-Maman ? 

Je levai  les yeux au ciel, je ne savais pas à quoi jouait ma mère exactement. Elle n'était jamais en retard d'ordinaire et là, comme par hasard le jour de son mariage, elle l'était. Et comme par hasard, c'était moi qu'on avait envoyé parce qu'elle n'ouvrait la porte à personne d'autres.Je ne comprenais pas pourquoi ma Grand-Mère ne le faisait pas elle. Ou le Colonel. Il pouvait bien prendre sa voix de stentor pour faire venir sa fille, non ? De toute façon, c'était toujours comme ça dans ma famille. C'était toujours les mêmes les larbins. Je frappai de nouveau à sa porte de chambre et j'actionnai la poignée. Hum. La porte était ouverte en fait. Je l'ouvris et je vis ma mère en larmes. 

-Maman ! 

Je me précipitai sur elle et la pris dans mes bras. Son mascara coulait. Cela me perturbait.Je n'avais jamais aimé voir sa mère pleurer et j'étais à deux doigts de faire la même chose. J'aimais bien faire croire à mon entourage que j'étais super fort. Mais dans le fond, face à ma mère, je n'étais qu'un gosse. Et voir des larmes dans ses yeux bleus si similaires aux miens me catapulta dans mon enfance. Je plissai des yeux. Elle pleurait beaucoup après le départ de l'autre Connard. Elle pensait toujours que je ne voyais rien ou que je n'entendais pas.  Elle n'était pas sortie de son lit pendant une bonne semaine après la naissance de Thomas.. Et ce n'était pas dû à Tom et au fait que c'était le bébé le plus bruyant de la planète et qu'il était capable de me réveiller à 3h du matin alors même que je dormais comme un.. bébé à l'époque.  Elle était maladive, elle faisait une dépression. Je ne pouvais pas mettre de termes sur ce que je voyais de l'état de ma mère à cette époque mais.. grâce à ma Grand-Mère, j'avais compris ce qu'elle traversait quand j'étais plus grand. Il l'avait abandonné au pire moment. Et il m'avait abandonné moi.  Au moment où tous les parents sont ravis d'accueillir un petit être, elle ne pouvait pas se réjouir comme elle aurait dû. Et ensuite.. j'avais grave merdé. Et elle avait cessé de pleurer à cause de Lui, mais à cause de moi. Je ne supportais plus ça. 

Elle se redressa et me fixa. Elle avait le nez rouge. Je passai une main dans ses cheveux et nous glissâmes au sol. Nous faisions ça parfois quand j'étais petit. C'était notre position pour parler sincèrement. Le seul truc qui manquait, c'était de la glace à la vanille. Un gros pot. 

-Qu'est-ce que tu as ? 

-J'ai l'impression que je fais une grosse connerie.

Cette réflexion me fit sourire intérieurement. Ce n'était pas faute de lui avoir dit. C'était profondément débile d'épouser un mec qu'elle ne connaissait que depuis quoi ? 6 mois ? Et pourtant.. il était indéniable que John la rendait heureuse et qu'il l'aimait. Je ne l'avais pas vu aussi rayonnante depuis des années et pourtant.. c'était pas faute de nous avoir présenté ses mecs. Il y en avait pourtant eu un paquet dont elle était amoureuse. 

Ça avait commencé avec Roberto deux ans après la naissance de Tom. Je le détestai. Il me faisait  penser à mon père. Il passait son temps sur le canapé à boire de la bière et à beugler contre les vendeurs de chili dans l'IOWA. Je n'ai jamais compris pourquoi d'ailleurs. Il venait de là-bas apparemment mais pourquoi les vendeurs de chili ? Et il sentait mauvais. Il mettait du parfum bas étage. Déjà à l'époque, je ne comprenais pas ce qu'elle lui trouvait. Ma mère avait les cheveux ultra longs à l'époque. Elle était fine, elle était belle, portait du rouge à lèvres rouges tous les jours et des hauts talons parce que je lui avais dit quand j'avais 5 ans que de toute façon, moi je la trouvais jolie qu'avec des talons et du rouge à lèvres. J'étais stupide à cette époque. Je n'avais pas compris qu'une fille en basket qui court avec un short ultra moulant.. ça pouvait être super sexy. 

Enfin bref. ROBERTO. Ce débile était gros, gras, et portait des marcels blancs. Il y avait des poils qui sortaient de partout. De ses dessous de bras, de son torse, de son nez, de ses oreilles. Je l'avais dessiné un jour à l'école en Chewbacca alcoolique avec des bières à la main et un gros bidon. Quand il avait vu ça, il m'a giflé. Et ma mère l'a foutu dehors dans la soirée. Et elle avait pleuré. Très fort. J'avais pris le téléphone de la maison pour appeler Gyosei, son meilleur ami. Et j'avais appelé ses copines aussi. Ils avaient débarqué à la maison pour la consoler. J'avais détesté ça. Devoir demander de l'aide mais.. je n'avais pas eu le choix. C'est difficile quand on est un enfant de voir sa mère pleurer, et c'est encore plus dur de ne rien pouvoir faire pour arrêter le flot de larmes.

Ensuite, il y avait Christopher, 6 mois plus tard. Lui aussi, elle était très amoureuse de lui. Il était plutôt sympa.. mais ça c'était avant que je le trouve entrain de sauter la babysitter de mon petit frère sur le plan de la cuisine. Avec du recul, ça ne devait probablement pas être la première qu'il baisait dans notre maison de San Francisco, mais cela avait décidé ma mère à déménager dans l'appartement de l'immeuble de Gyosei. Au moins, quand elle pleurait, elle avait juste à traverser le pallier.

Deux ans plus tard, quand j'avais.. 12 ans, il y avait eu Rick. C'était un acteur raté au chômage. Mais elle ne le savait pas à l'époque qu'il était complètement nul. Il jouait dans une série à succès à l'époque et elle était sûrement restée avec lui parce que moi je l'aimais bien. Il me faisait rire et il m'avait appris à jouer aux fléchettes. Il était gentil avec elle. Le seul souci, c'est sûrement qu'il avait une femme et quatre enfants. 

Enfin, bref, ma mère et les mecs, c'était toute une histoire mais si je commençais à en faire la liste, on en serait encore là dans trois semaines.

-Qu'est-ce qui te fait penser ça Maman ?

-Je ne le connais pas ? Imagine que ce soit un horrible connard, trafiquant de drogue ? Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

-Maman, tu paniques c'est normal. Si je fais un concentré de toutes les comédies romantiques que tu m'as forcé à regarder..

-C'est toi qui a voulu regarder la suite de Bridget Jones la dernière fois. Et tu as pleuré comme moi en voyant Titanic la première fois. Et..

-Si tu le dis à qui que ce soit que j'ai pleuré en regardant Titanic.. surtout à la fille de John, ça va pas aller. Qu'on se le dise, Maman. enfin bref, dans les films, les femmes paniquent toujours et pourtant, elles vont à leur mariage à l'heure. Il faut qu'on y aille, on va être en retard.

-Tu ne comprends pas Brian. Le seul homme avec qui j'ai envisagé de me marier, c'était Alessandro. Ton père. Et là.. si John était un homme comme ton père ?

-Personne n'est comme lui Maman. Personne, rétorquai-je fermement. Et puis.. le divorce, ça existe. Si c'est un connard, tu divorceras. Point.

-Tu ne me dis pas la vérité.

-Je t'ai dit que c'était trop tôt mais tu ne m'as pas écouté. Maintenant, je peux comprendre que tu aies envie de te marier avec lui. Il est.. séduisant et il a l'air équilibré. Et puis, il est chirurgien. Rien qu'avec ses trois critères, c'est un meilleur homme que tous les précédents avec qui tu es sorti. 

-Qu'est-ce que tu penses de lui ? Réponds-moi sérieusement Brian. 

-Maman, je dois vraiment te rappeler la première fois que j'ai vu John McAllister ou c'est bon ?

Elle rougit et il y avait de quoi. 

Ce soir-là, je rentrais simplement du cinéma. On avait été voir une séance assez tard avec mes amis. C'était un vendredi. J'avais dit à ma mère que je ne rentrerais pas. Le film était génial et nous avions fini chez un de mes amis, où j'étais censé passer la nuit. Du moins que je pensais être un ami avant qu'il ne me pique ma copine. Ils m'avaient d'ailleurs rapidement saoulé à force de se draguer ouvertement. C'est pour rire Brian. Visiblement, nous n'avions pas le même humour. Ma copine avait essayé de me retenir mais je l'avais regardé froidement. C'était ma mère qui m'avait appris à regarder les gens suffisamment froidement pour qu'ils me lâchent la grappe. C'était très utile.

 J'avais marché dans la ville endormie. Los Angeles, la cité des Anges. Depuis que nous avions déménagé dans cette ville, tout avait changé. Tout. Ma mère me faisait de nouveau confiance. Tom aussi. Il n'hésitait plus à me demander de l'aider ou à me parler tout simplement. J'avais été distant de mon petit frère bien trop longtemps. J'avais préféré mes amis à ma famille. J'avais eu tort. Je ne pouvais pas rattraper ce temps perdu avec Tom. J'avais l'impression d'avoir manqué une partie de son enfance et ça.. je ne pouvais pas me le pardonner. Quelque chose m'en empêchait. J'avais rompu un pacte entre nous deux, et une promesse à moi-même. 

Cette promesse je l'avais faite quelques heures après sa naissance. Ma mère venait juste de me dire que mon père ne reviendrait pas. "Tiens Brian, c'est ton petit frère, Thomas." Je ne voulais pas le prendre dans mes bras. Il était si petit, si fragile. J'avais peur de le faire tomber et de le casser en mille morceaux. "N'aie pas peur mon cœur, tu ne lui feras pas de mal". Il avait ouvert les yeux et un lien s'était formé entre nous à ce moment précis. Je m'étais fait la promesse de ne jamais le laisser tomber. Jamais. Et pourtant.. avant de déménager à Los Angeles, c'était clairement ce que j'avais fait. Je me targuais d'être une personne de parole mais sur ce coup là, j'avais merdé. C'était ce à quoi je pensais en me baladant dans les rues de LA. Je n'avais pas pris l'ascenseur. J'avais ouvert la porte et j'avais entendu un gémissement de plaisir. Je m'étais figé.

-Maman ? Autant te le dire, si tu mates un porno dans le salon, il vaut mieux que tu..

Mais elle ne matait pas un porno. Elle était entrain de le faire. Je voyais sa tête et celle de son mec d'un soir ou peu importait depuis la cuisine. Dans la cuisine. Nom de Dieu, ils étaient.. sales. Ils essayèrent de se cacher. De vrais gosses. Ils étaient ultra honteux, mais vu que le caleçon du monsieur qui était entrain "d'outrager" ma mère était devant mes yeux, ils ne risquaient pas de courir à la chambre sans que je sois obligé de suivre 10 ans de thérapie, minimum.

-Putain, vous auriez pu prendre une chambre. Je vais me coucher. Et si vous pouviez éviter d'être toujours entrain de forniquer dans la cuisine dans 30 minutes, quand je viendrai prendre une tisane ce serait cool. Merci. 

J'avais fermé ma porte et je les avais entendu glousser. C'était ma première rencontre avec John McAllister.

-Non, merci Brian, me dit ma mère en français en rougissant comme une tomate mûre. Ne te sens pas obliger de me rappeler que tu m'as vu avec mon fiancé dans la cuisine. C'est gentil. Mais je ne vois pas le rapport.

-Tu voulais savoir ce que je pense de lui ? Je pense qu'il est capable de te rendre heureuse.. de te faire sentir femme et de te faire sentir comme une adolescente à la fois. Voilà ce que je crois. Maintenant Maman, tu as raison. Si tu doutes de lui, on prend ma voiture et on file à Las Vegas. On laisse Grand-Père annuler le Mariage. Moi je m'en fous. Si tu ne te sens pas prête, ne le fais pas. Je suis ton fils, pas celui de John. Il ne sera jamais mon père, je n'ai pas à être redevable de quoi que ce soit. Alors... Si tu veux que je te kidnappe, je te kidnappe. Ou alors si tu veux que je m'oppose publiquement à ton mariage, je le ferai. Dans l'église. Oui, tu as entendu. De toute façon, je suis le vilain canard de la famille Miller, ce n'est pas la première fois que je fais un truc détonnant donc.. je le ferai Maman. Si tu ne veux pas de lui mais que tu ne veux pas lui faire de la peine, je ferai tout ce que tu voudras pour ne pas qu'on te blâme toi.

-Tu serais prêt à faire ça pour moi ? me demanda-t-elle d'une toute petite voix.

-Tu es ma mère. Tu es ma partenaire. On est une équipe. J'ai merdé trop longtemps Maman mais maintenant, je.. je vais te soutenir dans tous tes choix. Dans tous. Ne l'épouse pas pour Tom ou pour moi. Il ne sera jamais notre père. Il ne sera jamais un Miller. Fais-le pour toi. Tu comprends ? Il faut que tu sois certaine de toi.. que tu l'aimes et que tu ne pourras pas vivre sans lui. Et.. ne l'épouse pas non plus pour sa fille. Parce qu'elle n'a plus de mère. Moi je t'aime et je te soutiens. Je ne te convaincrai pas de ne pas l'épouser, même si je trouve que tu ne le connais pas assez, mais... ça tu le sais. Je ne te convaincrai pas de l'épouser non plus. C'est pas mon rôle. Qu'est-ce que tu veux toi ? 

-Je veux que Tom et toi soyez heureux ? Et si tu n'aimes pas John, je ne vois pas comment je pourrais épouser un homme que tu méprises. 

-Je ne le méprise pas Maman. C'est.. bon c'est vrai que la toute première fois que je l'ai vu, je l'ai méprisé. Mais.. quand j'ai compris que tu tenais à lui et que je l'ai vu dans le café avec sa fille, je me suis dit que c'était une personne sérieuse. Il ne t'aurait pas demandé en mariage et il ne t'aurait pas présenté sa fille si il ne cherchait pas une relation stable et sérieuse avec toi, non ?

-C'est aussi ce que je me dis. Mais.. Brian, tu sais que ça va tout changer n'est-ce pas ? On ne vivra plus tous les trois. Je ne serai plus Mary Miller mais Mary McAllister. Et tu auras une sœur.

-Ce ne sera jamais ma sœur Maman. Mais je vois ce que tu veux dire. Quand on aime quelqu'un, on est prêt à tous les sacrifices. Je suis prêt à sacrifier notre petit cocon adoré si ça te permet d'être heureuse. Et je.. pour être honnête Maman. Je ne t'ai jamais vu aussi heureuse de toute ta vie. Et on se connaît depuis un bon bout de temps tous les deux. Je ne pense pas que tu étais aussi heureuse avec l'autre connard. Et si tu doutes, je crois que ce n'est pas de lui, mais de toi. Dans le fond, tu as peur de ne pas être à la hauteur parce que.. comme dirait Grand-Mère, la vie n'a pas été tendre avec nous. Et.. je me suis comporté comme un petit con et j'ai fait des trucs..

-Brian, n'en parlons plus c'est du passé. J'ai fait promettre à Tom de ne plus en parler.

-J'ai merdé et tu n'avais plus personne sur qui compter mais.. c'est fini maintenant. Cette période est derrière nous. Et je t'aiderai du mieux que je peux. Tu pourras toujours compter sur moi. On est une famille tous les trois. Ça ne changera pas avec ton mariage. 

-Quand as-tu mûri comme cela ? 

-Chaque jour grâce à toi. Est-ce qu'il faut que j'aille annuler le mariage ? ou que j'appelle Grand-Mère pour la retouche maquillage ? 

-Appelle Maman, oui. Merci mon petit ange.

-Mais plus sérieusement Maman. Si pendant la cérémonie, tu te dis que ce n'est pas possible, tu me fais signe et je fais diversion le temps que tu t'enfuis en courant. Touche tes cheveux et je saurais que tu veux partir. 

Elle hocha la tête. Elle était tétanisée. Je ne pensais pas qu'on pouvait être autant tétanisé. Je ne comprenais pas pourquoi les femmes étaient aussi compliquées. Elle l'aimait ! Pourquoi ne voulait-elle pas juste se laisser aller ? Je renvoyai ma Grand-Mère auprès ma mère et je sortis de l'appartement. Mon oncle Martin m'attendait pour me ramener auprès de mon futur beau-père dont j'étais le témoin avec mon frère. John accueillait les gens dans l'église. Je voyais qu'il était stressé.

-Tout va bien ?

-Oui oui, tout va bien, il n'y a aucun souci.

Je ne voulais pas lui apporter un stress supplémentaire.

-Maman a flippé parce qu'elle ne trouvait plus un de ses bijoux. Tu connais les femmes.

-Oui. Je les connais. J'en ai une à la maison. La voilà d'ailleurs. Sarah, tu es en retard.

Je me retournai pour voir la fille de John. Elle avait noué ses cheveux en un beau chignon où elle avait rajouté un bijou de tête qui brillait. Elle portait des boucles d'oreilles en argent et en jade. Elle avait un beau port de tête. Altier. Elle était très peu maquillée mais ses yeux ressortaient. Ses grands yeux verts. Elle regardait son père avec sarcasme d'ailleurs et ils pétillaient. Sa robe dans des tons crèmes, faisait ressortir son teint légèrement bronzé de l'été et flattait sa silhouette fine. Elle était bien gaulée. 

-Non, pas du tout, c'est ta future femme qui donne le timing. Tant qu'elle est pas là, je ne suis pas en retard. Et toc. Girl Power Papa. Girl Power. Et puis, sérieusement, c'est ton mariage, tes invités, j'en connais pas la moitié.

Il lui lança un regard noir et moi je réprimai un sourire. Elle était plutôt drôle, c'était tellement dommage qu'elle soit aussi petite bourgeoise ! Rien ne dépassait dans sa tenue. On avait l'impression d'être au mariage d'un prince en la regardant. Quand ma grand-mère la verrait clairement, elle la trouverait parfaite. Bon, j'étais aussi bien habillé, j'y avais pris un grand soin mais au moins, j'avais ma coupe de cheveux un peu rebelle. J'avais gardé ma personnalité. J'avais l'impression que cette Sarah McAllister était un peu fade. Mais bon, peut-être que c'était une fausse impression et peut-être que j'allais m'amuser avec elle. J'allais bientôt habiter avec elle de toute façon, je verrai bien. 

Je sentis une main se glisser dans la mienne. C'était Tom. Je ne le lâchai pas. Il était timide. Encore plus que moi à son âge. Je faisais encore de gros efforts pour être avenant parfois. Je me renfermai sur moi-même parfois. Je paraissais hautain, je le savais. Mais.. je me protégeai. Jay le comprenait ça. Il était peut-être le seul à le comprendre. Il fallait que je l'appelle. Je ne l'avais pas fait depuis longtemps. Ce n'était pas cool. Il avait toujours été là pour moi. 

Tout le monde était arrivé et John se plaça devant l'autel. Son frère était juste derrière lui et essayait de le dérider. Ça marchait visiblement parce qu'ils étaient morts de rire. Je m'approchai d'eux. J'aurais aimé être de la partie moi aussi, mine de rien. Est-ce que plus tard mon frère et moi nous aurions cette complicité qui unissait John et son frère James ? 

-T'inquiète pas John, disait James McAllister. Ce n'est pas obligé que les demoiselles d'honneur se tapent les garçons d'honneur ou quelqu'un dans un mariage enfin. Brian ! m'interpella le frère de John en me voyant. Approchez jeune homme. Vous avez l'intention de vous taper ma nièce après la cérémonie pendant la soirée  ?

Je ne m'y attendais pas et ce fut presque un cri du cœur

-Non, bien sûr que non ! 

-Voilà qui règle la question. Et puis moi je suis marié, le frère de ta future femme aussi. Donc ça limite les interactions. Bon, bien sûr, si tu ne vois ni ma femme, ni moi pendant un moment, on sera sûrement entrain de faire ce que tu redoutes que ta fille fasse un jour.

-La ferme James. 

James McAllister se tourna vers moi avec un sourire sur les lèvres et cela me fit rire. Il taquinait son frère sur ça le jour de son mariage. C'était abusé. Mais je trouvais ça marrant. Je vis ma Grand-Mère venir s'asseoir et faire un geste à John. Il soupira d'aise. Il avait eu.. peur ? qu'elle ne vienne pas ? Le pauvre. S'il avait su... Les invités se levèrent et je sus que ma mère allait être parfaite. Elle m'avait trainée avec ma tante par alliance et ma grand-mère pour que je lui donne un avis masculin. Comme si une Vera Wang pouvait ne pas lui aller. Au lieu de la regarder avancer dans l'allée, je fixai John. Allait-il la rendre heureuse ? Je remarquai que sa fille le fixait aussi. À quoi pensait-elle avec sa tête légèrement penchée ? Moi, je regardai s'il aimait vraiment ma mère et comme, en le voyant ainsi, on aurait pu penser qu'il avait une eu une vision divine, je pensai que oui. Il l'aimait vraiment. Le regard de Sarah et le mien se croisèrent et elle piqua un fard avant de sourire amusée. Elle était toute mignonne comme ça. Je jetai un coup d'œil à ma mère et je fus ému de la voir aussi.. heureuse. 

John descendit les quelques marches. Il avait déjà fait ça. Est-ce que son premier mariage avait été comme ça pour lui ? Je lui avais demandé un jour où nous étions tous les deux qu'il me parle de sa première femme et j'avais été ébahi par sa force et le calme avec lequel il en parlait. Il aurait pu refuser de le faire mais il ne l'avait pas fait. Une partie de moi l'aimera toujours mais.. je suis amoureux de ta mère, et je l'aime profondément. Je ne suis pas fidèle à un fantôme Brian. 

J'écoutais à peine la cérémonie, j'avais les yeux rivés sur ma mère. Au moindre geste de panique de sa part, je frappai le frère de John pour faire diversion et je la prenais par la main pour l'emmener loin. Mais elle ne paniqua pas. Quand le prêtre demanda si une personne de l'assemblée voulait s'opposer à ce mariage, elle me jeta un regard rieur. Elle avait pris sa décision et je me détendis enfin. Je lui fis un clin d'œil et Sarah McAllister le vit parce qu'elle essaya de contrôler son rire. Ah moins que ce ne fut à cause du sourire narquois qu'il y avait sur le visage de son père. En fait, je venais de comprendre que toutes les personnes qui comptaient vraiment pour le couple étaient au plus près d'eux et que ça devait être une blague dans nos deux familles. Qui oserait interrompre la cérémonie ? 

-Brian ? murmura Tom à côté de moi. Pourquoi plus personne ne parle ? C'est flippant.

Je lui mis la main devant la bouche et il y eut un petit rire dans l'assistance. Mon frère se dégagea et il glissa sa main dans la mienne. La cérémonie passa tellement vite après cela que j'avais l'impression qu'elle avait été courte. Je pris le bras de Sarah McAllister parce que manifestement c'était moi son cavalier. 

-Pourquoi tu as regardé ton père pendant que ma mère avançait dans l'allée ? lui demandai-je alors que nous sortions de l'église.

-Tu connais le film 27 robes ? Il paraît que regarder le marié, c'est beaucoup plus beau et émouvant que de regarder la mariée. 

-C'était donc pour une raison ultra culcul. Ça ne m'étonne pas trop de toi en fait.

-Et si tu allais te faire foutre pour voir Brian Miller ? J'ai le droit d'être culcul le jour du mariage de mon père. Et tu ne me connais pas, je te permets pas de me juger. 

Elle me lâcha. Elle était.. mordante finalement. Peut-être pas si ennuyante que ça. Il faudrait creuser. Un sourire s'afficha sur mon visage et je l'attirai par les hanches pour une photo avec le photographe. Elle avait un sourire plaqué sur le visage. Mais je savais qu'on aurait l'air suffisamment beaux pour nos parents comme ça. Une fille blonde ultra canon s'approcha de nous. Sarah me la présenta du bout de la langue. Je lui fis un baise-main et la fille de mon.. beau-père soupira d'agacement. Un autre gars blond arriva. Il avait l'air gentil. Paul. C'était son nom apparemment. Il me serra la main. 

-Avoue, tu voulais faire opposition au mariage. Je l'ai vu à ta tête, me dit-il en guise de bonjour

-Ouais, j'avoue mais j'avais pas envie de me faire sucrer tout mon argent. Ou me faire mal voir par mon nouveau beau-père.

Il rit. On allait bien s'entendre lui et moi. D'ailleurs pendant le repas de mariage, on sympathisa tellement que lorsque je décidai d'aller faire un tour au bar, il me suivit. Il y avait aussi cette fille Sophie et la fille coincée de mon beau-père. Sophie passa derrière le bar avec moi et m'aida à faire un cocktail.

-Je propose qu'on porte un toast. À de nouvelles amitiés.

Je regardai Sarah droit dans les yeux. Putain elle avait de ces yeux.. ils étaient magnifiques. Même légèrement embrumés par l'alcool, mes yeux pouvaient le voir. Elle trinqua avec moi et bu une gorgée du cocktail et elle grimaça. Elle n'avait pas l'habitude de l'alcool parce qu'il était plutôt light en goût. Enfin à mon sens.

-Tu veux danser ? lui demandai-je soudainement. 

-Okay, murmura-t-elle. 

Je repassai par dessus le bar et je l'entrainai. Son chignon zéro défaut avait perdu de sa superbe et je trouvais que ça lui allait mieux personnellement. Elle avait l'air beaucoup plus fofolle. Elle bougeait au rythme de la musique. Elle avait les yeux fermés, elle se mordillait la lèvre. C'était assez sexy. Mais.. c'était la fille de mon beau-père et clairement, j'avais trop bu. Les petites bourgeoises coincées du cul, c'était pas mon genre, pas du tout mon genre. Elle ouvrit les yeux.

-Tu devrais inviter ma copine à danser. Elle s'ennuie. Je vais profiter de mon oncle.

Elle tourna les talons. Elle venait de me laisser en plan, moi, Brian Miller. Personne ne me laissait en plan. C'était quoi cette idiote encore ? Normalement, les filles faisaient tout pour que je leur prête attention mais là.. que dalle ? Elle n'en valait pas la peine, c'était ça le truc. C'était un boulet. J'invitais sa copine à danser, elle, elle était beaucoup plus ouverte et sympa. 

-Tu vas déménager chez les McAllister maintenant, si j'ai bien compris, me dit la blonde. On va se voir souvent alors, c'est ma deuxième famille. 

-J'espère bien qu'on se verra souvent.

Elle piqua un fard et tourna les yeux. Très très sexy. 

-J'imagine que tu iras dans notre lycée aussi. C'est l'un des meilleurs de la région. Tu seras peut-être perdu au début dans les bâtiments mais tu t'y feras rapidement et si tu as un souci, tu n'auras qu'à me demander. Ou à Paul.

-Vous avez l'air de bien vous connaître.

-Nos parents se connaissent bien. Si on peut dire ça comme ça. On est une petite communauté mais si tu es aussi charmant avec tout le monde, tu t'intègreras vite, pas de soucis.

J'allais lui répondre mais on nous interrompit. Ça devait être son père manifestement, il voulait danser avec elle. Je lui laissai et je m'approchai du fameux Paul. Il me raconta tout ce qu'il y avait à savoir sur tout le monde. Il avait l'air de connaître tout le monde. 

-Et honnêtement. Si tu veux être populaire, il faut que tu t'approches d'Alexandra Pilgrim. C'est une rousse, je te la montrerai un de ses quatre. Elle est ultra bandante. Et c'est la fille qu'il faut avoir dans sa poche pour être célèbre. C'est pas la fille la plus futée de la planète mais elle est gentille quand on la connait et elle est plutôt drôle. 

-Cheerleader ? demandai-je.

-Ouais. Et célibataire.. je sors avec sa meilleure amie. Je peux vous brancher quand vous voulez.

-Cool. 

Alexandra Pilgrim. Ce serait mon prochain défi. Ma mère s'approcha de moi et je lui présentai Paul. Mais elle voulait danser avec moi. 

-Tu es le premier véritable amour que j'ai eu dans ma vie Brian, me dit ma mère. Et je te remercie de m'avoir parlé. Tu m'as dit ce que je voulais entendre, ce que j'avais besoin d'entendre. Aussi, il me semble que c'est à mon tour de te dire ce que tu as besoin d'entendre. Tu es un gars bien. J'ai essayé de t'élever du mieux que je pouvais et je suis fière de voir que tu es devenu le garçon que je voulais que tu sois. Un jeune homme équilibré et intelligent. Peu importe ce qu'il s'est passé à San Francisco. C'est du passé et je voulais te dire que je n'en parlerai pas à John. Tu peux recommencer une nouvelle vie ici. Personne ne viendra t'embêter sur ça. 

-Je t'aime Maman.

-Moi aussi je t'aime.

Elle posa sa tête sur moi et je la fis virevolter. Il faisait chaud, il faisait beau, nous étions l'été, les étoiles brillaient au dessus de nous. C'était le plus beau jour de la vie de ma mère et j'étais heureux de partager ça avec elle. Parce que c'est tout ce que j'avais toujours voulu. Son bonheur complet, son bonheur absolu. Elle le méritait. Nous le méritions. Nous nous étions suffisamment battus. Nous aussi nous avions le droit à notre Happy End. Le photographe arriva et nous tournâmes la tête en même temps, capturant pour toujours ce moment de félicité parfaite. Je vis Sarah McAllister danser avec son père et je vis dans ses yeux qu'elle avait le même attachement pour son père que moi pour ma mère. Peut-être que nous n'étions pas si dissemblable après tout.