Je viens de me réveiller. Il devient rare que je me lève à huit heures le week-end, mais aujourd'hui je dois rejoindre les filles à la plage pour une action caritative à neuf heures et demie. Depuis six ans, chaque vingtième jour du mois d'Août, je participe avec les filles à cette action.
Papa vient de passer la tête dans entrebâillement de la porte et me demande : - Déjà debout chérie ? Je lui réponds l’affirmative en baillant : - Je dois rejoindre Clara, Julie et Justine à la plage dans une heure et demie.
- Pas aujourd'hui ! Dylan arrive dans quatre heures et la maison doit être impeccable, donc tout le monde s'y met !
  Je proteste.
- Pas de mais, renchérit-il. Au boulot !
  Je déteste quand il se comporte comme ça. On dirait que j'ai toujours cinq ans. Je sors de mon lit et appelle les filles pour leur annoncer que je ne pourrai pas être présente.
- Vous connaissez mes parents...
- On te racontera. Bisous puce !
  Vingt minutes plus tard, j'ai rejoint maman dans la cuisine. Elle s’affaire déjà à ranger les courses.
- Les voisins ont dû nous prendre pour des fous, je la taquine.
Elle répond en riant : - ça ne changerait pas trop de d'habitude !
- Oui c'est sûr. Que veux-tu que je fasse ?
- Si tu pouvais passer l'aspirateur, tu m'aiderais.
  Une heure plus tard, je redescends les cheveux mouillés de la douche que je viens de prendre. Je demande : - Il arrive quand ?
- Qui ?
  Je lui lance un regard noir. Elle a très bien compris de qui je parle, mais veut me forcer à dire son prénom. Chaque fois que "Dylan" devient le sujet de conversation, je boude ou m'enferme dans ma chambre. Dylan est l'une des fréquentations de Clara depuis qu'il est dans la ville, en repérage et en visite de son Institut de formation. Cela fait donc un mois que je le vois tous les jours lorsque je sors avec mes copines. Dylan a dix-neuf ans, comme mon frère Alexandre lui aussi parti pour ses études. Il rentre aujourd'hui et j’ai hâte. Il aurait dû rester en échange à Orléans et s'installer dans la famille de Dylan pour la fin des vacances mais il y a un contre-temps dont je n'ai pas connaissance. Dylan s’est incrusté dans nos vies et me dérange. Nous ne sommes pas amis, malgré les efforts de Clara. Je le trouve arrogant et qui plus est, un adolescent immature dont seul les filles l'intéressent.
- Dans deux heures, me répond-elle enfin.
  On toque à la porte. Je cours pour ouvrir.
- Alex !
  Il me me serre dans ses bras.
- Tu fais quoi de beau ? Demande-t-il à maman en l'embrassant.
- Je range la maison pour l'arrivée de Dylan.
Je le nargue, me sachant beaucoup plus prévoyante et organisée que lui : - T'avais oublié hein ?
- Non, pas du tout ! S'exclame-t-il déjà dans sa chambre.
  Plus tard, je le rejoins. Je le trouve un sac poubelle à la main, complètement décoiffé.
- Laisse ton sac poubelle, tu ne vas jamais t'en sortir. Va plutôt mettre tout le linge qui traîne à laver.
  Sur son lit il traine livres, stylos, mouchoirs et papiers de bonbons. Et puis un étrange carré de papier.
- Eh, qu'est-ce que c'est que ça ?
- Quoi ? Ah, ça. 'Chais pas.
  Il détourne les yeux et contemple son bureau, jonché de toutes sortes d’objets.
- Alexandre Patrique Morel, est-ce ce à quoi je pense ?
Amusé, il me provoque : - Tu penses à quoi ?
- C'est un préservatif ?
- Peut-être, répond-il.
  Je sors de sa chambre et vais en direction de la cuisine.
- Eh ! Tu n’as pas le droit de partir comme ça. Ce sont mes affaires, ma propriété. Tu ne vas quand même pas voir nos vieux ? Si, je n’y crois pas.
  Il me rappelle. Je sais bien que ce ne sont pas mes affaires et que je ne devrai pas m'en mêler, mais j'ai bien envie de l'embêter un peu.
- Tu m'en dois déjà une, tu n'imagines quand même pas que je vais te sauver la mise deux fois ?
- Pourquoi pas ?
Papa arrive en nous entends nous chamailler : - Que se passe-t-il ici ?
- Rien, ne t’inquiète pas. Querelles de retrouvailles.
- D’accord, mais dépêchez-vous, il ne reste qu’une heure et demie pour tout préparer.
  On repart sans mot dire. Il allume la radio, couverte de mouchoirs.
Je grogne : - Tu as deux dettes envers moi, on est d'accord ?
  Il acquiesce. Nous classons, rangeons et balayons pendant une heure encore. La radio annonce alors onze heures vingt.
- Je crois que nous avons fini.
  Nous constatons que tout brille et que la chambre a une légère odeur parfumée. Alexandre s'installe au piano et me fait une petite place à côté de lui.
- La lettre à Élise, me murmure-t-il.
- Emma ! Nous interrompe-t-on.
  Je me retourne pour faire face à Papa.
- Vous perdez votre temps ! La salle de bain est encore à nettoyer !
- Papa, nous venons de finir de ranger la chambre d'Alex.
  Il se stoppe dans ses gestes de stress et regarde tout autour de lui.
- Oh oui, excusez-moi.
- Ne t’inquiète pas, je le rassure en posant une main sur son épaule. On va aller nettoyer la salle de bain.
  Une fois que celle-ci est propre, nous nous dirigeons vers la chambre d'ami à l'étage, juste en face de la mienne. Elle comporte assez de mobilier pour se pour à la fois travailler et se reposer : les poufs et le canapé sont mon endroit préféré. Lorsque j’ouvre les fenêtres pour aérer la pièce, Alexandre me tire sur le canapé.
- Je repars dans deux jours, déclara-t-il. Tâche d'être sage avec papa et maman. Et avec lui aussi.
  Je lui lance un regarde noir et change de sujet de conversation.
- Il aime quoi ton copain ?
- Lequel ?
Je raille, énervée qu'ils fassent tous la même blague : - Selon toi ?
- D’accord, j’arrête mais pourquoi veux-tu savoir ça ?
- Je cherche comment améliorer la décoration pour qu’il se sente un peu à l’aise.
- Ton goût du détail me dépasse mais n’hésite pas à lui mettre des belles filles.
  Je hausse les sourcils puis laisse tomber.