En fait, tu t'es trompé, Dominique.

Ce n'est pas moi que tu aurais dû aller voir. Je sais que la curiosité t'a certainement poussé à vouloir me rencontrer.

Mais en fait, c'est à Maman que tu devrais parler.

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La dernière fois que je l'ai vue, Camille avait l'air apaisé. Je lui ai demandé pourquoi ce changement. Elle a rencontré le frère de Noë. Ils se sont parlés. Je crois qu'ils en avaient besoin.

Après tout, ce sont eux qui restent.

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C'est parfois douloureux de vivre en permanence avec la mort. Je ne sais pas comment je fais pour le supporter. Je sens bien que ça me coupe des autres, des vivants. De ceux qui en valent encore la peine, ceux avec qui on est censés vivre.

À quoi ça rime, cette singularité ?

Le monde a-t-il vraiment besoin de gens comme moi ?

Suis-je là pour sauver les morts de ce qu'ils sont ou pour consoler les vivants ?

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Je suis allée faire un tour en ville après le lycée. Je suis retournée à l'endroit où Dominique est venu me voir pour la première fois.

C'était au jardin public. Dans un coin isolé, ombragé en permanence, un lieu où je me sens bien. Calme et constant.

Le jour comme les feuilles étaient aux couleurs chaudes et délicates de l'automne.

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Au crépuscule, il est arrivé. Sa silhouette brumeuse se détachait à peine dans la nuit naissante. Il s'est avancé doucement, comme s'il avait peur de moi.

Quand il fut assez proche, je le lui ai dit.

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« Je sais qui tu es. Ce que je ne sais pas, c'est pourquoi tu es revenu pour moi. »

Il m'a regardée longuement, tristement, comme un magicien dont on a réussi à percer le secret. Il a attendu quelques secondes avant de me répondre.

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« J'ai bien conscience que rien de ce que je pourrai dire ou faire n'effacera quoi que ce soit. Je voulais juste... connaître la personne que tu es.

• Pourquoi ? Je suis qui, moi, pour toi ? Je suis à peine vivante, je n'existe pas. »

Il s'est tu.

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« Il y a une quelqu'un pour qui tu as été important, Dominique. Quelqu'un qui ne t'attend plus. Auprès de qui tu as, peut-être, une chance de te faire pardonner. Tu t'es juste... trompé de personne. Je suis désolée. »

Je le sens se liquéfier devant moi, petit ectoplasme perdu dans le réel, sans espoir et sans but.

À cet instant, j'ai du mal à nommer ce que je ressens.

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« J'ai une dernière question. Comment es-tu mort ? »

Curiosité morbide du monstre de foire que je suis.

Pas de réponse.

Il m'a longuement regardée, comme s'il soupesait ma santé mentale. J'étais enfin devenue ce que je n'avais jamais cessé d'être : une petite chose un peu folle.

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« Anaïs... Je... je comprends que tu m'en veuilles. Mais...

• J'ai envie de savoir.
• Je ne suis pas mort, Anaïs. »

Tout d'un coup, Dominique prit une consistance qu'il n'avait pas eue jusqu'alors. Sa forme éthérée céda à la réalité des corps, se chargea de matière et d'émotions.

Il se mit à pleurer.

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J'ai passé quelques minutes à regarder la nuit tomber, et je suis partie.

Je crois que j'ai traversé une frontière. À force de ne voir qu'eux...

Mais Dominique est bien vivant, lui. Enfin... pour le reste du monde, en tout cas.

À mes yeux, c'est une autre histoire.

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Il travaille dans un bureau. Il est comptable. Il habite dans une petite ville voisine et m'a retrouvée par les réseaux sociaux.

Un jour où il a eu plus de courage qu'un autre, il m'a suivie du lycée jusqu'au parc et a engagé la conversation. Simplement.

Et je n'ai jamais trouvé ça bizarre.

On accepte beaucoup trop l'étrangeté des morts...

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Quand j'ai poussé la porte de la maison, j'ai entendu une voix.

Celle de Maman. Elle était au téléphone.

Est-ce que c'était une bonne chose ?

Est-ce que j'ai bien fait de lui donner son numéro ?