Chapitre 4

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Comme convenu, la rencontre avec le comte de Bigorre se fit en toute discrétion, en territoire neutre, au confluent du Néez et du Gave, au lieu-dit de la Poumià, à la naissance encaissée de la vallée de Castelloubon. Arrivé avant l’aube, Loup patientait en méditant, les yeux fermés, l’esprit concentré sur l’eau bouillonnante qui se jetait de pierres en pierres avec l’irrégularité et la fougue d’un jeune torrent. L’entendre fit ressurgir ses souvenirs d’enfance lorsqu’il longeait le Néez, en route vers le château comtal de Lourdes. Il y avait rencontré à plusieurs reprises celui qui deviendrait le comte, sans pour autant se faire remarquer de lui. Il savait déjà, à l’époque, rester à sa place, en retrait, dans les rangs des petits vassaux du seigneur. Il entendit l’équipage arriver de loin, sans la moindre discrétion, le martèlement puissant des chevaux sur la route rocailleuse annonçant à tous que le maître des lieux parcourait son domaine. En tenue de chasse, le comte était difficilement reconnaissable au milieu des autres chevaliers. Loup se releva, lentement, croisant les mains sur le devant, et s’inclinant légèrement quand deux cavaliers qui avaient mis pied à terre s’approchèrent. Loup ne reconnut pas le visage du garçon devenu homme. Le comte l’observa longuement, s’attardant sur le blason qui couvrait le bouclier accroché au cheval, et sur la bague qui ornait la main gauche de Loup, celle du cœur et donc de la fidélité.

— Vous portez l’insigne du comte de Toulouse. Ainsi, vous êtes son envoyé. Un homme, seul, pour venir à bout d’une enquête sur laquelle mes clercs les plus intelligents se sont cassé les dents ? C’est bien présomptueux, non ?

— Monseigneur, je ne suis qu’un humble serviteur du comte de Toulouse et ne saurais, en aucun cas, me prévaloir de savoir ce qui est, ou n’est pas présomptueux à ses yeux ou aux vôtres. Si vous jugez ma venue inconvenante, je partirai dans l’heure.

— Le fin diplomate que voilà ! Écoutez chevalier, vous avez carte blanche pour résoudre ce qui se passe dans la vallée derrière vous. Je ne veux pas vous voir traîner à la cour, c’est entendu ? La prochaine fois que vous viendrez me voir, c’est pour me dire que vous avez résolu l’affaire. Je ne tiens pas à ce que l’on sache que le comte de Toulouse m’apporte son aide.

— Je vous entends, Monseigneur. Il existe une petite grotte, non loin d’ici, juste là, à l’angle. Je vais l’aménager pour y résider le temps de mon enquête. Envoyez-moi ce chevalier, une fois par semaine, le samedi au soleil levant. Je pourrai lui faire mon rapport et ainsi ne pas me montrer en ville.

— Excellente idée ! Martin, tu viendras tous les samedis. Tu apporteras des vivres et une charrette avec ce qu’il faudra pour rendre le séjour de… comment vous appelez-vous, Chevalier ?

— Je n’ai pas de nom, Monseigneur, juste un prénom et un surnom : Loup de Bigorre.

— Vous êtes originaire de mon comté alors… Vous savez comment sont mes gens, cela augure de bonnes choses... Que Dieu vous vienne en aide, Loup… que Dieu nous vienne en aide…

Durant un court instant, le masque plein de confiance et d’arrogance qu’affichait le comte de Bigorre se fissura et montra une angoisse qui déformait ses traits.

— Martin, tu restes pour lui expliquer la situation… Retrouve-nous plus tard !

Le comte s’éloigna avec ses courtisans, laissant les deux chevaliers s’observer longuement.

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