Miller House

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-Tu croyais être la seule qui venait d'une famille riche, avoue ? me taquina Brian.
-Non, j'ai jamais pensé que tu venais d'une famille pauvre. Mais je ne pensais pas non plus que tes grands-parents étaient de grands propriétaires terriens. Vous étiez locataires dans votre ancien appartement quoi.

-Ma mère a toujours refusé l'argent de ses parents. Elle considère que ce qu'elle n'a pas gagné, elle ne le mérite pas et que ce n'est pas à elle. Ça ne l'empêche pas d'avoir accepté que ses parents lui payent son appart' pendant ses études, mais elle met les loyers de côté, au cas où. Après.. l'essentiel des revenus de mes grands parents résident dans leurs terrains et dans leurs chevaux. Ils ont pas des milliards non plus. Et mon Grand-Père a beaucoup participé à l'extension du domaine. C'est une sorte de fortune familiale, je ne dirai pas le contraire bien sûr. Ils ne sont pas à plaindre mais elle n'est pas comparable à celle de ta famille. Tu peux me croire sur ce coup là. J'ai rarement vu des gens aussi riches que ton père. Voir jamais. 
-Mon père ne me l'avait pas dit. Tu sais, il est venu ici pour rencontrer tes grands-parents, il m'avait dit qu'ils avaient une splendide propriété mais je ne m'attendais pas à ça. C'est la maison d'origine ?
-Cette maison n'a que 150 ans je crois. L'un de mes aïeux a reconstruit au fur et à mesure, c'est pour ça qu'elle est.. comme ça. Pas du tout le style de la région. De la maison initiale, il ne reste plus que les écuries qui sont plus loin, le portail en fer forgé et la dépendance de la maison.

Brian se gara devant la maison et je vis sa grand-mère descendre les marches emmitouflée dans un gros gilet. 
-Mes petits chéris ! 
Tom sautait déjà dans les bras de sa grand-mère alors que je descendais à peine de la voiture. Mme Miller me prit dans ses bras et elle me demanda si le voyage était bien. 
-C'était très bien grand-mère répondit Brian à ma place. Tu devrais rentrer, il fait froid dehors. Sarah, tu peux m'aider deux secondes ?

J'étais contente qu'il me demande parce que j'étais un peu mal à l'aise. Je pris les valises et les montai avec lui sur le perron. Il me donna le bouquet et lui prit la caissette de fruits. Une fois dans la maison, je levai les yeux. Il y avait un lustre dans l'entrée. Un lustre. Wow. 
-Steve m'a donné ça pour toi..
-Tu peux le poser dans la cuisine. Voyons ma chérie, vous pouvez retirer votre manteau. Ne soyez pas timide. Pendant le temps de votre séjour, considérez cette maison comme la votre. 
-Merci Madame Miller, vous pouvez me tutoyer si vous préférez, ça ne me dérange pas. Tenez c'est pour vous.
Je lui tendis le bouquet et elle eut l'air ravie. Il ne fallait pas voyons. Je reconnaissais bien la femme qui était venue passer quelques jours à la maison à Thanksgiving.
-Brian, Tom, vous pouvez monter les bagages de Sarah ? Je l'ai installée dans la chambre verte juste à côté de la tienne, Brian. 

-Je peux le faire, vous savez..

-Mais non voyons. Suis-moi ma fille. Tu préfères du thé ou du café ? J'ai du thé que je fais venir tout spécialement de Londres..

Elle me désigna l'un des tabourets de la cuisine.
-Ce sera parfait. Il me semble que vous avez un petit accent, je ne l'avais pas entendu la dernière fois.. d'où vient-il ? 
-De Brighton, en Angleterre.
-Vous êtes anglaise ? C'est vrai ? 
-Absolument. C'est en partie pour ça que ma fille a pu aller faire des études en Europe à 18 ans. 
-Vous y allez souvent, dans votre ville natale ?
-Je n'y suis pas retournée depuis que Mary est revenue après ses études. Je n'ai plus de famille là-bas. Mon frère est parti vivre en Asie. Mais j'ai bon espoir d'y emmener mes petits enfants, quand Tom sera un peu plus grand pour vraiment apprécier. Tu seras la bienvenue bien sûr.
-Depuis que j'ai lu Jane Austen à 7 ans, je rêve d'aller à Brighton ! D'ailleurs je rêve d'aller en Europe. Je comprends Brian qui a envie de partir faire ses études là-bas.

-Je pense surtout que mon petit-fils a envie de rencontrer des Européennes..

-J'ai cru comprendre que l'Europe était dans ses gênes.

-Des origines américaines, anglaises, françaises et italiennes. C'est pour ça que mes petits enfants sont aussi beaux.

-Vous avez raison. Brian a de nombreuses admiratrices au lycée. 

-Qui a des admiratrices ?

La voix du Colonel Miller arriva derrière moi. Il était encore en manteau et quand il me vit, il me prit directement dans ses bras et m'embrassa le front.
-Votre petit-fils. Vous aviez raison madame Miller, ce thé est absolument divin.
Elle me sourit et ses petits-enfants arrivèrent juste derrière. Ils embrassèrent leur grand-père et Brian se pencha vers ma tasse.
-Boisson de filles. Grand-père tu veux un café ?
-Volontiers. 
-Depuis quand tu trouves que le thé est une boisson de filles ? arguai-je. Tu en bois tout le temps à la maison.
-Jamais le matin. Le café est une boisson d'homme.
-Tu as bu un thé ce matin et tu bois des cappuccinos à la maison. Pas du café pur et dur, cela ferait-il de toi un semi-homme ?

Le Colonel éclata de rire et Brian me lança un regard assassin. Il fit quand même couler son café et en donna une tasse à son grand-père avant d'en prendre une. Il ne mit même pas de morceau de sucre dedans. 
-Tu permets ? 
Je lui pris sa tasse des mains et je goûtai son café. Il était fort mais on sentait le café fraichement moulu.
-Brésil ?
-Brésil. Vous aimez le café Sarah ? me demanda gentiment le Colonel alors que je rendais sa tasse à son propriétaire sous le regard amusé de sa grand-mère.
-Beaucoup oui, celui-là est particulièrement bon, d'ailleurs. Mais comme je suis une fille, je vais rester avec du thé, je ne voudrais pas perturber Brian et sa propagande phallocrate.
-C'est quoi phallotruc ? demanda Tom.
-Un garçon qui pense que les filles sont inférieures et qu'elles ne peuvent pas tout faire comme les garçons.
-Bah, les filles peuvent tout faire pareil que les garçons, sauf que les garçons peuvent pas faire des bébés.
-Tout à fait Tom. Tu devrais prendre exemple sur ton benjamin Brian. Est-ce que vous savez quand vos parents arrivent ? 
-Mon père finit vers 18h et je crois que Mary finit un peu après, monsieur.
-Ils arrivent directement à Wichita Falls, fit Brian. Je crois qu'ils vont arriver vers minuit, le 25. Il ne faudrait pas qu'ils gênent le père Noël... ajouta-t-il en regardant son frère.

Tom faillit en recracher son chocolat chaud et Brian se mit à rire.

-T'es pas drôle Brian. 

Tom se leva et sortit de la cuisine. La grand-mère de Brian regarda son petit-fils qui finit par prendre sa tasse et suivre son frère. Je les suivis à mon tour pour aller dans la salle à manger attenante. Madame Miller avait mis la table avec des paniers remplis de viennoiseries, des petits pains, du fromage et de la charcuterie. Apparemment, elle connaissait très bien les goûts de ses petits-enfants en matière de petit-déjeuner. Brian ne cessait pas une seconde de me fixer alors qu'il portait du bacon à sa bouche. Je trouvais cela gênant.
-Dis-moi ma petite, comment va la charmante jeune fille qui est venu avec toi au spectacle de Tom ?
-Sophie ? Elle est en France avec ses parents. Son frère a emménagé là-bas, il y a quelques années. C'est la première fois qu'elle passe son Noël en Europe.
-Grand-mère... 
-Cette fille est tellement adorable. 
Je la voyais venir. Le Colonel Miller ne pouvait empêcher un petit sourire de lui barrer la face. Quant à Brian, il était tout simplement excédé. 
-J'ai déjà une petite amie grand-mère.

-Je n'ai rien dit, mais maintenant que tu en parles, tu ne me l'as jamais présentée et tu ne me parles pas d'elle non plus. Elle te fait honte peut-être ?
-Pas du tout, mais je n'ai pas nécessairement envie de parler de ma vie privée à ma grand-mère..
-Est-ce que c'est une fille bien Sarah ? J'imagine que vous la connaissez.
-Elle est..
Brian me lança un regard noir.
-Belle. Très très belle. Après, je la connais sans vraiment la connaitre. Ce n'est pas l'une de mes amies.. proches, ajoutai-je en sentant Brian me donner un grand coup de pieds sous la table. Heureusement d'ailleurs, vous imaginez le jour où Brian va la larguer comme une vieille chaussette ? Je ne veux pas me retrouver au milieu de tout ça.
-Qui te fait croire que je la larguerais un jour ?
-Tu peux toujours te marier avec ton amour de lycée Brian, mais pense à toutes les Européennes que tu vas rencontrer si un jour tu vas là-bas ? 
-Qui te fait croire que je ne suis pas un homme fidèle et que je..
-Et bien déjà, tu n'as que 16 ans, donc tu n'es pas totalement un homme et je ne remets pas en doute ta fidélité. Je constate juste que tu vas faire des courses, tu tombes par hasard sur une française et elle te donne son numéro de téléphone pour que tu la rappelles. Tu arrives à faire rougir ma meilleure amie rien qu'en lui faisant un demi-sourire.

-Je ne vois pas le rapport...

-Alors je pense simplement que tu serais malheureux si tu as une attache sentimentale ici, alors que tu veux faire le tour de l'Europe tout seul. C'est tout. 

-Je propose un truc, on arrête de faire des plans sur la comète sur ma future vie. J'aime pas ça. 

-C'est toi qui vient de dire que tu la laisserais jamais tomber, je te signale. 

-Je n'ai pas dit ça, je te signale. Patate. 

-Brian ! le réprimanda son Grand-Père les sourcils froncés.

Brian leva les yeux au ciel. 

-C'est un surnom affectueux. Je l'appelle Patate, elle m'appelle Banane et Tom c'est..

-Choux Bruxelles ! 

Il éclata de rire et moi aussi d'ailleurs. 
-J'allais dire Pumpkin mais Choux Bruxelles, ça me va aussi.
-Ne vous inquiétez pas monsieur Miller. Je suis habituée. 
-Ce n'est pas une raison Sarah. Il est grand temps que mon petit-fils se rappelle qu'il y a des règles de politesse et ce n'est pas parce que vous y êtes habituée que cela est normal, mon enfant.
-Il ne l'a pas fait méchamment, j'en suis certaine. C'est vous qui avez fait ses brioches Mme Miller ?
-Absolument. 
-Elles sont vraiment délicieuses. Je suis vraiment contente d'être ici, c'est la première fois que je viens au Texas, j'ai hâte de découvrir un peu plus les lieux, surtout après tout ce que tu m'as racontée Brian.
-On peut toujours aller faire un tour après le petit-déjeuner.. Ah oui mais non, on doit faire un bonhomme de neige.
-On a le temps, il me semble. Et puis la dernière fois que j'ai fait un bonhomme de neige.. j'avais 9 ans peut-être.

-T'es sérieuse ? s'étouffa le petit frère de Brian en me regardant comme si j'étais une extra-terrestre.

-C'est difficile de le faire toute seule et mon cousin avait décrété qu'il était trop vieux pour faire ça. Alors.. plus de bonhomme de neige.

-Bah pourquoi John ne t'aidait pas à le faire ? 
-Parce qu'il travaillait. Ça fait des années qu'il n'a pas pris de vacances à Noël. Il prenait le 25, le 26 et il retournait travailler après.
-Ah oui comme Maman. Et bah maintenant, tu vas le faire avec nous. Tu vas voir, c'est marrant. Est-ce que je peux sortir de table Grand-mère ?
-Oui mon trésor.
Tom fila en dehors de la table. Il revint quelques minutes plus tard avec un air malicieux sur le visage et l'une de ses petites voitures en main. Il monta directement sur les genoux de son grand-père.
-Regarde, c'est une Ford Mustang 1967 comme celle que tu as dans ton garage.
-Elle est en bien meilleur état que celle de ton Grand-Père mon chéri, se mit à rire Mme Miller.
-C'est Brian qui me l'a offerte avant de monter dans l'avion. Elle est belle, hein ?
-Magnifique mon petit.
-Est-ce que je peux goûter ton café ?
Le Colonel sourit et lui tendit sa tasse. Tom la porta à ses lèvres et il grimaça.
-C'est pas bon du tout. Je préfère du chocolat. Est-ce que je peux aller prendre une autre tasse de chocolat chaud ? demanda-t-il avec son petit air espiègle que j'affectionnais particulièrement.
-Oui bien sûr.. File ! lui fit le Colonel. Brian, tu as appelé ta mère pour la prévenir que tu étais arrivée ?
-Hum. Non, je vais le faire maintenant. Il est.. 8h00 à Los Angeles. Elle est levée, c'est bon. Excusez-moi.
Brian se leva de table et sortit de la pièce. J'entendis bientôt sa voix. Quand il se rassit, il avait le sourire aux lèvres. Après le petit déjeuner, nous fîmes un bonhomme de neige pour Tom. Je devais avouer que c'était amusant, surtout le moment où je pris une grosse boule de neige et que je l'envoyai en plein milieu de la tête de Brian. Il m'avait regardée d'un air furibond et avait lancé un cri guerrier avant de me courir après tout en me lançant de la neige dessus. Il m'avait rattrapée et m'avait sautée dessus. J'étais tombée la tête la première dans le bonhomme de neige et j'avais ri comme une dingue.
-SARAAAAAH ! TU AS ÉCRASÉ MISTER FREEZE !!! 
-C'est pas de ma faute Tom. 

Il me regardait avec les mains sur les hanches, son bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles. Il me fusillait du regard. Un mini Brian Miller en puissance. C'était flippant. Il regardait aussi son frère d'un œil torve. Jusqu'à ce qu'il se prenne une grosse boule de neige sur le visage. Il ouvrit grand les yeux et il courut sur son frère et réussit à le mettre par terre. Il lui écrasa de la neige sur la tête et il se mit à rire.
-C'est pas grave Sarah, on va en faire un plus grand, mais je crois que ce serait plus prudent si tu regardais seulement. Tu es maladroite tu risques aussi de tuer le frère de Mister Freeze
Le rire de Brian redoubla. Le pire, c'était que Tom était très sérieux. Il me fit signe d'aller m'assoir sous le perron au moment où sa grand-mère nous annonça que le déjeuner serait prêt dans 15 minutes
-Je savais pas que Tom le Constructeur était aussi tyrannique.
-Et encore, tu as rien vu, marmonna Brian. Viens, je vais te montrer ta chambre, si tu veux te changer ou te sécher.
-Je pense que ce serait bien, je suis trempée. 
Brian avait encore de la neige dans les cheveux. Il me fit signe de le suivre à l'étage. L'escalier était en bois massif, légèrement patiné. 
-Là c'est la chambre de Tom, là, c'est la mienne et là, c'est la tienne..
-Tes grands parents ne dorment pas là ?
-Ils sont dans l'autre aile de la maison, au rez-de-chaussée. Et j'imagine que ma mère va reprendre sa chambre, aussi.. ils seront dans l'autre aile mais à l'étage, eux. 
-Oh. D'accord. Merci de la précision. 

Il ouvrit ma porte et je fus ébahie par le décor. La chambre verte portait bien son nom. Les murs était dans différentes teintes de verts, Il y avait une commode en ébène, un grand placard avec des vitres dessus et du parquet au sol. Il y avait un coffre sous la fenêtre avec des coussins aux couleurs pastels. J'arrivais à voir le jardin enneigé depuis ma fenêtre. Du moins, si on pouvait appeler ça un jardin. Il était gigantesque. C'était presque un parc. Le lit était un King Size. Je m'assis dessus. Il était super confortable et la couette était moelleuse. Je faillis sauter dessus pour le tester mais je n'osais pas. Mes bagages étaient dans un coin. Je les rangeai dans la commode et je suspendis mes manteaux et j'allai dans la salle de bain. Je pris le sèche-cheveux et je passai un coup rapide. Je me changeai pour enfiler une robe en laine beige, des collants opaques et je pris des ballerines pour aller avec. Je regardai les placards de la commode. Brian avait peut-être raison en me disant que j'avais déménagé ma chambre, mais en 15 jours, il fallait prévoir toutes les éventualités.. non ? Je descendis les escaliers et j'allai dans le salon où j'entendais Brian et Tom parler et rire. Quand il me vit, Brian me dévisagea et arrêta de parler.

-Attends, elle est à ma mère cette robe ?!
-Oui. Et ?
-Elle n'est pas à toi pourquoi tu prends les affaires de ma mère ?
-Hum.. parce que j'en avais envie. 
-Quel drôle d'idée.
-Je suis comme sa fille, au cas où tu ne le saurais pas, c'est fréquent de prendre les affaires de sa mère. Comme ses bijoux ou ses habits ou ses sacs. Et en plus de ça, elle m'a dit que j'avais le droit.
-Je ne me verrai pas piquer les affaires de John.
-Il est plutôt permissif sur ce genre de choses.. mais il faut lui rendre après. 
-Tu piques aussi les affaires de ton père ? 
-Ses pulls et ses sweats. Je le fais plus maintenant. Sauf son sweat de Stanford de temps à autres quand les miens sont à laver. C'est pas de ma faute si les pulls pour hommes sont super confortables. 
-Tu es peu folle quand même. Autant te le dire, c'est hors de question que tu me piques mes pulls, mes caleçons ou quoi que ce soit qui m'appartienne. Compris ?
-J'en ai pas l'intention. Et puis dès qu'elle reviendra je lui rendrais, je lui ai piqué des gilets aussi. En plus j'adore l'odeur des habits de ta mère. Je crois qu'elle les parfume.
-Elle les parfume... c'est pas seulement une impression. Grand-Mère tu as besoin d'aide ? 
-Si tu pouvais simplement mettre un dessous de table, ce serait parfait mon chéri.
Brian se leva et je le suivis du regard. Tom était entrain de regarder la télévision. Le repas était succulent. Je me doutais que tout ce que devait faire Mme Miller était succulent et c'est vrai qu'après une matinée dans la neige, un bon repas chaud était tout ce dont j'avais envie. J'en profitai pour poser des questions au Colonel sur sa famille. J'avais cru comprendre (et à raison) qu'ils étaient très connus.

-Mes aïeux ont été des pionniers. Ils ont pratiquement fondé Crowell. C'est pour ça que notre famille possède beaucoup de terres ici. Une partie de la ville actuelle a été fondée sur ces terres. Il y avait peu de familles ici et elles ont cédé une partie de leurs terrains, de leurs champs pour créer un espace public.
-Une vraie petite République.
-C'est ce que disait toujours mon grand-père, répondit le Colonel en souriant. Les gens viennent et repartent mais les familles fondatrices ? Jamais. Nous étions là au temps où les aborigènes habitaient ici et nous serons là pendant encore un millénaire.
-Des aborigènes ? Il y a encore des réserves ? 
-Très peu malheureusement, mais le sang des premiers hommes ayant foulé cette terre coule dans nos veines. L'une de mes ancêtres faisait partie d'une des tributs. C'était il y a très longtemps.. je dirais au 18è siècle. 
-Les mariages mixtes ne devaient clairement pas être courant à l'époque.
-Certes, mais les Millers font parfois des choses peu conventionnelles. Et puis, ça a permis de lier des cultures différentes et de créer une sorte d'harmonie. Je sais que d'autres membres de ma famille ont épousé des indigènes, mais pas dans mon ascendance directe. 
-Comment elle s'appelait déjà ? demanda Brian.
-Nokomis, la fille de la lune. 
-C'est très beau comme prénom. Vous êtes vraiment très mélangés en fait. Quand on pense que chez les McAllister, le truc le plus fou qu'ait fait l'un de mes aïeux, c'est épouser une Irlandaise, on est loin du compte ! 
-Les McAllister sont originaires d'Écosse, je présume. Il y a encore des membres de ta famille qui savent parler le gaélique écossais ? me demanda Mme Miller.
-Pas dans les McAllister que je connais. Après, je crois qu'on cousin de mon arrière grand-père est reparti vivre là-bas avec sa famille. Je devrais demander à mon arrière grand-mère. Mais je présume qu'il sait parler le gaélique écossais, lui.
Après le déjeuner, j'aidai Mme Miller à débarrasser pendant que les garçons avaient décidé qu'ils joueraient à la console. Il y avait une tourte dans le four, j'imaginais qu'elle était pour le vétérinaire. 
-Je trouve super bien que vous vous entendiez tous ici comme ça. Vous êtes une vraie communauté, on ne voit pas souvent ça à Los Angeles. 
-C'est vrai que c'est très agréable. Il peut se passer n'importe quoi, on peut toujours compter sur nos voisins. Brian ? Tu peux venir une petite minute ? 
-J'arrive ! 
-Tu pourrais descendre à la cave me chercher deux pots de miel, un de châtaignier et l'autre de sapin et..
Brian sourit de toutes ses dents.
-Pain d'épices ? l'interrompit-il.
-Oui, et un autre de bruyère, ce serait parfait
-Oui mon Général.
Il revint une dizaine de minutes plus tard avec les 3 pots en main. C'était du miel artisanal, je le voyais à l'allure du pot. 
-Le meilleur miel de tous les États Unis, me fit Brian en me regardant prendre un pot en main. Il est local, bio et franchement, on pourrait le manger à la petite cuiller. C'est pas une plaisanterie. Tu as besoin d'aide pour faire le pain d'épices ou tu n'as besoin que de Sarah ? 
-Si cela ne la dérange pas bien sûr..
-J'adore faire des bonhommes en pain d'épices. J'en faisais tous les ans avec ma mère. Je serai ravie de vous aider. 

Brian hocha la tête et me sourit avant de repartir. Il était vraiment.. étrange. Un peu comme si le Brian de Los Angeles avait disparu. J'aidai Mme Miller à faire des gâteaux et l'odeur qui se dégageait de la cuisine et du four.. c'était divin.. C'était comme respirer une bouffée de bonheur, une bouffée de Noël. Je pouvais presque sentir l'euphorie du déballage des cadeaux, de la paix et de l'amour environnant. Quand Brian essaya d'en piquer un tout chaud, je lui tapai sur la main avec ma poche à douille remplie de glaçage royal.
-Pas touche. 
Il me fixa avec des yeux ébahis.
-Ils sont pas finis. Il faut les décorer maintenant. Si tu veux manger des bonhommes en pain d'épices, tu n'as qu'à t'en faire. La pâte est là.
-Okay.
Il se lava les mains, remonta ses manches, retira sa montre et la bague qu'il portait avant de mettre littéralement la main à la pâte. Je pris sa bague. Je ne la connaissais pas. 
-C'est une chevalière, me dit-il.
-Je sais. Mais tu ne la portes pratiquement jamais. Je ne me souviens pas que tu l'aies portée une seule fois.
-Je l'enlève au lycée parce que j'ai sport tout le temps et que ça me gave de toujours enlever et remettre des bijoux. Alors je prends juste ma montre. Après je devais sûrement la porter à Thanksgiving, c'est juste que tu t'en rappelles pas. J'y tiens beaucoup, ne l'abîme pas. Elle appartenait à mon père, j'ai pas eu le cœur de la jeter, elle lui venait de son grand-père et il me l'a donnée quand j'avais 4 ans.

-Je ne savais pas que tu avais gardé des effets de ton père Brian. 
Je n'avais pas entendu que le Colonel était entré. Brian non plus d'ailleurs. Il sursauta. Je continuai de faire des petits
-C'est le seul objet qu'il me reste. C'est le symbole qu'il ne faut pas grand chose pour gâcher une partie de la vie de quelqu'un et elle me rappelle que je ne veux pas devenir comme lui. C'est pour ça que je l'ai gardé. Ça et le fait qu'elle soit en or massif et que le saphir fait ressortir la couleur de mes yeux. D'ailleurs, en parlant de saphir, vous savez si la joaillerie est ouverte ? Parce que j'ai un bijou de Maman à déposer et vous savez comment elle est quand elle a pas ses bijoux en temps et en heure.. c'est l'un des saphirs de son collier qui est parti...
-Je vais passer devant, je vais le déposer. 
-Il est sur ma table de nuit. Merci Grand-Père. 

Brian sifflotait tout en usant de l'emporte pièce. Il fit une plaque de biscuit et il les mit au four. Il tenta de rapprocher sa main de ma plaque et je le tapai de nouveau. 
-Ils ne sont pas finis. 
-Un bonhomme de pain d'épices, n'a pas besoin de toutes ces fioritures, dit-il en prenant un biscuit dans le tas de sa grand-mère qui elle, avait fini de les décorer. 
-Si, sinon, ce n'est pas un bonhomme de pain d'épices de Noël. 
-
Elle a raison Brian et au lieu de manger mes biscuits, sers moi une tasse de thé. Tom ? Mon chéri ? Tu veux manger quoi comme goûter ? tu veux que je te fasse un gâteau au chocolat ? 
-On ne peut pas plutôt faire des scones ? Je sais que tu aimes beaucoup les scones Grand-Mère. D'ailleurs, John m'a appris à les faire et j'ai envie de t'en faire.
-Tu es adorable mon chéri, prend un tabouret, je vais t'aider.
-Bah.. non, va faire autre chose.
Il prit la main de sa Grand-mère et la poussa hors de la cuisine. Mme Miller nous regarda en riant. Oui, elle venait de se faire pousser en dehors de sa cuisine. Tom sortit les ingrédients mais il nous demanda un bol mélangeur et un fouet électrique. Je pensais qu'il allait nous demander de l'aide à un moment mais il ne le fit pas. Pendant que je regardais ailleurs, Brian en profita pour piquer l'un de mes biscuits et croquer dedans.
-Tu as raison. Avec la déco, c'est meilleur.
Il savait que j'allais lui lancer un truc à la tête et il tomba en arrière dans sa fuite. Il fit un pont, un équilibre, il retomba sur ses pieds et il s'enfuit de la cuisine. Je le suivais en courant. Il sauta par dessus le perron et je le suivis ma poche à douille à la main. 
-Reviens ici tout de suite ! criai-je. 
Je le rattrapai et il tomba dans la neige avec un grand éclat de rire. Il riait beaucoup moins quand je lui étalai du glaçage sur la tête. 
-Tu as raison, tu es beaucoup mieux avec de la décoration ! 

Il plissa des yeux et c'est moi qui m'enfuit. Il me rattrapa et me souleva par les hanches. En réalité, j'étais vraiment morte de rire et lui aussi. Il me poussa dans la neige, bloqua mes bras et s'assit sur moi de telle sorte que j'étais bloquée. Il approcha la poche à douille de moi et je sentis qu'il en mettait sur ma tête, lui aussi.

-Arrêêêêêêêêête ! 
-Tu te rappelles la dernière fois qu'on a été dans cette position ? 
-Tu me baves pas dessus ! Sérieusement ! Tu ne me ba..
Mais il eut un sourire sadique et il me lécha ! Je poussai un cri. Il était mort de rire.
-Délicieux ce glaçage ! Allez viens, tu vas attraper froid en robe dans la neige. Tu as perdu tes ballerines en plus.
Il se décala et me souleva par dessus son épaule comme si j'étais un ballotin de vêtements et lui un homme des cavernes. Je me débattis et il ne me lâcha pas. Il récupéra mes ballerines.
-Non mais tu vas pas monter les escaliers avec. Hiiiiii ! 
Je crus vraiment que ma dernière heure était venue quand je le vis grimper rapidement les marches du perron et que je voyais les marches depuis mon point d'observation. J'entendis un rire, celui du Colonel. Il me reposa sur le perron et me rendit mes ballerines.
-Vous êtes tous les deux très beaux grimer de la sorte. 

Je regardai Brian, il était blanc à cause du glaçage. Le pire était quand même que je n'étais même pas fâchée contre lui. Je rentrais dans la maison. Je n'étais pas trop mouillée, ça allait. Je filais dans ma salle de bain pour m'essuyer et je trouvais Brian dans la cuisine entrain de commencer la décoration de ma plaque. Il avait encore du glaçage sur lui. Je le regardai et je vis que sa bouche commençait à se tordre de rire. Il nous fallut quelques secondes avant d'éclater de rire. Tom nous regarda tour à tour et il haussa les épaules comme pour dire C'est des malades, où est la camisole de force ? Dès que nous eûmes terminé et pendant la cuisson des scones, je partis dans la découverte de la maison des Millers. J'atterris dans la bibliothèque. Il y avait un grand feu qui réchauffait toute la pièce. C'était juste impressionnant comme pièce. Les étagères étaient en bois massif et il y avait des échelles pour accéder aux livres du haut. Je montai sur une et je regardai les auteurs. J'avais l'impression d'être dans la Belle et la Bête. L'échelle était mobile. Je passai d'un rayonnage à l'autre. Austen. Orgueil et Préjugés. Je souris. C'était l'un de mes livres préférés. Je redescendis de mon échelle. Je remarquai qu'il y avait des livres plus récent. Beaucoup plus récent comme les Hunger Games, les Divergentes, des livres de John Green et encore d'autres livres de la littérature pour jeunes adultes. Je restai perplexe. Hunger Games ? Le monde de Charlie ? Mais Brian ne les avait-il pas à la maison ? D'ailleurs, en y regardant de plus près, je pouvais voir à peu près la bibliothèque que Brian avait dans sa chambre. 
-Mon petit-fils aime avoir ses livres en plusieurs exemplaires, il n'a pas besoin de les déménager à chaque fois quand il vient ici.
Je sursautai et je vis le Colonel qui m'observait en souriant. Depuis quand m'observait-il ? 
-Et si vous saviez le nombre de fois qu'il a lu les Harry Potter, je pense que vous ne me croiriez pas, continua-t-il.
-Je les relis tous les ans, en ce qui me concerne. Je ne m'en lasse pas. Vous savez Colonel, vous pouvez me tutoyer si vous préférez, ça ne me dérange pas du tout.
Il acquiesça et regarda le livre que j'avais en main.
-J'allais faire du thé, est-ce que vous.. est-ce que tu veux que je t'en apporte une tasse ? 
-Je ne voudrais pas vous déranger. Je vais aller lire dans le salon.

-Mais non voyons, reste ici, cette pièce est très agréable. Je reviens dans une minute. 

-C'est très gentil, merci. 

Je m'assis dans le fauteuil et commençai ma lecture.

« Lythande, adepte de l'Étoile bleue, mage ambulant et parfois ménestrel, pénétra dans la cour intérieure du château royal de Tschardain, encore accompagnée de quatre gardes. Douze autres s'étaient détachés de leur groupe dès la cour extérieure. C'était une escorte impressionnante pour un magicien solitaire n'ayant nul besoin d'être protégé, mais elle savait que leur maître aimait les actes ostentatoires, surtout si d'autres que lui accomplissaient le travail. Cela faisait sans doute plaisir au prince de pouvoir envoyer un si grand nombre de soldats quérir un unique mage. Son motif n'avait rien de courtois ; le fait qu'elle soit une femme restait le plus grand secret de Lythande, celui qui protégeait ses pouvoirs magiques. Dans quelques rares occasions, elle avait même tué pour en empêcher la divulgation. Si on la proclamait femme à portée d'oreille d'un homme, le Pouvoir de l'Étoile bleue lui serait retiré et elle mourrait. »(1)

Le Colonel revint avec une tasse et il me demanda si cela me gênait s'il restait ici pour lire. Je secouai la tête en rougissant. C'était très attentionné de sa part. Je restai là, à lire jusqu'à ce que je ferme les yeux et m'endorme sur mon fauteuil. Lorsque je rouvris les yeux, il y avait une couverture posée sur moi et Brian était dans la pièce à choisir un livre. Il était entrain de fredonner.
-Ça fait longtemps que je dors ?
-Une petite heure seulement. On ne va pas tarder à prendre le goûter, si tu veux. Sinon, tu peux rester là. Il est confortable ce fauteuil, n'est-ce pas ? Je me suis endormi là un nombre incalculable de fois. C'est pour ça qu'il y a toujours des couvertures dans cette pièce. 
Il se redressa un livre à la main. Les Trois Mousquetaires. Dans la langue de Molière évidemment. Sinon, ce ne serait pas drôle. Je me levai et m'étirai en fermant les yeux. Quand je les rouvris, je vis que Brian prenait Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban.
-Tu vas relire les Harry Potter ? 
-Non, il est pour Tom. 
J'hochai la tête, posai mon livre et je le suivis.
-MAIS NOOON GRAND-MÈRE. C'EST MON GOÛTER, C'EST MOI QUI M'EN OCCUPE !!! SORS DE MA CUISINE !!!
Je m'arrêtai. Il venait vraiment de dire ça à sa grand-mère ? De sortir de sa propre cuisine ? Mme Miller passa dans le salon avec une pointe de rire dans les yeux.
-Je peux aller lui dire de..
-Mais non Brian. Laisse-le faire
Tom arriva avec ses scones et nous restâmes dans le salon. Les scones étaient très bons et quand Mme Miller le dit à Tom, ce dernier s'illumina comme s'il venait de recevoir un cadeau de Noël.

-Merci de m'avoir aidée avec les gâteaux les enfants. C'était très gentil.
-C'est normal, en plus c'est la seule chose que je sais faire en cuisine. Des gâteaux.
-Tu es sérieuse ? Tu mangeais quoi quand John était de garde et que tu étais toute seule ?
-Ça arrivait pratiquement jamais, j'allais chez Sophie, voir chez mon oncle ou alors l'une de mes grand-mères était là. Et les rares fois où j'étais toute seule... Je mangeais tout ce qui pouvait se consommer sans cuisson. Je ne sais pas cuisiner, j'aurai juste brûler la maison. Ou alors je commandais chez le traiteur, ou je prenais à emporter. 
-C'est vrai que je ne t'ai jamais vu cuisiner. C'est bizarre. En fait, tu n'as jamais cuisiné pour ton père.
-Mon père sait que s'il veut survivre, il ne vaut mieux pas me confier la cuisine. Je peux aider mais je serai incapable de faire un repas de A à Z. 
-Tu vas faire comment quand tu habiteras toute seule ? Ou à la fac ? 
-Je prendrai à emporter ou je mangerai des crudités toute l'année. 
-Tu te rends compte qu'à un moment donné de ta vie, ton père arrêtera de te financer absolument tout et que ça coûte cher d'acheter chez un traiteur.
-Brian. Crois-moi, j'ai largement de quoi me nourrir de plat à emporter. Sinon je me trouverai un gentil mari qui sait cuisiner.. comme ça pas de souci.

Mme Miller approuva mon idée en riant avec moi. Brian était ulcéré.
-T'es pas une féministe toi. Clairement.
-Pourquoi ? Le partage des tâches, tu ne connais pas Brian ? Il fera la cuisine, je ferai le ménage, je pense que c'est un assez bon deal. Et je ne vois pas comment ça pourrait contrevenir à l'égalité de la femme dans la société. Regarde toi par exemple.
-Quoi moi ? 
-Et bien, tu sais cuisiner. Si ta femme ne sait pas cuisiner ou n'a pas envie de cuisiner, tu cuisineras bien pour elle, non ? Tu ne vas pas la laisser mourir de faim.. Ça s'appelle du partage des tâches. C'est tout.
Il ne répondit rien mais uniquement parce que sa grand-mère était là. Après le goûter, pendant que les garçons refaisaient un bonhomme de neige, je discutai avec Mme Miller. Quand Brian rentra, il colla ses mains gelées dans mon cou et dans le haut de mon dos pour me faire crier alors que j'étais entrain de lire sur le canapé. Ce qui ne manqua pas. Je le tapai pour la forme. J'aurai pu ne pas le faire. Mais il m'avait agacée. D'ailleurs, il éclata de rire et se laissa tomber à côté de moi sur le canapé.
-On se fait une partie de Star Wars ? Ou tu préfères t'essayer à Wii ?
-Vous avez combien de consoles ? 
-Une PS4, une X-Box et une Wii. C'est tout. C'est normal, mon oncle préfère la PS, moi la Xbox et pour la Wii... J'ai toujours pas compris. Alors ? On joue ? Alllez diiiiis ouuuuuui !
-Tu es entrain de faire ton Tom, là ?
-Ah non, sinon j'aurai fait ça.
Brian fit un truc hallucinant. Il m'enjamba, se tenant en équilibre sur ses genoux et il fit mine de s'assoir sur les miens. Il écarta mon livre et remonta mon menton avec sa main droite. Il encadra mon visage avec ses deux mains -froides- et caressa mes pommettes avec ses pouces. Il s'approcha à quelques centimètres de ma tête de telle sorte que je ne voyais que ses grands yeux bleus.
-Alllez, diiiis ouuuui. 
Je ne répondis rien et il se recula en se mordant l'intérieur de la joue et la lèvre. Il posa ses mains sur mes épaules et commença à me secouer.
-Diiiis oooouuuuiii ! Tu vois, là, j'ai fait mon Tom. Et puis après il colle son nez comme ça.
Brian colla son nez au mien. Nous étions tellement proches que je pouvais entendre et sentir sa respiration. C'est vrai que son petit frère faisait ça.
-Oui, tu as raison.

-Je vous dérange peut-être ?
Nous tournâmes la tête en même temps. C'était le Colonel.
-Non pas du tout, j'essayais de convaincre Sarah avec la technique de Tom, mais apparemment, ça ne marche qu'avec les petits.
-Pas avec les petits. Juste avec Tom, c'est pour ça que c'est sa technique, affirmai-je en souriant au Colonel.
-Je voulais savoir si vous vouliez venir vous promener avec moi. Tom a déjà décliné.
-Okay, répondit Brian.
-Si cela ne vous dérange pas monsieur Miller, je vais rester.
-Pas du tout ma fille, tu fais comme tu en as envie. Brian va te préparer.
Je profitai de l'absence de Brian pour ne téléphoner à Marc dans ma chambre. Je m'allongeai sur le King Size et c'est malgré moi que la chanson de Rihanna s'installa dans ma tête. C'est alors que je remarquai une enveloppe posée sur mon lit. Je l'ouvris et je vis un papier écrit par Brian avec les codes du portail et la clef pour avoir accès à internet. J'ouvris mon ordinateur, et je me connectai à la civilisation. Sophie venait juste de m'envoyer un message. 

"Alors Brian ? "

"Étrangement, on est super bien tous les deux. À croire que Brian en dehors de Los Angeles et loin de sa copine peut être potable, voir agréable à vivre... "

"Ai-je bien entendu ? Brian agréable à vivre ??? Attends, je fais une capture d'écran."

"Npk (2), et toi ? La France ?? Raconte.."

"Je veux vivre là-bas plus tard :) Non mais c'est super. Et mon frère a une copine, elle est trop chou, je te jure. Elle parle anglais avec un accent so frenchy, c'est adorable."

"Elle doit sûrement penser la même chose de ton accent. Tu ne crois pas que ce serait plus pratique si on se parlait face à face ?"

"Tu te rends compte qu'il est deux heures du matin en France et pas 18h ??? Remarque... On fait pas trop de bruit alors ;)"

Quelques minutes plus tard, Sophie apparut sur mon écran. Elle était décoiffée et avait l'air crevée la pauvre.
-Je devrai te rappeler plus tard, j'avais pas pensé au décalage horaire.
-Pas de souci, alors Brian est adorable ? Je te l'avais dit pourtant que tout son machisme apparent était une façade.
-Je ne sais pas.. après je sais qu'il adore ses grands-parents, ça ne m'étonnerait pas que ce soit juste une façade.. pour se faire bien voir.
-Sar', je crois que tu crois Brian plus machiavélique qu'il ne l'est vraiment. Sinon le road trip ?
-Oh.. on a dormi ensemble dans un Bed & Breakfast. Dans le même lit, je veux dire.
-Pardooon ???
Je lui racontai toute la situation et Sophie s'étrangla de rire.
-Moi j'en aurai profité pour lui rouler une pelle..
-Oui mais toi tu es attirée par Brian depuis que tu l'as vu au mariage de nos parents.. Ne dis pas le contraire. Tu l'as vu et tu as dit, je cite : Tu as vu le canon de beauté là-bas ? Cupidon, si tu existes, envoie lui une flèche !
-J'ai pas vraiment dit.. okay, j'ai dit ça. Mais objectivement parlant, Brian est ultra hot. Je veux dire, toi tu ne le vois pas, preuve qu'il est comme ton frère en réalité, mais il est... super beau. Je crois même que Tom sera encore plus beau que son frère. Même si Brian a ce petit côté sauvage, super sexy, Tom lui, il a une innocence que Brian n'a plus et honnêtement, s'il garde son visage angélique, je connais plus d'une fille qui voudra le dévergonder le petit Tom quand il aura l'âge.
-Tu me fais peur Sophie. Je te rappelle que tu as un petit ami et que Tom a 9 ans. 
-Sarah, soyons logique, si Brian m'avait demandée de sortir avec lui, j'aurai pas regardé Cameron. Pas une seule seconde, mais je suis contente d'être avec lui. Il est mignon, il est intelligent. Il a tout pour lui.
-Est-ce que vous..
-Non, bien sûr que non, je ne suis pas ce genre de filles, voyons.. bon après ce que tu as vu avec Clive, tu pourrais penser le contraire, mais c'est pas le cas. En plus, il n'en a jamais exprimé l'envie, non plus tu vois. Je pense qu'il est très timide. L'autre jour, je voulais juste, tu vois.. passer mes mains sous son T-shirt, il est devenu rose.
Ah bon ? Brian aurait-il raison sur Cameron en l'appelant Punette ?
-Je pense qu'il ne s'est jamais fait tripoter par une fille aussi sexy que toi aussi.
-Sûrement. Et sinon, il est confortable Brian ? Ça fait genre.. deux fois que vous dormez ensemble..
-Trois en fait. Je me suis endormie sur lui à Thanksgiving.
-Alors ? Il est confortable ? Et niveau torse, il est comment ? Allez balance des détails, je pourrai frimer avec à la rentrée contre Alexandra la pouffiasse.
-Bah.. je n'y ai pas réfléchi. Je dirai qu'il est.. musclé. Vraiment musclé mais finement tu vois. Je l'ai vu faire du Tai-Chi. 
-Plus ou moins que Chuck.
-Moins quand même. Chuck a quelques années de plus de muscu, mais.. il est pas loin. 
-Qu'est-ce qu'il fait pendant ses vacances ? 
-Qui ? Chuck ? Il est en France lui aussi, du moins, d'après Ray. Je n'ai pas eu de contact avec lui depuis quelques temps.
-Il te manque n'est-ce pas ?
-Oui et non. J'ai adoré le voir à Seattle, je ne dis pas le contraire, mais le reste du temps, je ne pense pas à lui. Alors que quand je suis toute seule et que je m'ennuie, c'est à Marc que je pense. 
-C'est cool d'avoir l'embarras du choix... un BG blond ou un BG brun ?
-Je te rappelle que tu as eu le choix. Avec Paul.
-Il s'est servi de moi, je le vois plus comme ça. On pourrait arrêter de parler de Paul et moi ? Parce qu'il n'y a pas de Paul et moi.
-En fait Sophie, j'aimerai être certaine que ce n'est pas une possibilité encore aujourd'hui. Je ne veux pas que tu souffres.
-Il n'y a pas de Paul et moi et il n'y aura pas de Paul et moi. Aie confiance en moi. J'ai envie que ça marche avec Cameron, je veux pas tout foutre en l'air avec lui. Des nouvelles de Marc ? 
-Pas encore, je l'ai pas encore appelé aujourd'hui mais comme il est à Aspen.. il doit être entrain de skier, je l'appellerai tout à l'heure. Je vais te laisser.
Sophie venait de bâiller. Elle me souhaita une bonne nuit et elle raccrocha. Tom entra dans ma chambre. Il monta sur mon lit pour me faire face. 

-Tu veux bien venir faire un tour avec moi ? Grand-mère est occupée avec le vétérinaire dans la cuisine. Elle a dit que si tu venais avec moi, je pouvais aller me promener.
-Okay.
J'enfilai mes bottes et mon manteau. Je pris mon écharpe, mes gants et mon bonnet de Noël couleur bordeaux qui était chaud. Tom rit en me voyant et piqua celui de son frère qui trainait. Il faisait froid dehors mais il y avait encore quelques rayons de soleil. Nous sortîmes de la propriété. Il y avait un petit bois à côté. 
-On ne s'enfonce pas trop loin Tom, sinon je ne pourrais pas revenir, je ne connais pas les lieux.
-Mais moi si, affirma Tom en courant. Suis-moi !! 
Je pressai le pas. La neige était épaisse et on s'enfonçait pratiquement à la cheville. Tom m'emmena vers une clairière où il y avait une cabane dans un arbre et une autre au sol.
-Viens. Suis-moi. 
-Je ne crois pas qu'on ait le droit d'être là.
-Bah.. si.. c'est notre cabane. Grand-père nous l'a construite avec oncle Martin. On est encore sur le terrain de grand-père et grand-mère tu sais, c'est pas parce qu'on a dépassé la grille de la maison que c'est plus à eux. 
-Pourquoi il y en a deux ?
-Celle dans les arbres, c'est celle de Maman et oncle Martin et celle qui est en bas, c'est celle de Brian et moi. Mais tu as le droit de venir aussi.
J'entrai dans le petite cabane. Il y avait une table et des tabourets en rondins de bois. Des étagères, des magazines..
-C'est Brian qui a coupé les rondins et qui a fait l'étagère aussi. C'était du temps où il était en colère tout le temps. Grand-père avait dit à Maman que ça lui faisait du bien de découper du bois à la hache.
-C'était quand ? 
-ll y a au moins 3 ans. Il était pas très gentil avec moi. Je me souviens d'une fois où il a crié très fort sur Maman et il est parti en claquant la porte. On ne l'a pas revu pendant 2 jours. Je n'aimais pas ce Brian là. Parce que Maman se faisait toujours du souci pour lui. Et j'aimais pas ses copains.
Tom finit par s'arrêter et il rougit furieusement. Je le regardai d'un air étonné mais il ne dit plus rien.
-Tu peux me parler, je ne répèterai pas.
-J'ai promis à Maman que je ne dirai rien. Et à Brian aussi. Alors, on va arrêter d'en parler. Est-ce que tu veux une canette de coca ? demanda-t-il les yeux brillants. On a trouvé un moyen pour qu'elles soient fraiches pendant l'hiver avec la neige.
-Non merci, et je crois qu'il est un peu tard pour que tu prennes un coca chaton. Il est près de 18h30. En tout cas, cette cabane est très jolie. 
-Tu veux aller voir celle de Maman et de Martin ?
-Et si on revenait demain matin plutôt ? Ce serait mieux, non ? Et puis on a le temps, on ne repart pas demain.
-Oui, tu as raison. Tu pourras me lire une histoire ce soir avant d'aller me coucher.
-Hum.. Oui, si tu veux. Je ne veux pas que ta Grand-mère en prenne ombrage par contre.
-Ça veut dire quoi en prenne ombrage ?
-Qu'elle en soit fâchée parce que c'est peut-être sa prérogative.. je veux dire son privilège.. avantage.
-Oh. Oui, on va lui demander. Je ne voudrais pas qu'elle soit fâchée. Viens, on va rentrer. Attends. Oh regarde !!
Il se précipita sous un arbre et il revint avec un bâton un peu poli.
-J'ai trouvé une baguette magique !!! C'est la baguette qui choisit son sorcier, pas le contraire.
Il venait de citer Mr Ollivander. Rien que pour ça j'aimais Tom.

-Je me demande bien ce qu'elle a à l'intérieur.
-Un poil de menton de dragon alcoolique.
-Les dragons ne peuvent pas être alcoolique.
-Tu n'as pas encore lu Eragon, chaton. Mais dans Eragon, sa dragonne, Saphira, elle boit de la bière et elle est totalement saoule. 
Tom éclata de rire et le son résonna dans le petit bois. 
-Hum, Tom, dis-moi, tu sais comment retourner chez tes grands-parents ?
-Oui oui. Tu veux faire le petit ou le grand tour ?
-Comme tu veux ?
-On va faire le grand tour, de toute façon, j'ai une baguette magique, tu ne crains rien du tout. Je te protègerai. Je te le promets.

J'avais envie de lui dire que la seule chose qu'il pourrait faire avec cette baguette, c'était l'enfoncer dans l'œil d'un éventuel agresseur mais je ne voulais pas lui gâcher sa croyance dans l'œuvre de JK Rowling. Sur le chemin, il me récita tous les sorts qu'il avait appris dans Harry Potter et il me fit part de son enthousiasme à l'idée de lire le 3è tome. Nous entendîmes du bruit et Tom brandit sa baguette devant lui comme si c'était un fleuret.
-Qui es-tu l'étranger ? lança-t-il.

-Tom, arrête, dis-je en lui tirant sur la manche

-Je suis Albert Camus ! répondit une voix que je ne connaissais que trop bien.
-Ah la peste ! 

Heu.. okay. Je ne comprenais pas vraiment puis j'entendis un rire de la part de Tom et il se mit à courir dans les bras de Brian. Ce dernier le souleva et ils tombèrent tous les deux dans la neige dans un grand éclat de rire. Le Colonel était là, lui aussi. Il avait des paquets en main. Je lui proposai de l'aider à les porter mais il déclina ma proposition. 
-Hey ,mais tu m'as piqué mon bonnet !! 
-Je te l'ai emprunté parce que Sarah avait mis le sien.
-Tu peux le garder si tu veux Tom, je te le donne. J'en ai un autre, ajouta-t-il en voyant son petit frère hésiter.
-C'est vrai de vrai ? Je peux le garder ?
-Oui, tu peux. 
-Tu as entendu Sarah ?! 
Il avait des étoiles dans les yeux. Sophie avait raison. S'il restait avec ce visage angélique, il aurait des tonnes de filles à ses pieds. Le bonnet était tellement grand qu'il aurait pu l'enfoncer totalement sur sa tête. 
-C'est super Tom. Il te va mieux qu'à Brian de toute façon.
-C'est parce que je suis plus beau que lui. Même sa petite amie me l'a dit, se mit-il à rire avant de courir devant et de faire semblant de jeter des sorts.

Le soleil avait complètement disparu et il faisait un froid de canard. Il y avait du vent en plus. Mon premier réflexe, une fois rentrée fut de vérifier que mes doigts n'étaient pas congelés. Une odeur merveilleuse exhalait dans toute la maison. La cuisine de Mme Miller était merveilleusement délicieuse. Chaque bouchée fondait en bouche et en appelait une autre.
-C'est la première fois que je te vois manger avec un tel appétit, me dit-il alors que nous débarrassions la table tous les deux. 
-Je ne mange jamais rien d'aussi succulent et puis je mange avec appétit de manière générale.
-Tout est relatif.
Il m'agaçait.
-J'ai simplement des périodes où je mange moins. Ça dépend juste de mon humeur. 
-C'est parce que tu as un côté anorexique.
-Non pas du tout.
-Si un peu.
-Non pas du tout. J'adore manger, seulement au cas où tu n'aurais pas remarquer, nous vivons dans un monde très dur, rempli de diktats. Si demain tu prends 10 kg, on dira que tu t'es étoffé. Moi si demain, je prends 10 kg, on me dira juste que je me suis laissée aller et que je suis une baleine. Alors je fais simplement attention à ce que je mange pour ne pas qu'une telle chose arrive.Et puis, tu ne peux pas comprendre.
-Comprendre quoi ? Que c'est difficile de s'accepter tel que l'on est en faisant abstraction du regard des autres ? Si je le sais.
-Tu fais des heures de sport par jour. Tu as sûrement le corps que beaucoup d'ado veulent avoir. Alors, non, tu ne peux pas comprendre. Toi tu ne veux ressembler à personne, mais les autres veulent te ressembler. Je suis sûre que tu es un complexe ambulant pour beaucoup de garçons dans les vestiaires quand on est en cours de sport. 
-Je ne suis pas devenu comme ça par hasard.. bon, je ne dis pas que la génétique n'a pas joué en ma faveur, mais j'ai travaillé sur mon corps et je fais attention à ce que je mange, mais toi, tu n'as pas besoin de tout ça. 
-Écoute, je suis claquée. Je vais souhaiter une bonne nuit à tes grands parents et je vais monter me coucher. À demain Brian.

Une fois dans ma chambre, je m'allongeai sur le lit. Je repensai à ma discussion avec Brian. Toi tu n'as pas besoin de tout ça. Je me regardai dans les grands miroirs du placard. Je retirai mes vêtements et je restai en sous-vêtement. Je me demandai comment j'avais pu laisser Chuck me regarder. Je pinçai mes jambes, mes bras, mes hanches. Je retirai mon soutien-gorge. Je prenais des formes partout mais pas là où il fallait. Je soupirai et j'enfilai mes affaires de nuit. Mon téléphone sonna. C'était mon père, il voulait avoir mon impression. Je lui racontai en détail toute ma journée. Nous avions fait un Facetime et je voyais qu'il conduisait. Il me regardait de temps en temps.
-Vous partez à quelle heure de la maison demain ? 
-Le plus tôt possible, je vais voir si je ne peux pas me libérer un peu plus vite de l'hôpital. On a déjà fait nos bagages pour ne pas perdre de temps. La maison est vide sans vous trois. 
-Je veux bien l'imaginer. Je..
On frappa à la porte et je vis Brian. Il était aussi en pyjama. Il avait son iPad avec lui.
-Ça te dit de faire une partie de Scrabble en ligne avec ma mère et moi ?
-Salut Brian ! lança mon père.
-Salut John ! Tu vérifies si j'ai bien pris soin de ta fille, c'est ça ?
-Un peu mon neveu. Vous faites un Scrabble en ligne sans moi ? Vous avez peur de perdre ? 
-Tu es le bienvenue. Le mot d'ordre, c'est de ne pas laisser Maman gagner. 
-Ça marche. Attendez, je me gare et on s'y met. Sarah. Tu joues avec nous ?
-Ouais pourquoi pas ?! Plus on est de fou, plus on rit, non ?

Est-ce que je pensais que Brian allait jeter son iPad sur mon lit pour aller chercher son propre ordinateur et s'installer dans ma chambre ? Non. Clairement pas. Est-ce que je pensais que j'allais rire avec lui et nos parents via vidéoconférence en jouant au Scrabble ? Clairement pas non. Et pourtant.. Vraiment le Brian de Los Angeles et le Brian du Texas étaient deux entités différentes. Comme si deux âmes vivaient en lui. Mon père nous éclata tous au Scrabble. Que ce soit lors de la première partie, de la seconde. Mon père insista pour en faire une troisième. Sauf que je n'avais pas envie. Après avoir fini 3è et 4è, je n'avais pas envie de subir une autre humiliation. Alors ils enclenchèrent une autre partie. Depuis ma chambre. J'allai dans la salle de bains pour me laver les dents et me brosser les cheveux. En fait, j'étais crevée, j'avais juste envie de dormir mais Brian venait de se mettre d'un côté du lit et avait allongé ses jambes. J'allumai la lampe de chevet et je pris le livre que j'avais emprunté quelques heures auparavant.

Je fis un rêve atroce cette nuit là et je me réveillai en sursaut à 7h du matin. J'allai dans la salle de bain et me passai de l'eau sur le visage. J'avais une tête de zombie. Je descendis pour aller prendre un verre d'eau et je vis Brian en caleçon.
-Salut.
Il sursauta alors qu'il était entrain de faire couler du café.
-Qu'est-ce que tu fais debout ? me demanda-t-il d'une voix rauque et fatiguée.
-Cauchemar, je suis juste venue prendre un verre d'eau.
-Tu préfères pas un café ? 
-Si je veux bien. 
-Tu fais souvent des cauchemars depuis Seattle.
C'était un constat. Je m'assis sur le plan de travail.
-Tu ne t'en rends pas forcément compte mais parfois, poursuivit-il en sortant des tasses, on t'entend crier dans ton sommeil quand on est à la maison. J'ai plus d'une fois vu ton père sortir de ta chambre. Il te berce jusqu'à ce que tu te calmes.
-T'es sérieux ? 
-Très sérieux. Tu sais.. ma grand-mère est psy, enfin était psy... Si tu as envie de lui parler, elle ne répètera rien du tout. À personne.
-Mais je n'ai pas fait de cauchemar hier pourtant.
-Ça ne t'arrive pas tous les jours. Et j'ai l'impression que quand tu es avec quelqu'un tu dors mieux. Peut-être que tu te sens en sécurité.
-Je ne savais pas que.. pourquoi Papa ne m'a rien dit ?
-Parce que tu n'avais pas fait de cauchemar depuis au moins une semaine. Il a dit que le traumatisme du ferry était entrain de passer. Tu rêvais de quoi ?
-Je.. me noyais dans mon propre sang.
-Gore et pourquoi tu saignais ?
-J'étais en haut d'un rempart et on m'a attrapé par le cou. J'étais entrain de me débattre et je suis tombée sur des rochers, de telle sorte que je ne pouvais plus bouger et y'avait la mer aussi. C'est confus. On peut arrêter d'en parler.
-Oui. Tiens, ta tasse de café. Tu veux du lait dedans ?
-Oui, je veux bien. Merci. Brian, c'est moi où tu ne te comportes pas de la même manière ici et chez nous . Je veux dire, tu es vachement plus.. aimable.
-Si tu le dis.
Il me laissa en plan et monta les escaliers, je le suivis. Il se retourna brusquement.
-Pourquoi tu me suis ? Tu veux m'accompagner dans mon bain, peut-être ?
-Je retire ce que j'ai dit, gros pervers.
-Tu vas finir par l'avouer, que tu me trouves attirant. On le sait tous les deux. Alors autant que ce soit le plus vite possible.
-Est-ce que tu ressembles à Marc ? 
-Pardon ?
-Je te pose une question, est-ce que tu ressembles à Marc ?
-Non. Pas du tout non.
-C'est le genre comme Marc qui m'attire, qui me fait vibrer, qui m'excite. Pas le genre tout juste sorti de l'enfance avec des rondeurs sur le visage. Qui joue à la console à longueur de journée. Je veux dire quelqu'un qui ressemble à un homme pas un ado.
-Comme tu as mon âge, ça veut dire que Marc a un côté pédophile alors. Parce que si moi j'ai des rondeurs de l'enfance... Qu'est-ce que ça doit être pour toi, qui a l'air d'une pré-pubère, répondit sèchement Brian.
-Je n'ai pas l'air d'une pré-pubère.
-Tu crois ça ? Regarde-toi dans un miroir et on en reparlera.
-Tu te prends pour qui pour me parler sur ce ton ? lui demandai-je d'une voix plus tremblante que je ne le pensais. Je peux savoir ce que je t'ai fait au juste ?
-J'en ai peut-être assez que tu me dises que je ne ressemble pas à un homme. C'est peut-être lassant et blessant à la longue ?
-Parce que tu ne crois pas que faire constamment des remarques sur mon physique ce n'est pas blessant à la longue ? Toujours à me dire que je suis grosse, que je n'ai pas de seins, que je ne suis pas assez bien pour plaire à quelqu'un. Tu crois que mon estime de moi est si élevée que ça ne me fait rien du tout ? Je sais que je ne suis pas et que je serai jamais une fille canon comme Alex ou Chris. Je me sens suffisamment laide comme ça sans qu'un connard me rappelle que je le suis. Alors va te faire foutre. 
Je m'enfuis dans ma chambre et je m'assis dans un coin pour pleurer. 
-Sarah..
-Dégage.

Je vis les jambes nues de Brian. Il s'accroupit à mon niveau. Je le poussai des deux mains mais il les saisit. J'avais les yeux bouffis. Je le savais. Je ne voulais pas le regarder, aussi je baissai la tête. Il dégagea mes cheveux de mon visage et la minute d'après, j'avais la tête contre son T-shirt. Il me serrait contre lui.
-Je suis désolé. Arrête de pleurer s'il-te-plaît. Je n'aime pas quand les filles pleurent à cause de moi. Sarah. Regarde-moi.
-Je te déteste. Sors immédiatement de ma chambre.
Il me força à le regarder. Je le voyais à peine à cause de mes larmes. Je devais être affreuse.
-Tu n'as rien à envier à ces filles-là. Tu m'entends. Rien du tout. Je suis persuadé qu'Alexandra adorerait être toi en ce moment.
-Arrête de dire n'importe quoi !!

-Tu ne crois pas qu'elle donnerait n'importe quoi pour passer un Noël dans la Miller House avec moi ? Arrête de pleurer et vois la chance que tu as... T'es la première fille avec qui je passe Noël !
-Mais qu'est-ce que t'es prétentieux ! 
Je lui en voulais mais en même temps, sa remarque me fit sourire. Je ne voulais même plus le regarder parce qu'il était fier de lui cet imbécile et qu'il faisait une tête chelou qui me faisait rire. 
-Je suis prétentieux. Certes. Et je t'ai fait sourire. C'est l'essentiel.
-Brian, je ne veux plus jamais que tu fasses de remarque sur mon physique. Jamais.
-Je ne sais pas si un jour je ne vais pas lâcher, un bouge ton gros popotin pour te piquer ta place sur le canapé. Mais ce que je peux te promettre c'est que quand je dis un truc comme ça, je ne pense pas que tu es vraiment grosse. C'est juste une expression. Et puis.. d'après ce que je sais, Marc ne couche qu'avec des filles canons. Ça veut dire que tu l'es.. enfin pour lui, je veux dire, ajouta-t-il. Il doit te trouver canon. Ce n'est pas le plus important ? Paraitre beau pour la personne qu'on aime ? Trêve de plaisanterie. Ça te dit de venir avec moi à la boulangerie ? J'aimerai ramener des viennoiseries à Grand-Mère.
J'hochai la tête.
-Allez sèche tes larmes et va te laver, je te donne 10 minutes. Et mets un jean.
Il sortit de la pièce avant que je ne dise quoi que ce soit. Je ne savais pas à quoi il jouait. Mais il avait raison. Si Marc me trouvait jolie, c'était l'essentiel. Je me lavai rapidement et je mis une robe qui m'arrivait mi-cuisse. Pour qui il se prenait à me dicter ma conduite ? Brian m'attendait en bas des marches. Il sourit en me voyant. Il me donna mon manteau et nous rentrâmes dans la voiture. Il démarra et ne me parla pas avant d'être sur la route.

-Ce que j'adore avec toi c'est que systématiquement quand je te dis de faire un truc, tu fais l'inverse. Aussi, si je t'avais dit de mettre une jupe parce que le fils du boulanger à notre âge et qu'il fait toujours une ristourne aux jeunes filles en jupe, c'est clair que tu aurais mis un jean. 
-Attends.. tu m'as..
-Manipulée. Et en beauté en plus. Allez fais pas cette tête. Il faut savoir utiliser ses atouts dans la vie et toi, tu as des belles jambes. 
-Et toi tu es sexiste. Tu le sais ça ?
-Je suis sexy. Nuance. Je suis adulte et sexy.
-Crétin, marmonnai-je. En fait, tu crois que nos parents veulent avoir un autre enfant ? 
-Non. Enfin pas que je sache. Je dois t'avouer que le jour où ma mère m'a dit que John l'avait demandée en mariage et qu'elle avait accepté, ma première réaction ça a été de lui demander si elle attendait un bébé. Je trouvais ça hyper rapide. Et elle m'a sortie : Brian, je te signale que je suis une femme moderne et que je prends la pilule. 
-Tu sais que j'ai dit la même chose à mon père. Il m'a dit qu'il allait la demander en mariage et je lui ai demandé si la chambre d'amis allait redevenir la nursery. Il m'a répondu, je cite : pas dans les 9 mois qui arrivent mais qui sait, c'est une possibilité.
-Je préfère la réponse de John que celle de ma mère. Remarque, je t'ai raconté la première fois que j'ai rencontré ton père ? Je suis rentré d'une fête où ma mère pensait que j'allais rester. Le plus grand regret de ma vie.

-Non ?? Tu déconnes.
-Pas du tout. Ils étaient dans la cuisine. Et franchement, je bénis les plans de travail centraux. Je ne les ai pas vu mais le gros traumatisme quand même. Je crois quand même que le pire c'est qu'ils ont gloussé comme des gosses quand je suis rentré dans ma chambre.
-Comment tu savais que c'était mon père ?
-Notre cuisine était pas gigantesque. J'ai vu leurs têtes, ça suffisait. Des vrais gosses ces deux là.
-À qui tu le dis ? dis-je en repensant à la fois où j'avais failli les surprendre sous la douche.
-Je suis sûr qu'ils doivent s'en donner à cœur joie depuis qu'on est pas là. 
-On peut arrêter de parler de la sexualité de nos parents ? Rien que l'expression, ça me dégoûte.
-Tu es dégoûtée pour un rien de toute façon. Je me demande de quoi vous parlez avec Sophie.
-Pas de sexe.. Enfin très peu. Pas dans chaque conversation je veux dire.
-Hum.. On est arrivé. 
Brian avait raison, le fils du boulanger regarda directement mes jambes et d'ailleurs, il ne remarqua même pas à Brian, mais à moi. Ce dernier semblait amusé de la tournure des évènements. 
-Vous restez longtemps j'espère ma demoiselle.
-Quelques jours seulement. Tu peux prendre ça Brian, le temps que je paye ?
C'est uniquement à ce moment là, qu'il remarqua la présence de Brian.
-Tiens Miller. Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda-t-il d'un ton aigre alors que je prenais de l'argent dans le portefeuille de Brian.
-La demoiselle a déjà passé commande. Tu salueras ton père de ma part, Zack. Et ta sœur aussi.
-Très drôle Mi..
-Brian ? 

Une voix féminine parvint de derrière le vendeur. C'était une fille en tout point ressemblante au garçon. Elle avait des cheveux bruns, des yeux bruns et des tâches de rousseurs sur la tête. Elle fit le tour de la caisse pour embrasser Brian.
-Miri. Tu es superbe. Regarde-toi. 
-Tu es pas mal non plus, bel étranger, ajouta-t-elle en français.
Le dénommé Zack regardait la scène d'un air fâché. Je lui tendis sa monnaie en lui disant que le compte était bon. Je lui fis un sourire et il me le rendit mais cela ne l'empêcha pas, quand il releva les yeux de fusiller le regard mon quasi-frère. Je le pris par le bras et l'emmenais ailleurs.
-C'était quoi ça Brian ? 
-Miri m'adore, Zack me déteste. Voilà. Je ne vais jamais chercher le pain quand c'est Zack qui vend normalement mais comme on est mardi.. bah on avait pas trop le choix. Il adore mes grands-parents par contre. C'est vraiment moi qu'il n'aime pas.
-Et pourquoi ? 
-Son ex m'a taillé une.. enfin disons qu'on s'est amusé ensemble alors qu'elle avait toujours refusé avec lui et j'ai dépucelé sa sœur aussi. Et disons qu'avec Miri, c'est un peu ma perpétuelle amourette de vacances quoi. On s'amuse bien. Elle est toujours curieuse de tout aussi. Je veux dire des filles comme ça, je pense que tous les mecs en voudraient.
-Tu veux dire..
-Je veux dire qu'elle pose toujours des questions sur tout. Elle a les yeux qui pétillent quand elle t'écoute. On a l'impression d'être la personne la plus intéressante de la planète. Ça et aussi parce qu'elle est douée avec sa langue. Et elle ramenait les croissants..
Il éclata de rire et nous rentrâmes chez ses grand-parents. Ils étaient tous debout et ils pensaient que nous dormions. Tom fit la tête. Il aurait bien aimé nous accompagner selon lui. Brian me tira ma chaise et il fronça les sourcils quand il s'en rendit compte. Alors comme ça Brian était un gentleman quand il voulait. Je le remerciai d'un petit sourire. 
-Alors c'est quoi le plan aujourd'hui ? 
J'avais oublié que nous étions le 24 décembre. Que c'était Noël. Je souris. Je sentais que j'allais bien m'amuser.
_________________
(1)Extrait de: Marion Zimmer Bradley. « -La princesse au dragon. » iBooks.

(2)Npk : N'importe quoi :)


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