Chapitre 5

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La panique me gagna de nouveau : où était-il bon sang ?

Même si je me contredisais, mon cœur ne pouvait plus envisager d'abandonner Mike. Je ne le connaissais que depuis ce matin, mais j'avais la conviction que nous étions liés. Nous terminerions la course ensemble !

Aussi, je me risquais à jeter un regard par-dessus mon épaule tout en continuant ma course effrénée. Je ne vis qu'un flou vert et marron - sûrement les pins alignés. Je renouvelais l'expérience une nouvelle fois en essayant de rester plus longtemps. Si ma vision s'était précisée, c'était pour m'apprendre que Mike n'était bel et bien plus derrière moi !

Estimant mon sprint arrivé de toute façon à échéance, je décidai, non sans peur, de m’arrêter. Je ralentis progressivement jusqu'à l’arrêt complet. Là, le souffle court, je revins en arrière. J'avançais prudemment, écoutant le moindre craquement.

Bizarrement, la pinède demeurait silencieuse ; aucun bruit suspect ne vint troubler le sous-bois. Mes sens aux aguets, je m'attendais à voir surgir Tania de n'importe où. Peut-être était-elle en train de m'épier comme sa proie... En soi, elle n'avait pas pu aller plus vite que moi sans que je m'en rende compte. Mais le fait qu'elle connaissait bien la pinède me désavantageait grandement.

Un frisson me parcourut tout le dos. J'essayais de calmer ma respiration, mais lorsque je fermais ma bouche et respirais par le nez, j'avais l'horrible sensation de suffoquer ; l'apport d'oxygène n'était pas assez suffisant. Par réflexe, j'ouvris la bouche et aspirais goulûment tout cet air que mes poumons en feu quémandaient avec impatience.

Je fouillais les environs du regard, scrutant les moindres recoins, mais Mike demeurait introuvable. Prenant exemple des thrillers, j'observais attentivement le sol dans l'espoir d'y trouver ses empreintes. Mais tout ce que je parvenais à voir c'était mes propres traces de baskets qui avaient tassé grossièrement les aiguilles fines des pins d'un brun plus clair. Je continuais néanmoins.

Revenant donc sur mes pas, je tombais sur Mike. Appuyé sur un tronc, il reprenait difficilement son souffle. Sa main tenait fébrilement sa jambe gauche.
M'approchant prudemment, je l'appelais à mi-voix pour ne pas l'effrayer. Aussitôt, il leva les yeux et je pus y lire son immense soulagement. Il avait dû croire que je ne reviendrais pas. Il allait parler mais il poussa un gémissement à la place. Soulevant un peu sa main il découvrit sa jambe ; son pantalon était troué et une auréole d'un bordeaux foncé s'agrandissait à vue d’œil. Quelque chose semblait en sortir. Je le questionnais du regard d'un air dégoûté que je ne pus réprimer :

  • Je suis tombé, dit-il haletant, et je me suis enfoncé un morceau de bois. Ça fait vraiment mal...
  • T'inquiète pas, on va se sortir de là !

J'essayais de paraître convaincant, mais n'y croyais pas du tout. Sa jambe avait besoin de soins rapidement et je n'étais pas médecin. Comprenant maintenant ce qui sortait de sa plaie, une forte envie de vomir s'emparait de moi. Ma tête tournait et je n'arrivais plus à penser correctement. Tout mon être m'ordonnait de fuir, car seul j'avais encore une chance.

Si je partais maintenant, j'arriverais peut-être à nous sauver. Si je parvenais à l'arrivée – qui ne devait plus être loin – j'alerterais les secours pour Mike. Il fallait juste qu'il se cache. Mais où ? Tel était le problème. Comme il s'agissait d'une pinède, les branches étaient trop hautes pour s'y dissimuler. Et de toute façon, Mike étant blessé, il n'aurait jamais pu grimper, même avec mon aide. Il ne restait que les fougères, qui marcottaient tout autour des troncs et recouvraient le sol humide...

Elles devaient bien faire cinquante centimètres tout au plus, assez pour se cacher à plat ventre dessous. Une chance que ces plantes ne fassent plus douze mètres comme à la préhistoire. Le temps me manquait ; mon cerveau quémandait avidement de l'eau et en grande quantité. La sueur avait achevé de déshydrater mon corps. Tous mes muscles me faisaient souffrir. Focalisé sur mes douleurs, mon cerveau ne parvenait plus à s’isoler comme il l'avait si bien fait tout à l'heure. Quelle faiblesse que les sensations par moment ! Je devais garder la tête froide !

Je me décidais enfin à regarder la plaie de plus près. Mike, de plus en plus pâle, parvint à attraper sa gourde qui traînait dans son petit sac à dos. Fouillant dans le mien j'en sortis deux mouchoirs que j’imbibais d'eau. Puis, je déchirais un pan de son pantalon au-dessus de sa cheville, pour éviter la partie qui avait traîné au sol. Ce n'était pas la peine de rajouter des risques supplémentaires à une infection. Après avoir essuyé sa jambe qui suintait, je versais un peu d'eau en prenant bien garde de ne pas la toucher avec le goulot, et le fit boire de manière à ce que le liquide stoppe provisoirement l’hémorragie. J'avais déjà vu ça dans un film. Je n'avais jamais cherché à savoir si s'était vrai : je ne suis pas du genre à extrapoler ce qui se passe au cinéma. Mais là, je regrettais amèrement d'avoir éteint la télé sans savoir si le mec avait réussi à s'en sortir. J’espérais de tout cœur que l'eau l'avait tiré d'affaire. Sauf que dans le film il était au bord d'un lac, moi je ne disposais que d'une gourde d'un demi-litre, à moitié vide. Et pour couronner le tout, je n'avais pas emmené la mienne.

Je demandais en chuchotant à Mike de serrer les dents en mordant mon paquet de mouchoir. Par chance le morceau de bois dépassait largement et je pouvais l'attraper fermement. Je lui fis compter jusqu'à trois mais je ne réussis pas à me décider à tirer avant pour l'extraire. S'il criait, nous étions perdus. Si le bâton se cassait pour x raisons, sa jambe serait sûrement perdue. Si je laissais le morceau de bois, l'hémorragie ne s’arrêterait pas et Mike serait perdu. Je me sentais désemparé. Que faire ? La peur me clouait littéralement sur place.

Il me regarda sans comprendre et avec beaucoup d'appréhension. Je ne pus empêcher mes larmes de couler. Ce qui m'étonna : je pensais vraiment avoir évacué toute l'eau de mon corps ! D'ailleurs c'étaient de ces larmes qui vous piquent les yeux comme lorsque l'on a déjà trop pleuré ou que l'on est très fatigué. Je me trouvais dans le deuxième cas.

Soudain, des craquements raisonnèrent dans le sous-bois. On s’arrêta de respirer comme pour mieux écouter. La voix de Tania s'éleva dans l'air, sortant de nulle part. Elle fredonnait d'une voix enjouée et se rapprochait lentement, mais inexorablement, vers nous.

Mike me serra le bras et me regarda effrayé. Je devais faire un choix. Et vite...

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