Le Plan du Diable
Les cheveux en bataille et qui piquent. La lumière du soleil qui agresse les yeux ouverts qu'à moitié. Le café qui ne suffira pas à faire passer cette mauvaise gueule de bois. Et sur l'ordinateur, logiciel de traitement de texte ouvert, rien. Le blanc. Que du blanc et pas la moindre trace d'une esquisse de peut-être un début d'idée.
Le précédent roman de John n'avait pas trouvé preneur auprès des éditeurs. Trop long. Trop alambiqué. Trop bizarre. Pas vendeur. trop fouillis. Pas assez de sexe et pas assez de morts. Trop ... réel.
"Les gens ne feront pas la différence entre votre roman et la vie réelle. Aujourd'hui les gens veulent des romans courts, avec du sexe, de l'amour, des jeunes fous, du fantastique, de la science-fiction. Pourquoi n'essayeriez vous pas la science-fiction ?".
Alors John avait jeté tous ses manuscrits de son dernier roman à la poubelle. Il fallait ... autre chose. Une autre idée. Mais comment trouver une autre idée alors que l'on était certain que la précédente était bonne ? John avait perdu confiance en lui. Écrire sur une utopie ? Déjà vu mille fois. On va me reprocher mon manque d'originalité. Une histoire sur la machine à remonter le temps ? Les gens en ont assez d'en entendre parler, de cette machine. Au début, ça leur plaisait parce que ça les faisait rêver, mais à force le rêve s'est évanoui. Maintenant, ce qui leur plairait, c'est que la machine existe vraiment ! Non, il fallait trouver autre chose ... .
Comment se mettre en quête d'une nouvelle idée ? John avait donc décidé, cette nuit là, de se saouler. Une fois, son cousin lui avait dit que les substances telles que l'alcool et autres drogues permettaient d'ouvrir des portes du cerveau habituellement fermées. Des portes qui permettaient d'utiliser le cerveau de façon deux fois plus efficace qu'à la normale.
Whisky. Rhum arrangé. Liqueur de poire. John avait essayé un peu de tout et restait devant son ordinateur à attendre que ses doigts filent sur le clavier.
Mais rien.
Alors, le lendemain matin, John avait décidé de prendre son ordinateur portable et de se rendre à ce café situé en face de la gare et ce malgré la méchante gueule de bois. Il avait lu sur internet que certains écrivains célèbres n'écrivaient jamais ailleurs que dans un café, parce qu'observer les gens qui passaient aidait à trouver l'inspiration et à préciser la description de leurs personnages. Jusqu'à présent, John n'avait décrit ses héros qu'en réalisant une pâle copie de lui même. Homme brun aux cheveux mi-longs et toujours mal coiffés, les yeux marrons, souvent vêtu d'une chemise et d'une écharpe sobre. Un écrivain quoi !
D'ailleurs, ce matin, c'est exactement comme ça que John était habillé. C'était un écrivain après tout ! Mais ... un mauvais écrivain.
Nous voilà donc avec John, assis devant son ordinateur dans un café en face de la gare, un mardi matin ensoleillé d'avril. John se dit que la technique d'écrire dans un café n'est pas nécessairement mauvaise, mais qu'il faudra essayer de revenir un peu moins bourré. Il fera peut-être un essai cet après-midi. Ou demain au pire. Il faudra bien avancer car si les mots peuvent attendre, les factures, elles, ne le peuvent pas vraiment.
John ferme alors son ordinateur, paye son café en lâchant quelques pièces sur la table et s'apprête à partir, quand d'un coup, un homme visiblement pressé, sort de la gare, traverse la rue et semble foncer sur John. Ce dernier n'a pas vraiment le temps de réagir pour laisser le passage. Quelle gueule de bois il a ! L'homme pressé fonce pourtant sur John, comme s'il était déterminé à le renverser. Mais en arrivant vers lui, l'homme ralentit légèrement, juste assez pour laisser tomber sur la table un objet, avant de repartir en furie. John regarde cet objet et le prend dans ses mains. Une clé.
Le regard de John se pose alors sur l'homme qui semble toujours prendre la fuite. Pourtant, celui ci s'arrête, se retourne, et lance à John : "Pas le temps de t'expliquer. Je compte sur toi !". L'homme se retourne et reprend alors sa course folle.
John regarde la clé, incrédule. Il ne comprend rien.
"Ça mon garçon, c'est une clé de casier de la gare. Il doit y avoir un numéro dessus. On peut louer ces casiers pour y déposer un peu ce qu'on veut. Souvent, ce sont les gens qui ont de longs transits qui les louent pour ne pas avoir à porter leurs bagages de partout."
John relève la tête pour voir qui lui adresse la parole. Un vieillard qui doit surement prendre son verre de vin blanc tous les matins ici. John remarque que ses dents sont étrangement pointues.
Que faire ? Prévenir la police ? Quel dommage ! John décide d'aller ouvrir le casier dans la gare. Une fois le casier 666 trouvé, il reste devant et reste planté là, un peu tremblant.
Il insère finalement la petite clé dans la serrure et tourne. À l'intérieur, des feuilles de papier. Tout un manuscrit en fait. John rentre chez lui et lit.
Magnifique. Sublime. John a passé la journée entière à lire sans s'arrêter, comme ensorcelé. Et à la fin du texte, une signature de l'oeuvre. John Fitzerald. Comment cela est-il seulement possible ?
John retourne le manuscrit. Un message.
"Tu peux choisir de jeter le manuscrit et de m'oublier. Tu auras ta conscience tranquille, mais pas d'histoire à raconter. Ou tu peux choisir de le publier. Tu seras riche. Tu gagneras tous les prix littéraires. Mais ... tu seras à moi."
Le téléphone sonne. Le propriétaire de l'appartement qui râle. Il faut payer le loyer. C'est drôle comme la succession des évènements influencent directement nos esprits. John rassure madame Rodfrey, le loyer sera payé rapidement. John dort mal, mais il est décidé.
Mercredi. John se lève. Il emmène directement le manuscrit à l'éditeur.
Jeudi. John sera édité.
Deux mois plus tard. John est millionnaire.
Deux mois et un jour plus tard, quelqu'un frappe à la porte de la nouvelle maison de John.
"Bonjour John. Tu ne me connais pas mais moi je te connais très bien. Je suis l'écrivain et j'apparais moi même dans 1000 histoires."
Oh que si, John sait qui est cet homme. Le vieillard du café. Et il sait qu'il devra payer sa dette. Sa dette envers le diable.
"Tu es à moi maintenant John. Pour commencer, tu vas donner la clé du casier 666 à Donovan Climper, un architecte qui a besoin d'aide pour remonter la pente. Fais vite. Il ne devra pas avoir le temps de bien te voir. Demain matin, au café de la gare."
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