Chapitre XXXXIV
« Le Saint Empire perdurera et régnera sur le monde car la Providence l’assiste et l’assistera toujours de ses miracles ; voilà l’argument de foi. Le Saint Empire perdurera et régnera sur le monde car la compétence et la dévotion de millions d’âmes sont mises au service d’un seul homme : notre très sage Empereur ; voilà l’argument de raison. Enfin le Saint Empire perdurera et régnera sur le monde car nul homme ne peut résister à l’attrait exercé par sa magnificence, sa beauté et la justice qui y règne ; voilà l’argument de cœur. »
Sermon de l’archiprêtre Garkush, année 31 du calendrier impérial.
L’attente qu’avait dû endurer Falia avait valu le coût car, si elle s’était révélée longue, il ne se passait désormais jamais plus de deux jours sans qu’elle puisse voire son amie Ashmalla. Les cours de magie qu’elle lui donnait renforçait leurs liens et naquit de ces derniers une complicité propre aux jeunes enfants. Un mot les faisait rire de concert sans qui ni le chambellan ni l’Empereur n’en saisisse la raison. Quand elles ne s’exerçaient pas au maniement des pierres de vie elles couraient sans cesse à travers le dédale du palais et avaient même fini par découvrir des endroits connus d’elles seules. Faire tourner Tando en bourrique était un de leur passe-temps favori mais il ne leur en tenait jamais rigueur très longtemps. Il semblait apprécier Falia et l’influence qu’elle avait sur sa protégée. Leurs escapades les rapprochaient toujours plus et leur amitié, loin de s’user, se renforçait jour après jour. Elle était à l’image des talents de la princesse pour les arts ésotériques.
La jeune Fitale se rappelait, lorsqu’elle lui enseignait son art, la première fois qu’elle avait touché une pierre de vie. Dans son orphelinat un Akshus était apparu et avait donné un caillou aux enfants pour qu’ils s’amusent. Ses souvenirs étaient vagues, elle ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans à l’époque. Toujours est-il que ses amis d’alors s’amusaient à la faire rouler, à se la lancer ou encore à taper dessus. Pour les démunis qu’ils étaient cette pierre rougeâtre avait des aires de trésors et la jeune enfant dû batailler pour parvenir à poser ses mains dessus. Autant le reste était flou, autant cet instant-ci resterait à jamais gravé dans sa mémoire. La roche se mit à luire au contact de ses mains et de petites flammèches finirent même par apparaître. Aussitôt ses petits camarades s’éloignèrent et la prêtresse qui s’occupait d’eux se jeta sur l’enfant pour l’éloigner de la pierre. Une dispute éclata entre cette dernière et l’Akshus puis, après de longues tractations et sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi, ce dernier l’emmena avec elle. Ce n’est que plus tard qu’elle apprit que sa première interaction avec un pierre de vie dénotait d’un talent rare, que son maître avait absolument tenu à s’approprier. La princesse n’était pas aussi douée, loin s’en fallait. Elle compensait cependant son absence de don par un travail acharné et motivé par l’envi d’impressionner son professeur. De temps en temps elle se décourageait quand, après presque deux mois, elle ne parvenait toujours pas à faire luire la pierre, mais Falia parvenait toujours à la remotiver. Elle ne s’en rendait pas compte mais elle progressait. Malgré cela Ashmalla finissait presque par regretter d’avoir souhaité maîtriser la magie. Son usage était indubitablement plus grisant que son apprentissage. Elle qui s’imaginait déjà faire apparaître des animaux par dizaines se contentait, des heures durant, d’imaginer les yeux fermés une forme ou une couleur. Lorsqu’enfin elle était autorisée à mettre le doigt sur une pierre de vie rien ne se passait. Voir tant d’efforts si peu récompensé la frustrait au plus haut point. Cependant Falia, par ses sourires et ses encouragements parvenait toujours à la remobiliser. Difficile de dire si elle était bonne pédagogue mais elle était assurément une excellente amie. Ashmalla était heureuse à ses côtés et cela rejaillissait sur ses parents et même son petit frère encore au berceau semblait apprécier l’invitée.
Pourtant ces instants idylliques furent bousculés par l’histoire en marche. Tandis qu’elle dînait avec la famille impériale un héraut fit irruption dans la salle à manger :
« Sire… J’ai une terrible nouvelle ! »
L’Empereur leva les yeux et, lorsqu’il vit la frayeur dans les yeux du messager et, pire encore, l’inquiétude dans les yeux de son chambellan, lui d’ordinaire toujours si calme ; il se pétrifia sur place. Quel désastre s’était encore abattu sur son peuple ? Tando fit signe au Ganash qu’il pouvait délivrer les informations qu’il détenait.
« - Il y a deux semaines… non loin du petit village d’Oulto, les armées sous les ordres du connétable… ont été annihilées. Les réchappés se comptent sur les doigts d’une main. Demain le peuple de Madélion sera au courant de la nouvelle…
- Comment cela ? tonna le souverain.
- Nous n’avons pas d’autres informations pour l’instant mais il semble que tous les hommes, de l’humble soldat jusqu’au connétable lui-même, du simple milicien au garde impériale, aient été tués ou capturés.
- Sire, intervint le chambellan, gardez votre sang froid.
- Il suffit ! Je suis l’Empereur, je ne peux pas rester les bras croisés après pareille défaite !
- C’est pourtant la meilleure chose à faire. Laissez vos conseillers se charger de cela. Je comprends ce que vous ressentez mais, croyez-moi, votre intervention ne ferait que rendre les choses plus difficiles.
- Il s’agit de mon peuple !
- Tous les hommes sont votre peuple, qu’importe s’ils sont vos sujets ou non ! Vous appartenez à la dynastie destinée à unifier le genre humain. Ceux qui ont défait nos troupes sont autant vos enfants que ceux qui sont morts ! Un jour tous seront unis sous votre coupe ou celle de vos héritiers. En aucun cas vous ne devez prendre parti dans ces querelles. Priez pour le salut des morts, priez pour la conversion des vivants mais n’oubliez jamais que tout humain est votre fils, du meurtrier au prêtre. Ne laissez pas votre cœur obscurcir votre raison. Vous êtes l’Empereur, vous avez des devoirs envers le genre humain et le Saint Empire n’est que l’outil vous permettant de les remplir. Ne confondez pas moyen et fin. Occupez-vous de l’humanité dans son ensemble et laissez la gestion de l’Empire à ceux dont c’est le rôle. Rappelez-moi votre titre complet je vous prie.
- Saint Souverain du Saint Empire, protecteur de la foi et guide du genre humain…
- En effet. Vous régnez sur l’Empire mais vous êtes avant tout le garant de notre foi qui met sur un même pied tous les hommes, qu’ils soient soumis à votre autorité ou non. »
Le ton était posé mais ferme et l’Empereur finit par se ranger aux arguments formulés par son intendant, même si l’on devinait toute sa détresse. Un homme ordinaire se serait senti offensé et humilié de recevoir ainsi une leçon devant autrui cependant rien de tel ne naquit en son âme. Son cœur était bon et dépourvu d’orgueil. La seule chose qui l’attristait était son impuissance à empêcher les hommes de s’entretuer, qui plus est en son nom. Falia finissait par être habituée à cela ; cet homme, sans doute le plus grand et le plus puissant de tous, était d’une simplicité et d’une humilité telle qu’il laissait un simple serviteur lui rappeler ses devoirs et, comme Tando avait toujours raison, jamais il ne protestait. Il n’avait rien à voir avec les consuls et autres intrigants du palais voisin. Le reste du repas se passa en silence. A la fin du souper, à sa grande surprise, la jeune Fitale fut, pour la première fois, invitée à prier avec eux pour le salut de tous ceux qui étaient morts. Elle ne put pas refuser. Elle les suivit donc jusqu’au plus humble des temples, cachés dans une des innombrables ailes du palais. Elle découvrit alors la ferveur de cette famille qui, deux heures durant, les genoux à même la pierre, sans une plainte ni jamais lever les yeux, se recueillit devant le S gravé au mur ; espérant que leurs supplications intérieures aideraient de quelque façon que ce soir les morts à passer l’éternité en paix. Elle essaya d’imiter ces hôtes, mais ce n’était que de façade car sa ferveur s’amenuisait au fur et à mesure que la douleur et l’ennui s’emparait d’elle tandis qu’elles renforçaient la foi et la dévotion des pieux à ses côtés. Même le plus athée des hommes n’aurait pas pu rester indifférent devant un tel spectacle. Une larme se mit à couler sur les joues de la jeune fille tandis qu’elle les regardait endurer ces peines non seulement pour leurs dévoués sujets mais également pour l’humanité entière. Définitivement ceux-là méritaient de régner sur le monde.
L’histoire n’allait pas cesser pour autant. L’annonce de la défaite avait embrasée la ville et le peuple criait vengeance. Le responsable de ce désastre était tout trouvé en la personne du premier consul Prario Talmin. Tous les jours les madéliens se réunissaient pour l’injurier. Ses manigances et sa progéniture avaient mené l’Empire au bord de la ruine. Sortir du palais consulaire sans escorte était devenu incroyablement risqué tant le maître des lieux était haï. Celui qui hier encore était adulé avait sombré au rang de paria en une défaite. La population était agitée et les rumeurs enflaient. La ville était en effervescence et les nouvelles de la province n’étaient pas plus rassurantes. Le simple bruit qu’un grisâtre avait été aperçu faisait se dépeupler des citées. Des lynchages s’opéraient à l’encontre de soi-disant traîtres et dès qu’une race se retrouvait majoritaire dans un lieu donné il lui prenait des envies de persécution à l’encontre des autres. Le désordre régnait, la sédition menaçait et la puissante nation qui s’était patiemment construite deux siècles durant semblait au bord de l’implosion.
Falia était inquiète. Elle craignait de sortir du palais. La foule était ivre de vengeance et même la garde consulaire peinait à maintenir l’ordre. Granik était sans cesse épuisé et encore plus irritable que cet hiver. Le temps des flâneries était révolu et il lui fallait maintenant assumer l’uniforme qu’il portait. A cause de ce siège qui ne disait pas son nom au cœur même de Madélion, Anrash avait également été contraint de cesser ses sorties en ville. Les crachats étaient le mieux qu’un résident de ces lieux pouvait espérer en mettant un pied dehors et, sans une escorte adéquate, qu’on refusait évidemment aux saltimbanques, le risque d’être blessé ou même lynché par la foule était loin d’être négligeable. Pendant ce temps, le premier consul demeurait enfermé dans ses appartements, travaillant d’arrache-pied à sauver ce qui pouvait l’être depuis son cabinet. Cependant la mort de son fils, son discrédit auprès de la population et son évidente perte de prestige l’affectait, sans que quiconque soit en état de hiérarchiser la place de ces tracas dans son cœur. La quantité de travail effectuée ne compensait nullement sa baisse de qualité. Les subtiles mais efficaces manœuvres d’antan avaient été remplacées par des invectives et des incantations sans effet. Devant les calamités qui s’étaient abattues sur lui, l’homme le plus puissant de l’Empire s’était effondré et camouflait sa détresse et son impuissance dans un simulacre d’activité incessante à l’utilité nulle.
C’est dans ce triste désordre, duquel n’émergeait que la médiocrité et l’abattement, que les portes de la capitale s’ouvrirent pour la première fois depuis presqu’un an. Perchée sur un rempart d’une centaine de pieds de hauteur Falia fut interpelée par les clameurs jaillissant depuis les murs de la cité. Elle se pencha et même son maître fut incapable de contenir sa curiosité. Elle plissa ses yeux verts et vit au loin des bannières entrer dans la ville et s’avancer sur l’avenue de la foi. Partout où elles émergeaient le vacarme s’intensifiait. Les habitants passaient la tête par la fenêtre, ceux du palais accourraient sur les murs et les enfants grimpaient dans les arbres. Les étendards, eux, avançaient à un rythme régulier sans se laisser distraire. Soudain Anrash s’écria :
« - Le connétable !
- Firmarin ? demanda son élève.
- Non, le vrai ! »
Ces mots agirent sur elle comme un révélateur et elle parvint enfin à distinguer ceux qui marchaient sous les drapeaux : une armée de Rachnirs en uniforme défilait au milieu des acclamations. Tous les officiers qui avaient déserté s’étaient rassemblés autour de leur chef et l’accompagnaient dans cette démonstration de force à laquelle nul ne s’opposait. Rakarth était de retour et il marchait sur la demeure de celui qui l’avait évincé. Sur son blanc destrier le chef retrouvé n’accordait pas un regard à cette foule qui le révérait ; il avait les yeux braqués sur son objectif : le palais consulaire. Lorsque lui et ses hommes arrivèrent au bas des marches un vent de panique souffla sur la garde consulaire, sous équipée et en sous ombre. Il ne fallut que quelques brèves paroles du Rachnir pour qu’ils déposent les armes sans coup férir. Frapper sur des civils désarmés était plus aisé que de s’en prendre à la fine fleur de l’armée.
Aux côtés de Falia on hurlait à la trahison avant de courir à l’intérieur. La Fitale les imita, inquiète et pourtant curieuse de ce qui allait se passer. Anrash lui attrapa aussitôt le bras et s’écria :
« Va te cacher ! On ne sait pas ce qui peut arriver mais ce genre d’évènement peut vite dégénérer. L’envie d’en découdre des Rachnirs peut vite se transformer en un effroyable carnage. Lorsque la folie s’empare des hommes nul n’est à l’abri, ni les femmes et encore moins les enfants. »
Falia lut la terreur dans son regard, non pas vis-à-vis de sa propre vie mais bien de la sienne.
« - Et vous ?
- Ne discute pas ! hurla-t-il tandis qu’on entendait les premiers affrontements ou plutôt les premiers meurtres. »
Partout consuls et ministres courraient. Certains rallumaient la cheminée pour y brûler des documents par paquets entiers. D’autre se réfugiaient dans leurs appartements et s’y enfermaient à double tour. Les moins couards attendaient gommant difficilement les traces de peur sur leur visage.
Falia ne se joignit pas à eux et déguerpit tandis qu’Anrash sortit une pierre de vie et s’en alla de l’autre côté. En contrebas on voyait des Rachnirs étriper à tout va en hurlant des « Raclure ! » « Mort aux traîtres ! » ou encore « A bas les ennemis de l’Empire ! ». Lorsque les militaires parvinrent aux étages supérieurs ils ne prirent même plus la peine de salir leurs armes, ils balançaient ceux qu’ils trouvaient par-dessus la rambarde. Falia était terrifiée d’autant plus que les seuls qu’ils épargnaient était semble-t-il les autres Rachnirs et les gardes consulaires, pour peu que ceux-ci se gardent d’accomplir leur devoir. Les officiers enfonçaient les portes et sortaient femmes et enfant. Ici ils les faisaient vite rentrer sans rien leur infliger. Là-bas ils les tuaient après leur avoir fait subir bien pire. Aucune résistance ne s’opposait au courroux des nouveaux maître des lieux et ils en profitaient bien. De temps en temp un consul chanceux ne se prenait qu’un coup de pommeau qui le laissait inconscient. La montée des innombrables marches semblait cependant amoindrir leur ardeur au carnage. Ou alors étaient-il satisfaits de ce qu’ils avaient déjà commis. De plus en plus de prisonniers étaient faits. Sans doute s’étaient-ils permis d’exécuter les sous fifres des bas étages et tenaient-ils à conserver en vie, pour un temps au moins, les notables perchés là-haut. Falia avait eu de la chance d’être ainsi montée au créneau sans quoi elle serait probablement morte avec tous les autres en contrebas.
Elle finit par se réfugier dans un creux de l’escalier du dernier étage que l’ombre protégeait des regards. Les soldats passèrent devant elle au pas de course sans même la soupçonner. C’est qu’ils avaient un autre but : les appartements du premier consul. Elle les entendit cogner contre la lourde porte en bois puis l’enfoncer. Quelques instants après les mêmes qui venaient de passer devant elle trainaient le cadavre d’un homme aux poignets lacérés. « Quel enfoiré ! Même pas la décence d’assumer ses saloperies ! » lança l’un des officiers qui portaient la dépouille. Il n’y avait désormais plus de premier consul.
Petit à petit le calme s’installa dans le palais, désormais patrouillé ici et là par quelques Rachnirs, plus occupés à boire et à rire qu’à massacrer. Falia osa finalement sortir de sa cachette et descendit en prenant soin d’éviter les soldats, de toute façon peu attentifs. Elle se dirigea vers la sortie de service réservée aux serviteurs. Celle-là même qu’elle empruntait à chaque fois qu’elle allait rendre visite à la princesse. Peut-être les Rachnirs ignoraient-ils son existence se dit-elle. Sur le chemin son estomac n’en pouvait plus de se retourner. Partout des cadavres toujours plus nombreux au fur et à mesure qu’elle descendait les étages. Soudain son cœur s’arrêta net. Balia gisait là devant elle, la gorge tranchée, la souffrance à jamais inscrite sur son visage. Pourquoi l’avait-on tué ? Qu’est ce qui justifiait pareil crime ? C’était un médecin ! Elle sauvait des vies et on l’avait égorgé comme on l’aurait fait d’un cochon. Elle ne parvenait même pas à lui fermer les yeux. Elle pleura et couru vers la sortie, d’autant plus vite qu’une patrouille se faisait entendre. Elle maudit tous ces Rachnirs. Ces monstres sans foi ni loi tuant indistinctement ennemis et gens de passage. A chaque couloir elle craignait de voir un autre corps qu’elle connaissait. Plus que tout elle se demandait ou était son maître mais, étrangement, elle ne s’inquiétait pas pour lui. Elle savait qu’il avait de la ressource et elle l’aurait de toute façon croisé plus haut. Elle déboucha finalement hors de la pyramide. Pour se retrouver nez à nez avec deux Rachnirs aux pics acérés, à la peau rouge carmin et aux yeux de démons. Des monstres sanguinaires dans la peau d’hommes. Ils la dévisagèrent :
« Qu’est-ce que tu fais là toi ? Tu es qui ? »
Falia était terrifiée. Les images de tous les corps qu’elle avait croisés se rappelèrent à elle et la rendirent incapable répondre quoi que ce soit.
« - C’est peut-être l’enfant d’un consul.
- Tu connais un consul Fitale toi ? Regarde sa gueule ! Au mieux ça doit être une domestique.
- De toute façon personne ne sort, toi tu viens avec nous !
- Vous n’en ferai rien ! raisonna une voix venant des tréfonds de la pyramide.
- Tu vas faire quoi l’Akshus ? D’ailleurs toi aussi tu vas nous suivre ! »
Soudain les deux hommes réalisèrent qu’il tenait une pierre de vie dans sa main droite et mirent la main au pommeau.
« - Fais pas l’imbécile et pose ça !
- laisse, il bluffe, il n’y a pas de mage de bataille dans ce palais. Ça doit être un guérisseur ou un télépathe ou je ne sais quoi d’autre d’inoffensif.
- Mince, t’as raison ! Il va quand même payer pour nous avoir menacé ! »
A ces mots ils s’avancèrent lorsque soudain l’un d’eux sentit quelque chose sur son ventre. Il souleva rapidement sa cotte de maille et vit un appendice en forme de tentacule lui pousser au niveau du nombril. Elle se glissa alors dans son pantalon le faisant s’écrouler de terreur.
« Qu’est-ce que tu as fait ? » Tonna son compère tandis qu’il réalisa que des dizaines d’araignées de la taille d’une main arpentait son bras et remontait jusqu’à sa tête. Il s’effondra aussitôt et se débattit pour les faire s’en aller. L’Akshus accouru alors, attrapa la Fitale et s’enfonça dans la cité. Falia sortit petit à petit de son apathie et, rassurée par la présence de son maître, se permit même de sourire.
« - Et bien, c’était du grand art. Si vous pouviez reprendre votre vrai visage je serais encore plus rassurée.
- En effet, c’est qu’il ne faudrait pas qu’on me reconnaisse après mes petits tours de passe-passe.
- Vous ne savez donc pas faire apparaître que des petits oiseaux, ricana-t-elle. »
Cette plaisanterie était la preuve indiscutable qu’elle allait bien aussi Anrash se contenta-t-il de lui sourire. Il la garda néanmoins dans ses bras. La jeune enfant avait été bien éprouvée et si son visage s’était éclairci il n’était pas certain que ses jambes soient en état de la supporter.
Pour éviter toute poursuite, les deux magiciens se mêlèrent à la foule agglutinée devant le palais. Des prisonniers étaient enchainés et hués tandis que, depuis le haut des marches, le connétable, en grande tenue d’apparat, jaugeait son publique en vue du discours qu’il s’apprêtait à tenir. Lorsqu’il estima que la population était suffisamment mûre et silencieuse pour le recevoir il s’écria :
« Peuple de Madélion, peuple de l’Empire ! Aujourd’hui le traître qui avait usurpé notre pays est mort ! »
Des acclamations s’élevèrent au point que les tympans d’Anrash et Falia furent mis à rude épreuve. Lorsque la clameur retomba Rakarth reprit.
« Vous connaissez la situation du Saint Empire. En notre cœur le grismal se répand. A l’est des hordes de barbares nous envahissent. A l’ouest nos ennemis d’hier menacent de reprendre les armes. Comme si cela ne suffisait pas le blé commence à manquer. Voilà le triste bilan de l’infâme traître et de sa clique qui nous ont gouverné ces dernières années. L’Empire est au plus bas mais, je vous le dis, l’heure n’est pas encore au désespoir ! Devant vous je jure en ce jour en cette heure que le Saint Empire sera sauvé ! »
Un nouveau tonnerre d’applaudissements embrasa la foule.
« - Au nom de l’Empereur j’endosserai désormais le rôle premier consul en plus de celui de connétable pour sauver notre glorieuse nation ! Ma détermination sera sans faille et rien ne me fera reculer ! Les querelles et les mesquineries internes sont désormais du passé ! Tous nos efforts doivent être dirigés dans un seul but : le salut du Saint Empire ! Quiconque s’y opposera sera châtié ! Je déclare dès maintenant la loi martiale sur tout le territoire ! Les généraux remplaceront les consuls ! Toutes les divisions territoriales seront levées ! L’armée réquisitionnera tous les stocks de nourriture ainsi que tous les stocks d’armes ! D’ici la fin de l’année nous aurons un demi-million d’hommes sous les drapeaux ! Nous repousserons les hordes venues de l’est. Si Amadre ou même Ingolia veulent s’en prendre à nous : qu’ils essayent ! Tout pour la guerre !
- Tout pour la guerre ! hurla la foule comme transcendée.
- La providence nous assistera dans notre divine mission mais son soutien se mérite ! Il n’y aura plus la moindre tolérance pour les hérétiques et les ennemis de l’Empire. Notre défaite est autant le symptôme de la trahison que du péché. Défendre la foi c’est défendre l’Empire ! Défendre l’Empire c’est défendre l’humanité ! Quiconque est hors de l’Eglise est donc hors de l’Empire et quiconque est hors de l’Empire est donc hors de l’humanité ! Et pour que vive l’humanité ?
- Vive l’Empire ! s’égosilla la foule déchainée. »
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