas de hâche, pas de dinde au barbecue, pas d'hôpital. Arrêtez de parler de mauvaises choses, vous allez nous porter la poisse. C'est suffisamment stressant de se dire qu'on a plein de monde chez soi sans qu'on ait des problèmes de ce genre. Alors, personne ne jouera au chirurgien ou au bûcheron avec la nourriture ou avec quoi que ce soit. Compris !

Elle nous menaça avec sa fourchette et nous regarda d'un air sévère. Même mon père avait l'air péteux.

-Pas de souci. Par contre, je suis toujours de garde la nuit précédente donc j'arriverai quand même  à 11h.

Mon père me lança un regard rapidement mais je savais qu'il voulait me dire qu'il m'abandonnait à mon triste sort de commis de cuisine pour Thanksgiving. Je sentais que la journée de Thanksgiving serait longue mais je ne savais pas encore à quel point. 


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