Chapitre 3 - part 1
Mon cœur s’arrêta de battre l'espace d'un instant et repartit d'un coup si violent que je pus l'entendre ! Mike poussa un cri : il venait de se pisser dessus. Je ne m'y connaissais pas bien en arme, mais j'optais pour un 9 mm, la seule référence que j'avais.
Jack adopta une autre technique ; après les menaces inutiles, il choisit d'être pacifique. Faussement décontracté, il fit un pas en avant, et resta attentif à la moindre opportunité. C'était le genre de personne à tenter de raisonner les suicidaires. Il prit soin d'articuler chaque mot, sachant que le moindre écart pouvait nous être fatal :
- Tania, on est copain, tu sais qu'on ne te veut aucun mal.
Cette phrase sous-entendait que nous avions le contrôle de la situation. Or, jusqu'à preuve du contraire, cette folle nous braquait et même à trois nous n'étions pas en mesure de négocier quoi que ce soit. Cet idiot venait peut-être de signer notre arrêt de mort.
La peur me décida à prendre la parole. Je parvins à articuler avec peine d'une voix sèche :
- Qu'est-ce que tu veux ?
Son regard me glaça jusqu'aux os :
- Tu essaies de gagner du temps, n'est-ce pas ? C'est inutile. Ici c'est moi qui établis les règles !
Et continuant avec un sourire sadique :
- Et je décide qu'il n'y a ni temps mort, ni pause, ni prisonnier. Pas de drapeau blanc où ils se verront tinter de rouge. Ah ah c'est joli ça, je me fais poète. C'est pour ne pas perdre de vue la raison de votre venue, vous vous souvenez : la course, les énigmes... Vous faites peur à voir ! Franchement je n'aimerais pas être à votre place.
Son rire cruel raisonna de nouveau. La peur au ventre, je poursuivais néanmoins :
- Tu ne m'as pas répondu...
Elle s’arrêta d'un coup et me fixa de son regard noir.
- On dirait que tu n'as pas compris...
Elle s'approcha de moi et visa ma tête avec le 9 millimètres. Incapable de pleurer ni d'uriner comme l'avait fait Mike plus tôt, j'évacuai l'eau par ma transpiration. J'étais littéralement trempé et de grosses gouttes perlaient le long de mon visage et me brouillaient la vue. Mes jambes flageolaient et j'essayais de ne pas m'effondrer sur place.
Tout alla alors très vite. Jack se plaça entre Tania et moi et dit :
- Ne lui fais rien ok ? Sa voix trahissait sa peur et ses mains tremblaient.
Elle s'en aperçut, car d'un air moqueur, elle lui répondit avec un air de défi :
- Sinon quoi ? Tu risquerais ta vie pour ce type que tu ne connais même pas ? C'est pas le moment de jouer les héros là ! Sauf si tu veux être un martyr. Dans ce cas ça peut s'arranger...
Et d'un geste sec et précis elle fit coulisser la culasse de l'arme, en prenant soin d'enlever la sécurité. Un lourd silence s'installa. Le temps semblait s'être arrêté ; les oiseaux qui égaillaient le début de la matinée ne chantaient plus. Ou bien je ne les entendais plus.
Je m'attendai à ce qu'elle parte de nouveau dans une crise de rire sadique, mais elle restait étrangement calme. Comme si elle attendait que Jack commette l'erreur ultime, la phrase de trop. Mais cette dernière ne vint pas.
Je n'osais pas me retourner pour voir comment allait Mike. Je ne l'entendais plus et l'idée qu'il se soit évanoui me rassura un peu. Au moins on n'aurait pas à le sauver. Il ne risquait rien s'il était inconscient ; Tania avait l'air de s'intéresser aux gens qui pouvaient lui répondre et lui résister. Comme les chats qui ne s'amusent plus lorsque leurs souris sont inanimées... ou mortes.
Cette pensée me glaça le sang. Je voulais vivre !
Cette journée n'avait été qu'une succession d'événements absurdes depuis qu'elle avait commencé ! Et quoi qu'il se passerait maintenant, rien ne serait jamais plus comme avant. Une rage folle me poussait à espérer. Il fallait gagner du temps ; on remarquerait sûrement notre absence et on finirait par aller à notre recherche. Du moins je l’espérais.
J'avais perdu toute notion du temps et ce qui se déroulait sous mes yeux avait l'air de se dérouler dans une autre dimension. J'avais l'horripilante sensation d'être à la fois acteur et spectateur. L'acteur avait ses sens en alerte et bouillait de l’intérieur. Le spectateur, lui, regardait la scène avec un détachement frisant le choquant. Avais-je donc si peu d'amour propre ? D'accord mon existence n'était pas exceptionnelle et le matin même je critiquais ma vie sociale, mais tout de même ! Je refusais l'idée de faire les gros titres du 20h avec un journaliste racontant d'une voix excitée le massacre de trois pauvres ados dans une rubrique glauque. Non ! C'était une fin ignoble et je ne pouvais l'accepter.
Tout mon être maintenant tentait de positiver, il le fallait ! Jamais je ne me serais cru capable d'espoir alors qu'on me menaçait d'une arme. Il faut dire que je n'avais jamais songé à me retrouver dans une telle situation même, dans mes pires cauchemars ! J'étais persuadé qu'on allait être sauvé. Que quelque chose allait se produire et que bientôt on nous sortirait de là.
Mais j'étais bien loin de la vérité...
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